Un zoo en hiver

camisol

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27 Novembre 2002
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l'ombilic des limbes
La touffe d'herbe est charnue, et pleine de givre. Derrière elle, je vois les roches qui surplombent la vallée.
A ma gauche, comme les mains sur les hanches, scrutant l'horizon, se tient un vieux lion, plein de force et d'honnêteté. Il vit là, c'est son royaume. Il y est en liberté. Comme tous les autres animaux de ce singulier zoo. Son regard se porte au loin, il voit les autres sages, perchés sur leur rocher.
Face à lui, la gypaète barbue, économe de ses mouvements. Parfois, elle lâche un petit os ramassé, pour qu'il se brise sur le rocher. D'autres fois, elle s'assoit au milieu des mammifères, et leur enseigne un jeu.
De l'autre côté, sur la colline sud, l'autre sage se promène. C'est le loup blanc. De son pas solitaire, il parcourt les ruisseaux, admire les paysages, enseigne aux oiseaux comme aux fleurs, parle de ses montagnes, et de nos vallées. Ici et là, il s'arrête tailler une bavette, ou regarder la lune, avec un ami nocturne.
Pas très loin de lui, le gardien de la nuit cligne des yeux. Chouette hulotte, on ne la voit que tard, lorsqu'elle sort enfin, fatiguée d'avoir écrasé ses doigts sur l'acier. Apaisée. Jamais son cri ne déchire le silence de la nuit.
Le jour se lève, et les randonneurs sont désormais visibles. Plus pour longtemps pour le vieux lièvre. Il aime à traîner encore au matin, mais c'est la nuit tombée qu'il préfère déguster ses mets préférés. La luzerne des mots, le trèfle des poésies. Les gras pissenlits vantés à ses amis de tablées.
Pour l'écureuil, en revanche, la journée commence. C'est en flânant qu'il entame sa récolte de petits papiers. Qu'il entrecoupera de siestes, à l'ombre d'une bonne souche, ou couché dans le foin, près d'une antilope parfumée.
En voici une, justement. Une antilope pallas. Clignant de l'½il, ou plissant les yeux, on la croise du jour à la nuit. Basse-cour, café, salon, elle connaît tous les endroits féconds. Lèche les plaies, secoue les endormis. Ou s'étire de tout son long, et sourit au soleil.
Le jour est là, maintenant. L'iguane majestueux contemple sa journée à venir, pense à ses prochaines destinées. Rève aux nouvelles prairies dans lesquelles il s'allongera, aux étrangers avec qui il dansera la samba. Et le grand merle chante déja. Il cherche les couleurs dans lesquelles il trempera ses ailes, ou, qui sait, les moqueries qu'il s'amusera peut-être à fourbir, s'il trouve compagnon.
Le seigneur blaireau, lui, fouille déja la terre calcaire, à la recherche du champignon qui l'illuminera. S'il le veut, il bataillera pour son territoire. S'il le faut, il s'enfermera dans son terrier. Ou se régalera de partager encore une tournée de jus fermenté.
Le taureau de la lande, lui, s'économise. Son verbe se fait bougon, mais sa plume reste alerte. Et il ne craint pas de rire de ses démons.
Les démons, où sont-ils, dans cette aube trompeuse ? L'esprit du marais, nul ne le sait. Et peu s'en soucie. Le python royal est déja à la fète. Il n'aime rien tant qu'un venin matinal. Mais ses propres crocs l'ennuient, à remacher les mêmes souris.
Le vieux jaguar trottine. Ses deux cousins, ses enfants, ses neveux ne sont guère plus loin. Ils finissent un festin, ou croquent un vieil os, histoire de se faire les dents. Tout à l'heure, s'ils ont faim, ils partiront chasser, bondissant de collines en vallées, de canyons en rochers. Rien n'arrête leur course, sauf leur c½ur haletant. La panthère solitaire est, elle aussi, en chasse. Elle court en parallèle, saute d'un chemin à l'autre. Et parfois, sort ses griffes, esquive, guerroie. Ou bien s'arrête, ronronne, donne la patte aux habitués des sentiers.
Tous sont des fauves de la lumière. Tous, ou presque, viennent des grandes grottes. Celles où jouent les tribus des carnassiers. Le royaume du lynx, du puma, et du petit grizzly. Les fauves entre eux. Joueurs, lutteurs, taquins. Hormis les félins pour leurs courses, peu d'entre eux sortent à la lumière, leur taverne de guerriers leur suffit. Certains, pourtant, ont pris goût au soleil. Ainsi, ce jeune ours brun, toujours dressé sur ses pattes. Il s'est installlé sur le grand plateau, jongle, chicane les passants, tend les bras et récolte les hourras. Il était joueur, le voilà comédien. Artiste de rue. Clown, conteur, acrobate. Ricaneur. Charmeur. Et ses amis de foire, l'ocelot, tendre et bagarreur, le léopard, énergique et fainéant, et le tigre des neiges, rapide et discret, se distraient tout autour, et s'égayent à loisir. Près d'eux vivent les canidés. Le plus rapide d'entre eux, c'est le maître coyotte. Ricanant, léchant les festins, nul ne l'attend là où il est. Le plus souvent dans sa cachette, il bricole ses armures, puis lève la tête, et s'en va toiser les perdreaux, arracher un bout de viande dans un mollet de chien, ou faire un brin de cour. On le verra alors trotter de côté, moquant ses moqueurs, ou fuir, selon la taille de l'ennemi. Sa seule vraie peur vient de son maitre, le loup dominant. Voila le roi des plaines, le plus fier des pelages! Celui pour qui la chasse n'est que jeu, et le jeu n'est que chasse. Il passe de regard en regard, de voix en voix. La piétaille s'écarte, et les courtisanes s'émeuvent, ou font semblant.
La biche a relevé la tête. Elle envoie quelques fleurs, sifflote et montre ses atours. Elle aime être belle autant que d'être aimée. La petite jument de préwalsky, aussi, se laisse parfois séduire. Elle alterne rires et ruades, et ne dédaigne pas s'encanailler avec le rois des canidés. Mais elle préfère souvent le joyeux zèbre, le prince de la prairie. Lui promène ses robes rayées, distribue bouquets et petits tours, et rit à pleines dents de sa vie, gambade aux bras de ses amies. La marmotte élégante, fait sa pelote de poésies sucrées-salées, la gazelle, elle, s'épanouit. Parfois, un bouquetin alpin gambade autour d'elles, récolte des fleurs, dit bonjour à la famille et aux amis. Dans la plaine, l'ambiance est bon enfant.

