A
Anonyme
Invité
Pour tous les fans du zapping de lannée, ainsi que pour les liseurs de lignes en biais, les inlassables thuriféraires du raccourci approximatif et autres chantres imbéciles du lieu commun de comptoir, quelques morceaux choisis du journal intime dun (im)posteur fatigué
Car il est entendu, dans cet esprit si étroit qui est le mien, quavoir le goût des belles choses, de la musique de Bach et des couchers de soleil, quavoir la plume facile et léloquence bien pendue, et que railler lindigence ordinaire de mes contemporains tééfunophiles font de moi cet être supérieur, parfait aboutissement dune civilisation raffinée dont les fondements ne sauraient pas même trembler sous les coups de boutoir daviateurs fous.
[ ] La connaissance est ennemie de linnocence ; cest de notre ignorance dont se nourrissent les rêves, pas de notre savoir.
Il faut apprendre de nos erreurs, petites ou grandes, car nous navons pas dautre choix en ce monde que de devenir meilleurs : il en va de notre survie.
Mais la règle sait aussi quon ne laime pas beaucoup par ici, comme toutes les règles dailleurs, et elle se dit quil vaut peut-être mieux la jouer profil bas.
Il ny a pas à proprement parler de respect sur le chat, puisquil ny a personne, ou pour mieux dire : « puisque les utilisateurs connectés en même temps que moi nont pas dexistence réelle à mes yeux. » [ ] Quel crédit puis-je apporter à ces entités numériques qui jouent à être des personnes ? Quel crédit puis-je avoir, moi qui ne suis plus quun avatar, cest-à-dire au choix une transformation du moi réel ou une aberration binaire ?
Après avoir stigmatisé le désuvrement que reflète le bar certains jours, il ma semblé que donner à chacun lopportunité de participer, même de la façon la plus humble, à un ouvrage collectif pouvait être une manière intéressante daider à construire une communauté moins virtuelle que celle qui sagglomère paresseusement autour de nos machines.
Les imbéciles sont, avec lhydrogène, ce quil y a de plus répandu dans lunivers et il sen trouve toujours que le silence effraie plus que le bruit et la fureur. À limage de leur mère nature, les clients du bar ont horreur du vide, et je métonnerai toujours quils sefforcent de le combler avec du vent.
Ce qui minterroge surtout, cest que la simplification toujours accrue de ces outils (informatique, Internet et réseaux ), loin daffranchir nos esprits des contraintes liées aux nouveaux supports (mail, chat, forums ) et de nous permettre ainsi dexprimer plus librement la complexité inhérente à notre condition humaine, saccompagne le plus souvent dun déplorable appauvrissement de la pensée et dun mépris à peine latent pour toute tentative dintellectualisation du monde. Comme si la simplicité des outils rendait paradoxalement odieuse toute perspective dune pensée complexe.
Bref, à froid, comme les grands cigares, la cuite pue.
Parfois, on na tout simplement pas eu le temps, loccasion a manqué, et on se retrouve comme un con avec des mots enfoncés dans la gorge, des caresses avortées et le rêve sec de possibles paradis en allés.
Et parfois, dans un vieux cinéma, mal assis, jarrête le temps qui passe, aussi furtivement que la silhouette de Marlène évanouie au bout dun train chinois.
Le silence de la nuit est plein de ces petites peurs qui se murmurent mon nom entre elles et qui, dans un écho de ma pensée, font toutes ensemble un bruit plus grand que celui de la mer. Les drapeaux et les hommes se lèvent, et la nuit vient, comme une ombre soudain définitive, une noirceur de lâme, comme un malheur.
Cest fou ce que jai comme amis certains soirs
Le grand réseau numérique et froid est plein de cette affreuse petite souffrance d'enfant gâté dont on ne peut qu'avoir honte quand on a tout pour être heureux, de ce petit malheur ordinaire et mesquin du suralimenté computophile, de cette peine sans nom, toute bête et qu'on ne peut pas dire, mais qui vous serre le cur jusqu'aux lèvres.
