La demeure du Chaos

iNano

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17 Mars 2005
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Dole
J'espère que je ne suis pas hors-sujet avec ceci... Il s'agit d'une "maison" qui se trouve en banlieue lyonnaise et dont le propriétaire est feru d'art (il est artiste lui-même) : il laisse les artistes s'y exprimer librement et ça donne ce résultat. C'est également le siège de sa société. On aime... ou pas ! Perso je trouve que c'est un lieu extraordinaire (même si je ne l'ai vu qu'en photo jusqu'à présent) ; malheureusement, la "Demeure du Chaos" est menacée d'être detruite par les autorités locales... Où commence la dictature et où s'arrête la liberté ?
 
iNano a dit:
la "Demeure du Chaos" est menacée d'être detruite par les autorités locales... Où commence la dictature et où s'arrête la liberté ?

Ce fut l'objet d'un reportage, il y a quelque temps. Il faut dire que c'est assez gore et que les habitants du petit village sont des personnes d'un certain âge. Je comprends qu'elles puissent être choquées par certaines "sculptures", sachant quel est leur vécu.
D'un point de vue artistique, au début dudit reportage, j'ai hésité entre folie créatrice et fumisterie, j'emploie le terme "fumisterie" pour éviter de faire une entorse à la charte. Après avoir entendu les propos du personnage, j'ai opté pour la deuxième option. Mais je comprends qu'on puisse ne pas être de mon avis. ;)
 
Aie Aie Aie.... Thierry Hermann.

Oh que j'aimerais bien qu'on discute de ça !

Mais pas ici, pas dans ce fil. Parce que, justement, la problématique judiciaire de la Demeure du Chaos, c'est "architecture" contre "art".
La municipalité demande que s'applique à la demeure du chaos les lois et reglements de l'architecture et de l'urbanisme, et Thierry Hermann défend sa demeure comme une œuvre.

Le débat dans lequel on va n'est donc pas un débat d'architecture. Il est un debat sur le statut de l'artiste, et sur le statut de la construction comme œuvre d'art, dans un des pays du monde où la législation sur la "forme urbaine" est la plus contraignante.

Je propose donc aux modos de créer un nouveau fil à partir du post d'iNano. Ça vous va ?

A partir de là, on pourra discuter de ce qui est "construction", et de ce qui est "œuvre", on pourra discuter du statut du patrimoine contemporain, on pourra discuter de qui dit qui est artiste, (le juge, le maire, le Ministère de la Culture, le proclamé artiste ?).
Parce que derrière le jugement que l'on peut porter sur la demeure ellle-même, ou sur son controversé promoteur, il faut reconnaitre à Thierry Herman le talent de poser des questions qui fachent.
La question de la Demeure du Chaos est un concentré de la problématique de l'art contemporain.
 
Personnellement, à première vue, l'objet ne m'a guère choqué, mais honnêtement, je plains ceux qui l'ont toute l'année sous leurs fenêtre (sans compter que si ces voisins veulent vendre, il risquent d'avoir du mal).

En fait, je ne pense pas que le débat puisse se limiter à "art v/s architecture".
 
Pascal 77 a dit:
Personnellement, à première vue, l'objet ne m'a guère choqué, mais honnêtement, je plains ceux qui l'ont toute l'année sous leurs fenêtre (sans compter que si ces voisins veulent vendre, il risquent d'avoir du mal).

En fait, je ne pense pas que le débat puisse se limiter à "art v/s architecture".
Disons que cela contient d'autres thématiques, comme "C'est quoi le beau ?", "L'art public est-il compatible avec l'ordre public ?", entre autres...

Maintenant, la question des voisins est assez périphérique. En tout cas, celle de l'esthétique du voisinage. Car depuis la rue, on ne voit pas grand chose. Quelques protubérances sur le toit et aux fenêtres. Des "tags" sur le mur...
Le gros des interventions se fait dans la cour et à l'intérieur. Et les voisins ne voient ça que de loin.

La municipalité s'appuie essentiellement sur une question de droit : Thierry Herman modifie sa maison sans déposer de permis de construire. Ce à quoi il rétorque en substance qu'il n'est jamais qu'un "facteur cheval" moderne.

La vraie différencce est dans le dérangement psychologique. Herman est un provocateur, qui revendique le statut d'artiste. Le facteur cheval revendiquait sa condition d'ouvrier, voir de paysan.
Et Herman est un milliardaire. Il a fait fortune dans les bases de données artistiques (artprice, et d'autres).
 
rezba a dit:
Parce que derrière le jugement que l'on peut porter sur la demeure ellle-même, ou sur son controversé promoteur, il faut reconnaitre à Thierry Herman le talent de poser des questions qui fachent.

