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Invité
Avant le naufrage (celui du forum) j'avais suggéré un débat sur les rapports graphiste/Edition. Alors voici comme point de départ une petite histoire, réelle, un gentil coup de pied dans un panier de crabes, mais ne le prenez pas trop au sérieux...

Monsieur C... est un illustrateur à l'ancienne - pastels, boîte d'aquarelle, encre de Chine - qui vit simplement de son métier au milieu des senteurs d'huile de lin et de thérébentine. Sans se presser. Amoureux de son art, de ses chats, et doucement fier de son savoir-faire.
Ce jour-là, comme tout premier lundi du mois, il referme avec soin la petite porte de bois blond de son atelier, en repousse les plaintifs volets pervenche, et dépose la lourde clef brune sous les grappes fuschia du géranium.

.../...

Avec les bourdonnements de tempes qui accompagnent d'ordinaire le dévoilement d'un secret merveilleux, il délace fébrilement les rubans du carton à dessins et recule d'un pas, une sensation de vide dans la poitrine. Mais ce vide, il sait qu'il sera bientôt comblé par les élogieux compliments d'un connaisseur, la reconnaissance de l'esthète admiratif.
L'éditeur, en appui sur ses deux mains de part et d'autre du trésor dévoilé mais à peine effleuré du regard, relève la tête : "Bon ! Et les fichiers ?"
– Les fichiers...?
– Ben oui, les fichiers ! Qu'est-ce que vous voulez qu'j'en foute de çà ? Z'avez pas les fichiers ?
– Les fich...?
– Rolande ! Appelez-moi l'imprimeur ! Bon il nous reste un mois, mais faut vous y mettre hein ? Mon père vous l'avait dit la dernière fois avant son malheur ! Voyez avec Rolande, elle vous fera une avance. En face, chez GigaBlaster System, vous aurez tout c'qui faut, y z'ont même des p'tits jeunes qui s'y connaissent, qui vous donneront tous les conseils pour démarrer. J'vous rappelle dans la soirée pour vous dire c'qu'y faut à l'imprimerie. Allez, vous verrez c'est pas la mer à boire, et bravo pour les crobars, pas mal... pas mal du tout. Rolande ! Voyez avec Monsieur pour une avance de 20000. Vous avez eu l'imprimeur ? Passez-le moi !

.../...

– Alors voilà, vous avez d'quoi noter ? Il veut que du PSD, du Photoshop quoi !
– Photo...shop, oui çà je l'ai...
– Alors en CMJN, laissez tomber RVB, y dit qu'y peut rien en faire.
– C...M...J...N... et Hervé qui ?
– B ! RVB ! Mais y veut CMJN. Et en 300dpi à la taille finale, vous avez pris un scanner ?
–...dpi, oui mais j'ai pas le bon raccord, j'y retourne demain. C'est tout pour les instructions ? Je ne suis pas sûr de tout comprendre...
– Non, autre chose ; vous avez un mail ?
– Un mail...?
– Une boîte aux lettres quoi ! sur internet, vous voyez : les autoroutes de l'information !
– Oh, moi... les autoroutes...
– Bon si vous en avez pas, il faut que vous passiez demain chez l'imprimeur pour le profil.
– Le profil...?
– De l'imprimeur oui. Y dit qu'sinon vous allez faire n'importe quoi. Vous fâchez pas, y dit qu'c'est normal que vous fassiez n'importe quoi !
– ...!
– Vous avez déjà travaillé avec lui ?
– Ben non ! Du temps de votre père...
– Comprends pas ! Toute façon c'est mieux que vous alliez le voir, pour les séparations... il dit qu'c'est à vous de faire les séparations.
– ...!
– Ah ben ! C'est lui le pro hein ?

.../...

