Javais 10 ans le 12 avril 1981. Ce jour-là, on devait sans doute beaucoup parler des élections à la télé. Jétais évidemment trop jeune pour men soucier. Ce jour-là, on célébrait aussi le vingtième anniversaire du vol de Gagarine et je naurais raté pour rien au monde le décollage de la première navette spatiale.
Javais 10 ans. Je me souviens des noms des deux astronautes qui avaient embarqué dans le véhicule : Young et Crippen. Cétait la mission STS-01 et si lon mavait demandé de pousser pour le faire senvoler ce bel oiseau blanc, eh bien jaurais poussé nimporte quoi, la télé, ma chaise, le lit dans ma chambre, les murs. Il faut toujours pousser les murs.
Je nous revois, mon frère et moi, assis par terre au milieux des legos sur la moquette chinée de la chambre. Ce soir-là, avec ces legos, il me construisit une navette splendide. Moi qui étais si peu soigneux, je devais pourtant la garder intacte des années durant, comme un trésor, une relique pieuse, le souvenir dun souvenir.
On peut avoir du mal à croire que de petits enfants français aient tant rêvé dans leurs provinces à voir sélever les gros oiseaux blancs de Floride. Jai pourtant trop rêvé jadis pour ne pas en pleurer ce soir. Et puisque le temps qui passe sacharne à me déchirer mon enfance, jirai pousser un mur ou deux, juste pour le souvenir. Et parce que jai passé lâge des legos.
Quils reposent en paix.