(...) Tu sais, à Paris, rien de tout cela n'a jamais empêché personne de baiser, ou, au moins, d'y penser. Et moi, c'est vrai, j'aurais voulu être le fiancé d'une jeune garde rouge; on en voyait plein, en photo, sur les magazines. Et là, je n'étais pas marié; je désirais toutes les femmes. Et j'ai cru aimer.
Tu sais, la victoire et la défaite, c'est pareil: ca se traduit par des larmes. A l'amour comme à la guerre. On efface finalement ces larmes; il ne reste que l'ombre de la douleur, mais on y voit avec certitude que la guerre vous a trompé, que l'amour était menteur, comme l'odeur de la poudre, et qu'on a aimé jusqu'au bruit des armes. Alors cette douleur, dont la trace était vaine, on est tenté d'y voir le seul bonheur qui reste: au moins, on a pleuré. Si au moins on pouvait retrouver cette souffrance, et s'arracher le coeur comme on dégraffe une grenade, comme avant, avec les mêmes océans solitaires tout autour, comme avant. On va bien sur les tombes, comme si on voulait se réchauffer avec des cendres...
Philippe Léotard.