La suite de cette histoire, c'est que Monsieur C..., quand il sort de chez lui, referme avec rage la petite porte de bois Pantone 28-3 Process de son atelier, en claque les plaintifs volets Pantone 192-5 Process, et jette la lourde clef Pantone 24-1 Process sous les grappes fanées du géranium qu'il n'arrose plus. De plus, ayant appris un nouveau métier bien loin de sa vocation, il n'ose même plus tremper son pinceau dans l'écoline, car il sait qu'il ne pourra pas faire "Pomme Z"... pardon... "Ctrl Z" parce qu'en plus, il s'est fait refiler un PC !
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Là, tu me la coupes…
J'espère que ce ne n'est pas de toi que tu parles. Mais le peu que tu en as dit me fait penser que non.
Belle histoire tout de même. Je souhaite de tout cœur qu'elle ne reflète pas la réalité.
Chez nous, je dois presque me battre pour que les "doués" en dessin travaillent à la main.
Mais quel bonheur quand on touche un véritable orginal.
On a tellement rebattu les oreilles des graphistes avec le Mac et ses logiciels et préphériques magiques qu'ils n'osent plus dessiner et peindre.
Donc, si ça peut te rassurer, saches qu'à Rambouillet une équipe de graphistes résiste encore au tout numérique, mais que c'est vrai que c'est parfois dur…
 
Non sois rassuré, ce n'est pas moi, mais c'est très proche quand même. Ce que je cherchais à souligner, c'est l'abus d'autorité de la part de certains professionnels. Bon d'accord, les imprimeurs utilisent toujours la synthèse soustractive de la couleur, alors que les graphistes sont passés à l'additif (pour la plupart sans le savoir). Mais c'est chez les premiers qu'on devrait trouver les compétences et le matériel pour effectuer les conversions, non ? Monsieur C... n'ayant les moyens ni de suivre des stages, ni de s'acheter un Barco, on ne pourrait pas de temps en temps réenvisager l'épreuve et le "Bon à Tirer" ? C'est vrai encore que l'Editeur joue le plus souvent un rôle d'isolant que de transmetteur d'informations entre les extrémités de la chaîne. Ceux que je fréquente ne comprennent rien aux nécessités techniques de l'une et encore moins aux aspirations artistiques de l'autre. Mais c'est vrai aussi que dans mon cas il y a la barrière de la langue (comment dit-on "caca d'oie" en anglais : shit of goose ?). Et enfin le travail d'un illustrateur semble moins considéré sur le plan artistique lorsqu'il utilise les techniques informatiques.
Bon, en plus de tout çà, je suis volontiers polémiste et iconoclaste, et les envies de tirer le portrait à la Bridélice ne me manquent pas, Gloup Gloup !
 
<BLOCKQUOTE><font size="1" face="Verdana, Geneva">quote:</font><HR>Posté à l'origine par Franck Aguila:
le travail d'un illustrateur semble moins considéré sur le plan artistique lorsqu'il utilise les techniques informatiques<HR></BLOCKQUOTE>

Moi je comprend ça. Quand on voit la lumière jouer sur un Arches, quand on peut sentir la matière accumulée, il me semble qu'il y a quelque chose de magique qui dépasse la simple composition. Et puis, il y a la richesse des couleurs, le toucher. Enfin, ça s'apparente peut-être aussi plus facilement à une longue tradition artistique.

Je suis pour l'invention d'une imprimante qui ajoute une légère ronde-bosse aux impressions. Des matières, des reflets. Je me souviens des sorties sur Tektronix à l'encre solide. C'était sympa et on pourrait creuser dans ce sens non ?
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Bonjour,

Moi aussi j'en ai marre de ces mecs qui se disent graphistes sous pretexte qu'ils viennent de s'acheter un PC + un scanner + une imprimante, puis se procurent Photoshop ; là pour l'esprit creatif, on fonce comme des bourrins sur le premier scan pourri et pis on s'applique à passer 36 filtres au hasard avec des réglages délires....
15 calques plus tard et lorsque Windows previent qu'il n'a plus de RAM disponible, on sauvegarde et là on se recule un peu et on est très fier de soi, car le resultat est à la hauteur de l'investissement, mega délire.
Puis le temps passe, et là on prend de l'assurance ; passons à l'étape suivante, une méga délire affiche pour le groupe rock du college et là ça rigole pas car c'est un imprimeur qui va le tirer à 250 ex au moins...
Pis là c'est la cata, un fichier PSD à 72 dpi en RVB et en JPEG, que l'imprimeur refuse si il à une conscience professionnelle (ou alors il fait signer une décharge).
Enfin bref, la seule explication est que l'imprimeur est un con, qu'il y connait rien à photoshop et que on se débrouillera sans lui....
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Et que l'invention de la photographie a nivellé par le bas le niveau des peintres !?! ;-)

Au contraire l'apparition de la photo a dégagé pour la peinture toute obligation de représentation de la réalité : la peinture a connu un bouleversement plutôt revolutionnaire à cette époque (les impressionnistes...).

