Il avait une peur bleue mêlée d’un aversion profonde envers ces foutues machines planquées aux endroits les plus improbables. Maintenant camouflées, elles avouaient sans pudeur leur fonction inavouée : punir !
Depuis la perte des ses derniers points, il roulait de nuit à des allures de sénateur, conscient que sa voiture, un cabrio Pontiac GTO de 69, même circulant à des allures légales, attirerait l’oeil de la maréchaussée.
Et tant pis si les 15 litres aux cents étaient engloutis de manière irréversible même en respectant les limitations. Les presque 400 chevaux qui piaffaient sous le capot réclamaient leur picotin de super !
Il roulait peinard, le coude à la portière, profitant des effluves dispensés par la pluie sur cette route forestière, bercé par le ronronnement discret de la mécanique.
Cet instant de pure béatitude valait la crainte d’un contrôle.
Son regard fut soudain attiré par une lueur dans son rétro. Un phare se rapprochait à grande vitesse.
Dans un vrombissement infernal, la moto le dépassa. Il s’en foutait mais le doigt d’honneur du connard juché dessus lui hérissa le poil. Le pied droit écrasa la pédale, la cavalerie déferla, les graviers jaillirent sous les roues tandis que la Pontiac se rapprochait du frimeur.
Encore un virage...
L’ abruti motard était juste devant lui, la bécane fumante vautrée dans le fossé.
Il braquait vers lui un Remington 770. Il vit la lueur sortir du canon, le rapide va et vient du tireur pour éjecter et réarmer. La détonation lui parvint, juste avant qu’une souffrance intolérable ne s’installe dans sa poitrine. Il n’entendit ni ne sentit la deuxième Brenneke lui perforer le coeur.
Le motard casqué s’approcha de la carcasse du cabriolet, releva sa visière et cracha à la face de celui qui gisait là :
« Je t’avais prévenu, c’était ta dernière chance, fallait pas t’approcher de mon amour ! »