A
Anonyme
Invité
Il y avait une lettre au courrier du matin, une lettre que je nattendais pas.
À côté dune étiquette bleue indiquant un transport par avion, le bord supérieur de la large enveloppe kraft était couvert de timbres que je ne reconnaissais pas. Une main, elle aussi inconnue, avait écrit mon adresse au feutre, en grandes lettres noires. Au dos de lenveloppe, toujours à lencre noire, ladresse de lexpéditeur tracée au stylo-bille me rassura quelque peu quant à la provenance du paquet mystérieux.
Je reçois très peu de courrier. Il se trouve que jai horreur décrire et que, sachant cela, toutes les personnes qui me connaissent un tant soit peu sabstiennent de madresser une prose importune. Il était donc évident que la personne en question, la main aux lettres noires, nétait pas une personne de mon entourage. Il me sembla pourtant quil fallait bien quon me connaisse assez pour menvoyer ainsi une lettre dont lapparence était sans équivoque celle dun courrier personnel. Ce en quoi je ne me trompais pas.
Jétais perplexe et je passais quelques minutes à fixer le petit paquet brun sans oser louvrir. Il se trouve, et cest un sentiment curieux, que je nai jamais rencontré lexpéditeur de cette lettre. Je ne connais de lui que des images et quelques mots. Je ne sais ni le son de sa voix, ni son odeur, ni la chaleur de ses mains. Je découvrais son écriture qui, un peu maladroite, mavait tout dabord fait penser à celle dun ami très proche. Ce nétait certainement pas la première fois que je recevais une lettre dun parfait inconnu. Mais je ne me suis jamais posé de questions sur celles ou ceux qui mettent dans des enveloppes les relevés de comptes bancaires, les déclarations dimpôt, les remboursements de la mutuelle ou les notes et publicités diverses. Ces courriers-là ne sont pas personnels. Ils ne sadressent pas à moi, mais au client que je suis ou que je pourrais être, quand ils ne sont pas tout bonnement destinés au numéro de sécurité sociale qui me résume tout entier aux yeux de bien des administrations. La lettre brune, elle, était pour moi. Et celui qui nétait personne, soudain, est devenu quelquun.
À lintérieur du paquet, une autre enveloppe, plus petite, contenait un livre et une carte. Cest une chose de recevoir une lettre de quelquun quon na jamais vu. Cen est une autre de se dire : « Voici, dans son royaume lointain, il a pensé à moi, il a tracé ces lettres, il a écrit ceci. » Et ce fut une belle matinée.
Jai voulu raconter cette histoire parce quil y a de ces petits moments qui nous réconcilient avec la terre entière et quil faut saisir, parce que ce grand couillon des plaines nordiques maurait presque fait chialer avec son petit paquet brun. Parce que Noël existe et quà tous ceux qui nauront pas diPod le 25 au matin, comme à ceux qui nauront rien, je souhaite du fond du cur de voir Noël dans leur vie, puisque je lai vu dans la mienne.
Joyeux Noël à tous !
À côté dune étiquette bleue indiquant un transport par avion, le bord supérieur de la large enveloppe kraft était couvert de timbres que je ne reconnaissais pas. Une main, elle aussi inconnue, avait écrit mon adresse au feutre, en grandes lettres noires. Au dos de lenveloppe, toujours à lencre noire, ladresse de lexpéditeur tracée au stylo-bille me rassura quelque peu quant à la provenance du paquet mystérieux.
Je reçois très peu de courrier. Il se trouve que jai horreur décrire et que, sachant cela, toutes les personnes qui me connaissent un tant soit peu sabstiennent de madresser une prose importune. Il était donc évident que la personne en question, la main aux lettres noires, nétait pas une personne de mon entourage. Il me sembla pourtant quil fallait bien quon me connaisse assez pour menvoyer ainsi une lettre dont lapparence était sans équivoque celle dun courrier personnel. Ce en quoi je ne me trompais pas.
Jétais perplexe et je passais quelques minutes à fixer le petit paquet brun sans oser louvrir. Il se trouve, et cest un sentiment curieux, que je nai jamais rencontré lexpéditeur de cette lettre. Je ne connais de lui que des images et quelques mots. Je ne sais ni le son de sa voix, ni son odeur, ni la chaleur de ses mains. Je découvrais son écriture qui, un peu maladroite, mavait tout dabord fait penser à celle dun ami très proche. Ce nétait certainement pas la première fois que je recevais une lettre dun parfait inconnu. Mais je ne me suis jamais posé de questions sur celles ou ceux qui mettent dans des enveloppes les relevés de comptes bancaires, les déclarations dimpôt, les remboursements de la mutuelle ou les notes et publicités diverses. Ces courriers-là ne sont pas personnels. Ils ne sadressent pas à moi, mais au client que je suis ou que je pourrais être, quand ils ne sont pas tout bonnement destinés au numéro de sécurité sociale qui me résume tout entier aux yeux de bien des administrations. La lettre brune, elle, était pour moi. Et celui qui nétait personne, soudain, est devenu quelquun.
À lintérieur du paquet, une autre enveloppe, plus petite, contenait un livre et une carte. Cest une chose de recevoir une lettre de quelquun quon na jamais vu. Cen est une autre de se dire : « Voici, dans son royaume lointain, il a pensé à moi, il a tracé ces lettres, il a écrit ceci. » Et ce fut une belle matinée.
Jai voulu raconter cette histoire parce quil y a de ces petits moments qui nous réconcilient avec la terre entière et quil faut saisir, parce que ce grand couillon des plaines nordiques maurait presque fait chialer avec son petit paquet brun. Parce que Noël existe et quà tous ceux qui nauront pas diPod le 25 au matin, comme à ceux qui nauront rien, je souhaite du fond du cur de voir Noël dans leur vie, puisque je lai vu dans la mienne.
Joyeux Noël à tous !