TOURS (AFP) - L'augmentation du prix du tabac et les campagnes sanitaires les laissent de marbre, les remarques grivoises des hommes et les regards désapprobateurs des femmes les indiffèrent: les fumeuses de cigares s'adonnent sans complexes à leur plaisir, au nom d'un certain art de vivre.
Ce soir-là, elles étaient neuf du Regalia Cigare Club, club féminin basé au château d'Artigny à Montbazon (Indre-et-Loire), autour d'une bonne table d'un restaurant tourangeau, pour une de leurs réunions qui ont lieu tous les sept jeudis.
Entre deux volutes de fumée, on reconnaissait Daly, la présidente, taille mannequin, cheveux ultra-courts et la peau couleur havane, Danièle, la trésorière, Karine, la jeune buraliste qui approvisionne le groupe, Geneviève, Géraldine, et les autres. Elles ont de la petite trentaine à l'âge de la pré-retraite, des revenus plutôt confortables.
"Mon mari ne fume plus depuis longtemps, je ne fumais pas moi-même mais je suis venue au cigare par mon goût pour le chocolat noir", raconte Geneviève, professeur de français à Châtellerault (Vienne), qui n'a pas hésité à faire 140 km aller-retour pour se rendre à la réunion du club.
A l'apéritif, elles ont commencé par un nouveau robusto de Saint Domingue de chez Davidoff, avant de passer en fin de repas à un Juan Lopez n°2, un robusto cubain plus fort.
Chacune le touche, l'humidifie, le respire, puis le déguste selon la règle des trois tiers, avant de noter leurs observations.
Le module robusto mesure près de 13 cm de long et 20 mm de large. "Des femmes font parfois l'erreur de commencer par des modules plus fins mais finalement bien plus forts, comme les panatellas, et risquent ainsi d'être rebutées", explique Danièle qui estime toutefois que les "barreaux de chaise" type double corona (20 cm) sont "vraiment trop énormes pour une femme".
Les femmes sont encore une toute petite minorité parmi les quelque 40 à 50.000 amateurs en France de véritables cigares, ce qui exclut les cigarillos.
"Je serais étonné qu'elles soient plus de 5.000", estime Alain Reynes, directeur des ventes pour la France chez Altadis, contacté par téléphone.
Les clubs exclusivement féminins sont encore rares. "Il y en a une dizaine, notamment à Paris, où le plus connu est +Capes et volutes+, à Nantes, à Bordeaux", croit savoir Daly.
Le goût de ces femmes pour un plaisir que l'on dit avant tout masculin n'est pas toujours bien vu. "Beaucoup de restaurants ne nous acceptent pas, même dans une salle à part", explique Danièle.
Elles s'attirent parfois quelques réflexions grivoises qu'elles n'apprécient guère de la part de certains hommes. "Je ne fume jamais en terrasse pour ne pas subir des propos désagréables", ajoute-t-elle. Pour Daly la connotation érotique du cigare relève du "fantasme d'hommes".
Selon ces épicuriennes, le cigare ne nuît pas à leur santé, car elles n'en fument en moyenne qu'un par semaine. "Il est plus naturel que la cigarette, ne contient pas de goudron et on avale pas la fumée", affirme Karine.
Leur passion n'attente pas non plus à leur féminité, estiment-elles. "Je ne me parfume jamais quand je fume", reconnaît toutefois la jeune buraliste. Petits inconvénients reconnus par certaines: "l'haleine matinale pâteuse" et parfois "quelques maux de tête".