Le débat ne se situe pas à ce niveau : le pinceau ou l'ordinateur ne sont que des outils... ce qui reste ce sont les idées.... qu'importe les moyens !

Et ceci est vrai pour toute forme de création : ah, ces musiciens qui "bidouillent" sur ordinateur ne connaissent même plus le solfège mon pauvre monsieur !

L'éternel débat entre artisan et artiste...
 
<BLOCKQUOTE><font size="1" face="Verdana, Geneva">quote:</font><HR>Posté à l'origine par mackoala:
Le débat ne se situe pas à ce niveau : le pinceau ou l'ordinateur ne sont que des outils... ce qui reste ce sont les idées.... qu'importe les moyens !
<HR></BLOCKQUOTE>

Toutafé ! L'infographiste ne remplacera jamais le graphiste traditionnel. Les outils et les résultats sont tellement differents.

La problèmatique c'est de passer d'une œuvre originale "numérique" ou "analogique" à une diffusion papier. Monsieur C. devrait aller voir un autre éditeur…
 
Ne vous méprenez pas ! Quand je dis que "le travail d'un illustrateur semble moins considéré (...) lorsqu'il utilise les techniques informatiques", je parle de la réaction du spectateur. Ce n'est pas un jugement sur la qualité artistique ou technique du graphiste. Dans l'esprit de beaucoup de gens, le fait d'utiliser un ordinateur est assimilé à une solution de facilité, et quelle que soit la maîtrise du graphiste ils n'hésiteront pas à émettre un jugement, voire à lui donner des conseils. Alors qu'ils ne le feraient pas s'il s'agissait d'une sanguine ou d'une huile sur toile.
Il y a quelques années, quand un imprimeur devait reproduire un tableau de Monsieur C..., c'était à lui de faire en sorte que les couleurs soient le plus possible fidèles à l'original. Aujourd'hui c'est l'inverse !
 
<BLOCKQUOTE><font size="1" face="Verdana, Geneva">quote:</font><HR>Posté à l'origine par Franck Aguila:
Il y a quelques années, quand un imprimeur devait reproduire un tableau de Monsieur C..., c'était à lui de faire en sorte que les couleurs soient le plus possible fidèles à l'original. Aujourd'hui c'est l'inverse !<HR></BLOCKQUOTE>

Ah bon ? Je ne suis pas un professionnel de la chaine graphique mais je trouverai logique que Monsieur C. trouve un éditeur qui se charge de tout le projet : du premier scan jusqu'au bon à tirer. Après tout l'imprimeur n'est qu'un maillon de la chaine.
 
On m'a tjrs appris que dés qu'on veut réaliser un travail graphique (quel qu'il soit) on commence sur papier! Pour avoir une idée la plus nette possible de la réalisation finale. Et ne pas se faire dérouter par les logiciels, ou ses capacités a utiliser un logiciel. J'ai déja vu un paquet de gens qui travaillent quasiment tout le temps de la meme facon et n'essayent plus d'évoluer, d'apprendre de nouvelles choses car dés qu'ils ont une difficulté il la contourne en réduisant le travail graphique... bref y'a plus de challenge alors
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Pour répondre à Franck, je pense qu'aujourd'hui les imprimeurs essaient toujours de satisfaire l'artiste en essayant d'imprimer des reproductions fidèles dans les couleurs à l'original.
Certes, c'est une tache bien difficile et seuls des chromistes de métier ont le courage de s'y coller, en sachant qu'on aura un résultat approchant et jamais aussi bon que l'original.
Les imprimeurs tels que tu l'as décrit sont peut être bons pour d'autres travaux, mais pas pour ce type-ci.
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Oui Macintroll, ce que tu dis est complètement et définitivement vrai. La photogravure et la chromie, ça existe, j'essaie de transmettre mes (faibles) connaissances aux jeunes chez nous. C'est pas facile.

Oui, il vaut mieux (et de loin) bosser directement en CMJN. Mais Franck a raison, avec quels profils, quelles encres etc.
Je renvoie tout le monde au lieu sur le guide de la couleur re-cité par Rififi je crois dès la réouverture des forums.

C'est vrai que c'est au photograveur de se préoccuper des scans et des séparations quadri ou hexa. Certainement pas aux imprimeurs.
Hélas, de plus en plus de graphistes se mettent directement en relatrion avec les imprimeurs dès qu'ils ont des problèmes de photogravure. Ce n'est pas la bonne solution.