Je reste persuadé, bien après Fénelon, que « la guerre est un mal qui déshonore le genre humain » et, bien avant Yoda, que personne ne devient grand par sa pratique
Avons-nous conscience de notre différence dans un monde où tout a été mis en uvre pour que nous soyons si semblables les uns aux autres, pour que nous nayons plus à nous craindre à défaut de pouvoir nous aimer ?
Comme on se sent loin de la réalité parfois sordide, des petites mains tordues dans les couloirs dhôpitaux, des factures qui tombent, des guerres et des néants quotidiens. Comme on est à labri dans cet univers aseptisé où tout obéit au doigt et à lil, où tout se maîtrise. Je lis ce que je veux, jécris ce que je veux, les filles dénudées ne mordent pas et les garçons se laissent mater sans menace
Mais ce quil ny a pas sur mon écran, cest la douceur des soirs dété, lodeur obsédante du menthol ou le parfum léger des filles pressées. Il ny a pas de chair qui se torde, pas de voitures qui sen vont, pas de ville dans laquelle disparaître.
Jai voulu raconter cette histoire parce quil y a de ces petits moments qui nous réconcilient avec la terre entière et quil faut saisir, parce que ce grand couillon des plaines nordiques maurait presque fait chialer avec son petit paquet brun.
[ ] Il ma semblé quun coin de zinc était souvent propice aux épanchements attendris, puisque cest là, dans les vapeurs dalcools, que des parfums oubliés nous remontent et, remâché dans le vin, le souvenir ému des visages croisés.
Cest ainsi : les samedis dété sont pleins de femmes en blanc aux porches des églises, et dhommes sombres et transpirants dont la grande affaire est de savoir sils ne sévanouiront pas avant davoir prononcé la petite syllabe qui les a traînés là Lamour est notre grande peur.
Je ne me posai pas la question de savoir si jallais lui répondre. Je me demandai seulement si, quand jaurais fini de composer le numéro sur le cadran, je saurais quoi lui dire.
Elle regarda la chambre. Le papier peint avait deux ans. Il était neuf pour ainsi dire. Cétait juste après la mort dHenri. Elle sassit doucement sur le lit.
Qui peut se satisfaire de la médiocrité ?
Je me souviens qualors javais 8 ou 9 ans je campais un Géronimo presque plus vrai que nature, fier apache béarnais aux joues roses et déjà orgueilleux. La grande prairie déroulait ses herbes hautes entre les piliers du préau et nos pauvres semelles figuraient les durs sabots luisants détalons magnifiques. On aurait peine à croire aux folles chevauchées qui sélancèrent là, dans lombre calme du clocher de la chapelle. Il me semble que jentends parfois encore le cri des jeunes cow-boys à mes trousses. Mais je suis sauf, bel et bien : je sais quils ne rattraperont jamais le terrain perdu. Je suis à présent trop vieux pour me laisser surprendre par mes rêves denfant.
Je veux les autres, jai besoin deux si différents de moi : ils sont le paradis et lenfer véritables.
Je crois que ce qui vaut pour les uns vaut pour moi et que, nétant pas meilleur que le reste des hommes, leurs défauts sont aussi les miens. Je vois, partout, des marques de la même mesquinerie quotidienne, mais bien loin de men offenser ou den rire, je sens quelle me lie confusément au reste des humains.
Mes bouteilles à la mer sont aussi dérisoires que les rires sonores des fausses joies qui mentourent. Mais quand jaurai couvert la mer de ces bouteilles, si jy parviens, peut-être le bruit de leurs verres entrechoqués au fil de leau finira par couvrir la rumeur obsédante.
Il y a les jours dennui et leurs rires forcés, les messages quon envoie, comme de bouteilles à la mer, parce quon a la solitude au bout des doigts, les thés quon boit avec une légèreté feinte, puisquil vaut toujours mieux feindre un peu de bonheur. Mais il y a les mensonges quon hurle ou qui se murmurent, comme le plaisir dans tes draps. Il y a des dimanches.