J'ai bien peur que ces questions aient déjà été posées, tu ne crois pas ? Maintenant, qu'il appuie dessus de tout le poids de son compte en banque, je n'en doute pas 2 secondes ;) Dans le genre controverse, tu as les love graffitis d'André. Point commun : tout ça me semble invariablement lié, tout de même, à un consumérisme de bon ou mauvais aloi. D'ailleurs Herman insiste bien là-dessus dans sa loghorrée aux échos post nouveau réalisme, mixé avec un peu de facteur Cheval, et assaisonnée de, et c'est là que ça devient amusant, altermondialisme. :D
 
Par rapport à la maison idéale du facteur cheval, il faut préciser que ce n'est pas une maison "habitable". Il y a quelques cavités à l'intérieur, plus des niches qu'autre chose, un couloir aussi de mémoire et au moins une terrasse. Elle n'a jamais été, à ma connaissance, un lieu d'habitation.
Pour ce qui est de la demeure du Chaos, j'avais vu effectivement à l'époque ce documentaire à son sujet et je ne connais pas plus Thierry Hermann que ça. Ce qui m'avait marqué à l'époque c'était sa volonté avant tout de provoquer et de se servir de cette maison comme d'un outil pour sa démarche (artistique ? commerciale ? Je ne le connais pas assez pour en juger mais la question peut se poser).
 
Sur le discours, Herman est très fort. C'est, je crois, ce qui l'amuse le plus : se foutre de la gueule des édiles de son village.
On lui fait son sort une bonne fois pour toutes ? Allez. :D Moi, il m'insupporte. J'ai horreur de son discours sur la liberté de l'artiste, venant de quelqu'un qui exploite les œuvres d'art des autres. Je trouve son discours libertaire pathétique (il vit avec deux femmes, c'est scandaleux ! :D ). Fondamentalement, c'est un warholien. Ce qui l'intéresse n'est pas tant l'art, mais le business qu'il y a autour.

Maintenant, que tout cela ait déja été dit, c'est certain. Mais que tout soit dit en même temps, catalysé sur un même cas, je ne crois pas. En tout cas pas en France.
Et, en France, le statut de la création contemporaine est tout de même hyper spécifique.

Si je caricature à peine, en France, on est un artiste quand on est subventionné/reconnu par le Ministère de la Culture, ou par une équipe subventionnée par le Ministère our montrer des "artistes".
Donc le facteur cheval et Picassiette ne sont pas des artistes de leur vivant.
Mais ils ont fait œuvre artistique.
Dans la demeure du Chaos, c'est la question sous-jacente. Est-ce de l'art ? Non, répondent en cœur les riverains. c'est laid, c'est moche, c'est dégueulasse.
Et voila le juge apppelé à trancher : La demeure doit elle répondre aux contraintes de l'urbanisme ou aux contingences de l'art ?
 
rezba a dit:
Sur le discours, Herman est très fort. C'est, je crois, ce qui l'amuse le plus : se foutre de la gueule des édiles de son village.
On lui fait son sort une bonne fois pour toutes ? Allez. :D Moi, il m'insupporte. J'ai horreur de son discours sur la liberté de l'artiste, venant de quelqu'un qui exploite les œuvres d'art des autres. Je trouve son discours libertaire pathétique (il vit avec deux femmes, c'est scandaleux ! :D ). Fondamentalement, c'est un warholien. Ce qui l'intéresse n'est pas tant l'art, mais le business qu'il y a autour.

Maintenant, que tout cela ait déja été dit, c'est certain. Mais que tout soit dit en même temps, catalysé sur un même cas, je ne crois pas. En tout cas pas en France.
Et, en France, le statut de la création contemporaine est tout de même hyper spécifique.

Si je caricature à peine, en France, on est un artiste quand on est subventionné/reconnu par le Ministère de la Culture, ou par une équipe subventionnée par le Ministère our montrer des "artistes".
Donc le facteur cheval et Picassiette ne sont pas des artistes de leur vivant.
Mais ils ont fait œuvre artistique.
Dans la demeure du Chaos, c'est la question sous-jacente. Est-ce de l'art ? Non, répondent en cœur les riverains. c'est laid, c'est moche, c'est dégueulasse.
Et voila le juge apppelé à trancher : La demeure doit elle répondre aux contraintes de l'urbanisme ou aux contingences de l'art ?