Le scannériste, ou le graphiste très averti saura dire à l'illustrateur si son "œuvre" faite à la main est reproductible ou pas. Certaines encres de couleurs très vives ne peuvent pas être reproduites en quadri, quel que soit le scanner, et la presse mis en œuvre.

C'est un peu en vrac toutes ces réflexions, mais je voulais juste faire sentir qu'on est pas illustrateur pub ou de bouquins par hasard.
On doit quand même se tenir au minimum au courant des contraintes des métiers qui vont permettre de reproduire les illustrations.
Le dessinateur solitaire dans sa tour d'ivoire, c'est une belle image, mais c'est pas très viable au jour le jour.
Ou alors, on se déclare artiste, et on fait des œuvres uniques, que l'on vend dans expos par exemple.
Mais c'est un autre métier et une autre problématique.
 
Ah ! enfin ! je me demandais quand Smow allait réagir ! Ah ! le mythe de la fidélité ! A l'époque où je faisais des Ektas 4x5" pour des galeries d'art ou des artistes, j'avais le plus grand mal à obtenir des couleurs fidèles. Un jour je me suis aperçu que les artistes travaillent dans des ateliers éclairés à la fois au néon, par diverses lampes à incandescence et par une verrière. Dans ces conditions, leur choix d'une teinte particulière ne peut pas être l'expression d'une volonté absolue. Alors j'ai pris de la Fujichrome 64T, plus saturée que l'Ekta, des lampes à 3200 K au lieu des 3400 préconisés, un tiers de diaph de sous-ex et un développement prolongé dans le chromogène dont je faisais chuter le pH avec une pastille de soude. Le résultat n'avait plus rien à voir : des couleurs chaudes, saturées, des ombres profondes... et l'artiste était flatté !!! Bon, ça marche avec Combas et DiRosa, peut-être pas avec les mannequins de chez l'Oréal. Mais c'est pour dire qu'un peu de flatterie peut simplifier la vie des reproducteurs (je parle de reproduction graphique, quoique le conseil soit aussi valable sur le plan biologique). Le but alors pour l'imprimeur était juste de pouvoir reproduire les couleurs et les gris de la charte Kodak qui était photographiée en même temps que le tableau. C'est ce qu'on appelait un "Ekta étalonné". Avec des imprimeurs de bonne volonté, et en acceptant nous-mêmes une possible dérive, on pourrait peut-être reproduire ce système en leur fournissant un échantillon de "nos" trois primaires RVB, des trois complémentaires CMJ et d'une échelle de vingt gris. Ca nous permettrait de travailler en CMJN sans trembler à l'idée d'un défaut de calibration. Après tout, un écran mal calibré, c'est comme un atelier mal éclairé !
 
Smow : je vois de moins en moins de scannéristes chez les graveurs (enfin au sens ou on l'entendait dans le temps, hyper-pointu qui ne fait QUE ça et coûte très cher en salaire à l'entreprise. Un artiste quoi) mais de plus en plus de "polyvalents" faisant un peu de mise en page pendant que le scanner tourne, et de moins en moins de chromie. Je suis pas spécialement pessimiste mais je me demande quand même si ce n'est pas un métier en voie de disparition.
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Ben y a métier concu spécialement pour reproduire les couleurs les plus propches possible de l'original, ca s'appelle un PHOTOGRAVEUR...

et c'est la que l'on comprend la différence entre un scanner a plat à 200 euros et un scanner rotatif à 10000 euros !!! avec une VRAIE correction chromique et un VRAI calibrage des couleurs !!! et un réel professionnalisme.

la chaine graphique est un des composant les plus compliqué a mettre en oeuvre dans le metier de l'imprimerie.

Enfin n'oublions pas que l'ordinateur n'est qu'un MOYEN, un OUTIL.

La base du travail graphique reste toujours :
Des idées, un papier et un crayon. (enfin pour moi en tout cas)

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OUAIP ! Sauf que quand l'éditeur vous impose (à la demande de l'imprimeur) de fournir un fichier en CMJN, il est trop tard pour s'occuper de la calibration !!!
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Ben oui ! mais avec quels profils, quel écran, quelles encres et quel papier pour les essais que l'on fait chez soi??
 
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