À la fin, il y a toujours un regret.
Car il est entendu, dans cet esprit si étroit qui est le mien, quavoir le goût des belles choses, de la musique de Bach et des couchers de soleil, quavoir la plume facile et léloquence bien pendue, et que railler lindigence ordinaire de mes contemporains tééfunophiles font de moi cet être supérieur, parfait aboutissement dune civilisation raffinée dont les fondements ne sauraient pas même trembler sous les coups de boutoir daviateurs fous.
[ ] La connaissance est ennemie de linnocence ; cest de notre ignorance dont se nourrissent les rêves, pas de notre savoir.
Il faut apprendre de nos erreurs, petites ou grandes, car nous navons pas dautre choix en ce monde que de devenir meilleurs : il en va de notre survie.
Mais la règle sait aussi quon ne laime pas beaucoup par ici, comme toutes les règles dailleurs, et elle se dit quil vaut peut-être mieux la jouer profil bas.
Il ny a pas à proprement parler de respect sur le chat, puisquil ny a personne, ou pour mieux dire : « puisque les utilisateurs connectés en même temps que moi nont pas dexistence réelle à mes yeux. » [ ] Quel crédit puis-je apporter à ces entités numériques qui jouent à être des personnes ? Quel crédit puis-je avoir, moi qui ne suis plus quun avatar, cest-à-dire au choix une transformation du moi réel ou une aberration binaire ?
Après avoir stigmatisé le désuvrement que reflète le bar certains jours, il ma semblé que donner à chacun lopportunité de participer, même de la façon la plus humble, à un ouvrage collectif pouvait être une manière intéressante daider à construire une communauté moins virtuelle que celle qui sagglomère paresseusement autour de nos machines.
Les imbéciles sont, avec lhydrogène, ce quil y a de plus répandu dans lunivers et il sen trouve toujours que le silence effraie plus que le bruit et la fureur. À limage de leur mère nature, les clients du bar ont horreur du vide, et je métonnerai toujours quils sefforcent de le combler avec du vent.
Ce qui minterroge surtout, cest que la simplification toujours accrue de ces outils (informatique, Internet et réseaux ), loin daffranchir nos esprits des contraintes liées aux nouveaux supports (mail, chat, forums ) et de nous permettre ainsi dexprimer plus librement la complexité inhérente à notre condition humaine, saccompagne le plus souvent dun déplorable appauvrissement de la pensée et dun mépris à peine latent pour toute tentative dintellectualisation du monde. Comme si la simplicité des outils rendait paradoxalement odieuse toute perspective dune pensée complexe.
Bref, à froid, comme les grands cigares, la cuite pue.
Parfois, on na tout simplement pas eu le temps, loccasion a manqué, et on se retrouve comme un con avec des mots enfoncés dans la gorge, des caresses avortées et le rêve sec de possibles paradis en allés.
Et parfois, dans un vieux cinéma, mal assis, jarrête le temps qui passe, aussi furtivement que la silhouette de Marlène évanouie au bout dun train chinois.
Le silence de la nuit est plein de ces petites peurs qui se murmurent mon nom entre elles et qui, dans un écho de ma pensée, font toutes ensemble un bruit plus grand que celui de la mer. Les drapeaux et les hommes se lèvent, et la nuit vient, comme une ombre soudain définitive, une noirceur de lâme, comme un malheur.
Cest fou ce que jai comme amis certains soirs
Le grand réseau numérique et froid est plein de cette affreuse petite souffrance d'enfant gâté dont on ne peut qu'avoir honte quand on a tout pour être heureux, de ce petit malheur ordinaire et mesquin du suralimenté computophile, de cette peine sans nom, toute bête et qu'on ne peut pas dire, mais qui vous serre le cur jusqu'aux lèvres.