C'est que, récemment, un magnifique chimpanzé les a rejoints. Il est fort, rusé, il est le roi des singes. Sage et sarcastique. Drole et habile. Il grime les autres, pour tromper son propre masque. Salué ou jalousé, il est l'arlequin de la plaine. Il en aime le décor. Dans sa forêt de bambous, le sage koala, lui aussi, redécorre sans relâche. Peint, repeint. S'assoit, conte des histoires, en fait conter aux autres, ou retourne son pelage, pour se doubler lui même. Il a ses compagnons de dessins, l'oppossum rêveur et fidèle, le petit dragon virevoltant, le b½uf charmeur, le grand goéland chanteur, le chat sauvage bassiste, l'épervier bionique. Ils sont là depuis bien longtemps. D'autres vivent désormais cachés des autres animaux. Le fier cerf, la belle cigogne. Certains s'économisent. Ainsi de ce vieux sanglier, autrefois courreur de jupons, aujourd'hui caché dans ses herbes. Et tant d'autres, partis, justes arrivés ou à venir.
 
Le soleil rayonne, maintenant. Où sont les gardiens ?
Le condor invisible plane dans les sphères, jouant dans ses toboggans d'air et ses tuyaux de vent, prêt à fondre sur l'impétrant. Le renard rusé se glisse quelque part. Il est braillard, paillard, mais surveille sa faune. Le fenec, lui, peut jouer dans les fourrés, ou scruter la prairie, il n'est jamais en reste. D'autres, camarades de chambrée, se plaisent à s'y reposer, comme le grand requin des profondeurs. Parfois l'hydre, cet animal improbable, fait la police. Le minotaure ferme toute issue, tandis que le centaure délaisse son plaisir pour tendre l'arc. Mais quoiqu'il en soit, l'aigle royal n'est jamais très loin, et le faucon, qui n'est plus maltais, fait toujours quelques descentes amusées.

Quel drôle de bestiaire, il faut dire ! Et le temps me manque pour rencontrer toutes les espèces. Mais beaucoup sont de celles qui sauront conter les oubliés. ;)

A peluche, donc.
:rateau: :D
 
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Réactions: Human-Fly
Maintenant que nous avons les légendes,
quelqu'un se risquerait-il à faire une illustration ?

Un beau tableau en perspective.

:zen:
 
Magnifique cher maitre Camisol :zen: :love:
 
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Réactions: macmarco
....:up::zen:...il faudrait le mettre en lien direct lors de toute inscription sur Mac G.
A apprendre par coeur et à réciter à haute voix lors de la cérémonie d'intromission...d'intronisation.....(au choix.)
 
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Réactions: camisol
golf a dit:
Non d'une hyène, elle est déchaînée la camisol ces jours ci :D
C'est Camisol, la hyène ? J'aurais pensé à quelqu'un d'autre ! :siffle:

J'ai lu vite, mais j'ai pas l'impression qu'il se soit inclut dans le bestiaire.
 
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Réactions: IceandFire et lumai
camisol a dit:
Quel drôle de bestiaire, il faut dire ! Et le temps me manque pour rencontrer toutes les espèces. Mais beaucoup sont de celles qui sauront conter les oubliés. ;)

A peluche, donc.
:rateau: :D


C'est indubitable... il écrit "sompeutueusement" Monsieur Camisol... :zen:

Belle visite... j'adore...
 
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Réactions: IceandFire
Dans cette faune étrange vit aussi le caméleon. Ses yeux, aux mouvements dissociés, étirent ses idées dans tous les sens aussi sûrement que Sacha Distel fabrique des scoubidous les soirs de grandes solitudes :D Il regarde la savane et contemple ses compagnons dans cet univers luxuriant.
Parfois il se dit que la pie ferait bien de se taire un petit peu pour qu'il puisse rassembler ses idées déjà bien éparses. Et pourtant il adore qu'elle lui parle des dernières folies qu'elle a découvert au détour d'un buisson. Elle a même vu, lui a-t-elle dit, un inséparable solitaire, un orfraie majesteux volant en altitude.
 
Dites, quelqu'un connait le rire du koala ? :confused:
Parce que là, il ne boude pas son plaisir et rit à gorge déployée ! :D :D :D :D :D
Magnifique, camisol !!! :up: :up: :up: :style:
Chapeau bas, Monsieur !
zorrosalut.gif







PS : Pour ceux qui se demandent d'où sort ce smiley masqué, désolé, c'est trop long à expliquer et j'ai la flemme.... (on est vendredi, hein ? ;) ) :D :D :D