Je plussoie, ce mec fait peur et il m'insupporte aussi.
Travaillant à Lyon et connaissant un peu les milieux de l'Art, on entends de tous dans les rumeurs du bon comme du mauvais. Mais ayant vu aussi un petit bout de la provocation dont il est capable et dont je ne parlerais pas ici car je risquerais de dire ce qu'on m'a dit plus ou moins de taire et de deux faire sa pub sans le vouloir .... il connait son monde et ses codes et je ne peux même pas dire ce qui me démange la langue car l'on pourrait m'envoyer en diffamation, comme quoi il est bon dans ce qu'il fait.
Le chao c'est pas mon truc.
 
odré a dit:
Le chao c'est pas mon truc.

Moi, si. :D
Mais ne parlons pas du bonhomme. De toutes façons, il a des goûts de chio.... puisqu'il mange chez Bocuse dès qu'il peut.
Parlons du statut de sa maison, et de ce qui en découle !
 
tu as aussi du coté de roquevaire la maison de celle qui peint, et c'est très bien accepté, en fait j'ai plutôt l'impréssion que cette histoire d'urbanisme c'est plutôt un moyen pour les habitants et leurs élus de jeter le geneur hors de la ville.

P7180001.jpg


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rezba a dit:
Parlons du statut de sa maison, et de ce qui en découle !

En réalité, je pense qu'il a donné le bâton pour se faire battre en contruisant la terrasse en poutres d'acier (rien à voir avec Sonny, quoique :mouais: ;)).
Jusque-là, si j'ai bien suivi, il se contentait d'aller chercher à la "décharge du coin", un hélico, une voiture, des mannequins et brûlait, fondait, agglomérait tout ça façon décharge de luxe.
La terrasse, elle, est une extension de la maison et pour le coup n'est pas du tout dans le style régional. Si tant est qu'il soit défini.

Citation tirée du site : "s'insérer au mieux et au plus tôt dans le paysage physique et psychologique de Saint-Romain." Je ne m'avance pas en disant qu'il va y avoir du travail ! :D
 
Saint Romain au Mont d'Or est un petit (même tout petit) village, charmant et typique de la région. C'est vraiment dommage, à mon avis, qu'on laisse de telles choses s'installer n'importe où. De l'art ? Oui, si vous voulez ! Mais dans des lieux artistiques : à Lyon ce n'est pas ce qui manque.
L'Urbanisme : c'est primordiale. Parce que si on commence comme ça, que verrons-nous sur les murs et dans les jardins des particuliers ?
 
boddy a dit:
Saint Romain au Mont d'Or est un petit (même tout petit) village, charmant et typique de la région. C'est vraiment dommage, à mon avis, qu'on laisse de telles choses s'installer n'importe où. De l'art ? Oui, si vous voulez ! Mais dans des lieux artistiques : à Lyon ce n'est pas ce qui manque.
L'Urbanisme : c'est primordiale. Parce que si on commence comme ça, que verrons-nous sur les murs et dans les jardins des particuliers ?


Ah, on y est ! Not In My BackYard, comme disent les anglais.
Saint Romain est joli, typique, tout ce que tu veux. Enfin c'est pas une perle, quand même. J'ai vécu vingt ans dans les "pierres dorées", et il y a dans la vallée de l'Azergues des villages autrement plus beaux que Saint-Romain au Mont d'Or.
Mais la question n'est même pas là. L'art se pose où il veut.
Ben a posé sa maison où il voulait. Ben est un artiste, on ne lui reproche pas de vivre en artiste. Et puis, Ben est consensuel, grahiquement parlant.
Danielle Jacqui, à Roquevaire, est aussi consensuelle, à sa façon. Même si elle a du batailler dur pour se faire accepter. Mais aujourd'hui, le festival dont sa maison est le pivot attire du monde. Et Roquevaire ne s'en plaint pas.
Si les habitants de St Romain pouvaient faire gicler Hermann, il le ferait. Sauf que le siège social de son groupe, Serveur, est à Saint Romain.... :D
Ils sont tellement énervés qu'ils n'arrivent pas à profiter des 120 000 visiteurs que la maison attirent à l'année...

Si l'art ne doit vivre que dans les lieux artistiques, alors il n'est qu'une branlicotade de plus. L'art existe là où il est. La maison Picassiette, tous les voisins trouvaient ça au pire laid et inutile, au mieux loufoque et charmant. Aujourd'hui, elle est dans le livre d'éducation civique de ma fille, au chapitre Protection du Patrimoine, à côté de la cathédrale de Chartres.

L'art ne dépend pas d'un point de vue esthétique. C'est là son paradoxe.
 
C'est de toute façon le futur de tout oeuvre dérangeante, d'être cataloguée et visitée :(

nb: A moins de détruire sa maison et de l'exposer en pots, dans ce cas là l'art est maitrisé dans sa durée, les visiteurs ne pouvant voir que les reste de l'oeuvre, au moins le créateur choisi les morceaux à donner en pâture aux vautours. la destruction entraine l'intemporalité de la maison