Je reste persuadé, bien après Fénelon, que « la guerre est un mal qui déshonore le genre humain » et, bien avant Yoda, que personne ne devient grand par sa pratique
Avons-nous conscience de notre différence dans un monde où tout a été mis en uvre pour que nous soyons si semblables les uns aux autres, pour que nous nayons plus à nous craindre à défaut de pouvoir nous aimer ?
Comme on se sent loin de la réalité parfois sordide, des petites mains tordues dans les couloirs dhôpitaux, des factures qui tombent, des guerres et des néants quotidiens. Comme on est à labri dans cet univers aseptisé où tout obéit au doigt et à lil, où tout se maîtrise. Je lis ce que je veux, jécris ce que je veux, les filles dénudées ne mordent pas et les garçons se laissent mater sans menace
Mais ce quil ny a pas sur mon écran, cest la douceur des soirs dété, lodeur obsédante du menthol ou le parfum léger des filles pressées. Il ny a pas de chair qui se torde, pas de voitures qui sen vont, pas de ville dans laquelle disparaître.
Jai voulu raconter cette histoire parce quil y a de ces petits moments qui nous réconcilient avec la terre entière et quil faut saisir, parce que ce grand couillon des plaines nordiques maurait presque fait chialer avec son petit paquet brun.
[ ] Il ma semblé quun coin de zinc était souvent propice aux épanchements attendris, puisque cest là, dans les vapeurs dalcools, que des parfums oubliés nous remontent et, remâché dans le vin, le souvenir ému des visages croisés.
Cest ainsi : les samedis dété sont pleins de femmes en blanc aux porches des églises, et dhommes sombres et transpirants dont la grande affaire est de savoir sils ne sévanouiront pas avant davoir prononcé la petite syllabe qui les a traînés là Lamour est notre grande peur.
Je ne me posai pas la question de savoir si jallais lui répondre. Je me demandai seulement si, quand jaurais fini de composer le numéro sur le cadran, je saurais quoi lui dire.
Elle regarda la chambre. Le papier peint avait deux ans. Il était neuf pour ainsi dire. Cétait juste après la mort dHenri. Elle sassit doucement sur le lit.
Qui peut se satisfaire de la médiocrité ?
Je me souviens qualors javais 8 ou 9 ans je campais un Géronimo presque plus vrai que nature, fier apache béarnais aux joues roses et déjà orgueilleux. La grande prairie déroulait ses herbes hautes entre les piliers du préau et nos pauvres semelles figuraient les durs sabots luisants détalons magnifiques. On aurait peine à croire aux folles chevauchées qui sélancèrent là, dans lombre calme du clocher de la chapelle. Il me semble que jentends parfois encore le cri des jeunes cow-boys à mes trousses. Mais je suis sauf, bel et bien : je sais quils ne rattraperont jamais le terrain perdu. Je suis à présent trop vieux pour me laisser surprendre par mes rêves denfant.
Je veux les autres, jai besoin deux si différents de moi : ils sont le paradis et lenfer véritables.
Je crois que ce qui vaut pour les uns vaut pour moi et que, nétant pas meilleur que le reste des hommes, leurs défauts sont aussi les miens. Je vois, partout, des marques de la même mesquinerie quotidienne, mais bien loin de men offenser ou den rire, je sens quelle me lie confusément au reste des humains.
Mes bouteilles à la mer sont aussi dérisoires que les rires sonores des fausses joies qui mentourent. Mais quand jaurai couvert la mer de ces bouteilles, si jy parviens, peut-être le bruit de leurs verres entrechoqués au fil de leau finira par couvrir la rumeur obsédante.
Il y a les jours dennui et leurs rires forcés, les messages quon envoie, comme de bouteilles à la mer, parce quon a la solitude au bout des doigts, les thés quon boit avec une légèreté feinte, puisquil vaut toujours mieux feindre un peu de bonheur. Mais il y a les mensonges quon hurle ou qui se murmurent, comme le plaisir dans tes draps. Il y a des dimanches.
À la fin, il y a toujours un regret.