une nuit en enfer
<font color="#aaa">© Nephprod mmiii
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Mardi 29 juillet, beaucoup trop tôt, la radio ne semble vouloir cracher que des mauvaises nouvelles entre deux flots de parasites. « Sale temps » susurré à travers une mâchoire.; confirmé par les gouttes sécrasant sur un pare-brise désormais paravent. Le soleil renonce à percer, préférant laisser sa place aux lumières halogènes luisant sur lasphalte. À regret une main se tend vers la commande des phares qui diable chez Opel a décidé de la planquer là et tue la pénombre sinstallant dans l'habitacle. Lautoroute revêt son manteau charbonneux. Elle nest plus quobscurité entre éclairs aveuglants : une orage chuintant, sans tonnerre et violent.
Là où, une heure auparavant, dindifférents destins allaient sur une voie rapide.; il ny a plus quun chemin étouffé par la nuit.; convoyant quelques âmes aux trajectoires perdues. Le poids du temps qui ne repose plus sur rien se fait ressentir sur les épaules tendues. La faim arrive doucement, telle un direct à lestomac. La mâchoire se desserre pour laisser passer lair. La fatigue insidieuse relâche lattention et tend les muscles. Le décor ne peut rien pour raviver l'esprit
tout se vide. Les lieux croisés sont virtuels, lhorizon inexistant et les autres
le vent qui rugit tait leurs rumeurs. Dans les rétroviseurs ils ne sont plus que tâches de lumière. Lespoir de revoir le jour s'effrite au gré des kilomètres.
Lenvie de s'arrêter le prend à la gorge. Elle accompagne lenvie de manger. Celle de fumer a depuis longtemps consumé le dernier paquet de cigarettes, mâché le dernier chewing-gum. Lennui sajoute à la fatigue : lautoradio a vomit une bande magnétique et les informations sont toujours aussi sombres. Un point léblouit : un oasis de lumière vient frapper son regard.
La souffrance du caoutchouc fend lair et le glace. Portée par la pluie, la gomme naccroche pas.; ladhérence n'est plus quun souvenir lointain. Lafflux dadrénaline le gifle, le réveille. Son pied, crispé, se relève de la pédale de frein. Le regard fixé sur un ensemble arrogant de néons colorés il redresse se trajectoire. Enfin arrêté, à la lumière, sa main moite tourne les clefs, enlevant le contact. Le vent et la pluie occupent tout l'espace mais il ne fait plus sombre
mais la lumière crue ne fait que révéler la pâleur de son visage. Brutalement, la faim revient, brûlante et obsédante. Il ny a plus que cela qui compte. La seule partie de son corps dont il a conscience désormais est sa bouche. Les muscles de sa mâchoire se contractent dans un rythme lent.; sa langue palpe toutes les parois.; elle sattarde un moment sur ses dents
ces dents qui sont douloureuses de navoir tranché, déchiré et écrasé. Les vêtements collés par la pluie, inconscient, il marche vers le hall de la station service. La chaleur des gens rassemblés autour des machines à boisson lattire. Certains ont la gorge animée. Cette nuit, il se sent lâme dun vampire. « Sale temps » étouffé à travers les sourires.; proclamé comme le bonjour. Des gouttes de café sécrasent sur le carrelage blanc et boue. Par quoi commencer.? Le café le brûle mais ne le calme pas. Les quelques friandises proposées le dégoûtent et le frustrent. Il salive.; ny tient plus.; tout devient flou·; se passe très vite. Ses dents senfoncent dans la chair. Il se délecte et senivre. Il fait à peine attention à lemployée de la station, aux autres personnes présentes. Pain, salade et tomate ne le ralentissent pas. Il dévore son sandwich sans attendre sa monnaie.
En sortant il se dit que le jour ne va pas tarder