Vos poèmes préférés

En tout cas, ça doit clairement arranger ceux qui le disent. Pas la peine de prendre la mouche dès ton arrivée.
 
[MGZ] BackCat;3975170 a dit:
En tout cas, ça doit clairement arranger ceux qui le disent. Pas la peine de prendre la mouche dès ton arrivée.

Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au Soleil exposé,
Six forts chevaux tiraient un Coche.
Femmes, Moine, vieillards, tout était descendu.
L'attelage suait, soufflait, était rendu.
Une Mouche survient, et des chevaux s'approche ;
Prétend les animer par son bourdonnement ;
Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout moment


Qu'elle fait aller la machine,
S'assied sur le timon, sur le nez du Cocher ;
Aussitôt que le char chemine,
Et qu'elle voit les gens marcher,
Elle s'en attribue uniquement la gloire ;
Va, vient, fait l'empressée ; il semble que ce soit
Un Sergent de bataille allant en chaque endroit
Faire avancer ses gens, et hâter la victoire.
La Mouche en ce commun besoin
Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin ;
Qu'aucun n'aide aux chevaux à se tirer d'affaire.
Le Moine disait son Bréviaire ;
Il prenait bien son temps ! une femme chantait ;
C'était bien de chansons qu'alors il s'agissait !
Dame Mouche s'en va chanter à leurs oreilles,
Et fait cent sottises pareilles.
Après bien du travail le Coche arrive au haut.
Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt :
J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
Ca, Messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine.
Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
S'introduisent dans les affaires :
Ils font partout les nécessaires,
Et, partout importuns, devraient être chassés
.

Jeannot du Bassin. ;)













Et pour ne pas finir sur une note si citronnée (le citron est mon fruit du moment), voilà ce que Paul Eluard disait de Gala avant que cet as de Dali ne lui la pique :

Son corps a la forme de mes mains.
:zen:
 
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Réactions: Philippe
[MGZ] BackCat;3975170 a dit:
En tout cas, ça doit clairement arranger ceux qui le disent. Pas la peine de prendre la mouche dès ton arrivée.

En fait, je m'en contrefiche de ce que vous pouvez penser.
Et non, je ne prends pas la mouche, je vous informe.
De deux, je ne viens pas juste d'arriver. Ca fait plusieurs mois que je suis inscrite, même si je ne poste que très peu.
De trois, lis mon post, tu verras que c'est à cause d'un copier/coller. Et oui, je ferai 10 fois le tour du terrain de sport pour expier cette grave faute. J'espère que sieur Baudelaire ne s'est pas trop retourné dans sa tombe.

Ca va Bernard, j'ai pas fait de fautes d'orthographe là?:mouais:
 
Tu ne devrais pas t'énerver comme ça. Je te le dis en toute sympathie. Car tu nous informes, certes, mais d'un ton qui n'est guère agréable. Or nous sommes gens hautement agréables, à nos heures.
 
Tu ne devrais pas t'énerver comme ça. Je te le dis en toute sympathie. Car tu nous informes, certes, mais d'un ton qui n'est guère agréable. Or nous sommes gens hautement agréables, à nos heures.

Le pire, c'est que je ne suis même pas énervée. Je vois pas pourquoi vous dites ça...:) Il m'en faut quand même un petit peu plus que ça. Je n'ai rien à prouver, mais bon avoue que le post de Bompi en caractères gigantesques n'était pas non plus d'une grande sympathie.
Sans rancune.;)
 
Ni très méchant non plus. Un soupçon agacé, seulement. Pour le contexte : je venais de me fader une bordée de messages débiles à souhait (SMS, aurtografe incompréhensible et tout le toutim).
Pour dire que j'en fais des fautes : un caractère a fourché dans mon post suivant (je viens de le voir), celui avec l'un des si nombreux poèmes de RQ.
 
Ni très méchant non plus. Un soupçon agacé, seulement. Pour le contexte : je venais de me fader une bordée de messages débiles à souhait (SMS, aurtografe incompréhensible et tout le toutim).
Pour dire que j'en fais des fautes : un caractère a fourché dans mon post suivant (je viens de le voir), celui avec l'un des si nombreux poèmes de RQ.

C'est pas grave, je comprends...;)
Moi aussi, les "mSaj en SMS":siffle: ça me gonfle et les messages bourrés de "fote d'ortografe" également. Voili voilou, allez un autre petit poème, de Lamartine cette fois, pour tous nous calmer.:cool:

C'est un copier/coller, j'ai pas vérifié l'orthographe:siffle:;)

Le lac



Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?

O lac! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir!

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes ;
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ;
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t'en souvient- il ? nous voguions en silence,
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :

" O temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices
Suspendez votre cours !
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

" Assez de malheureux ici-bas vous implorent :
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

" Mais je demande en vain quelques moments encor
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : " Sois plus lente "; et l'aurore
Va dissiper la nuit.

" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive
Il coule, et nous passons ! "

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse.,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Hé quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ? passés pour jamais ? quoi! tout entiers perdus ?
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus ?

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez?

O lac! rochers muets ! grottes! forêt obscure !
Vous que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux !

Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés!

Que le vent qui gémit le roseau qui soupire
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : " Ils ont aimé ! "


 
Allez, un p'tit poème quenaldien "alátoire" (vous aurez reconnu) pêché sur Internet :

J'en proposerai d'autres une fois rentré à la maison.
Bompi je pense que tu connais ce site oulipien, essentiellement basé sur Cent mille milliards de poèmes.

Trouvé ceci :

Le marbre pour l'acide est une friandise
d'aucuns par-dessus tout prisent les escargots
sur la place un forain de feu se gargarise
il n'avait droit qu'à une et le jour des Rameaux

Le cheval Parthénon frissonnait sous la bise
d'où Galilée jadis jeta ses petits pots
de la mort on vous greffe une orde bâtardise
à tous n'est pas donné d'aimer les chocs verbaux

Du Gange au Malabar le Lord anglais zozotte
le chat fait un festin de têtes de linotte
lorsqu'il voit la gadoue il cherche le purin

Les rapports transalpins sont-ils univoques ?
tu me stupéfies plus que tous les ventriloques
toute chose pourtant doit avoir une fin

:love: :love: :love: :rateau:
 
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Réactions: bompi
La Faune


Et toi, que manges-tu, grouillant ?
— Je mange le velu qui digère le
pulpeux qui ronge le rampant.

Et toi, rampant, que manges-tu ?
— Je dévore le trottinant qui bâfre
l’ailé qui croque le flottant.

Et toi, flottant, que manges-tu ?
— J’engloutis le vulveux qui suce
le ventru qui mâche le sautillant.

Et toi sautillant que manges-tu ?
— Je happe le gazouillant qui gobe
le bigarré qui égorge le galopant.

Est-il bon, chers mangeurs, est-il
bon le goût du sang ?
— Doux, doux ! tu ne sauras jamais
comme il est doux, herbivore !


Géo Norge, 1898 (Bruxelles) - 1990 (St Paul de Vence)


Découvert dans le plus beau blog que je connaisse.
 
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Réactions: Philippe et philire
Oui ! je connais Norge (qui figure d'ailleurs toujours en bonne place dans les anthologies consacrées à la poésie belge d'expression française).

Il n'y a cependant pas grand chose de lui sur le Net (bon je n'ai pas vraiment cherché non plus... :rose: le temps... le temps...) ; Wikipedia donne ce lien et renvoie à cette adresse où l'on peut entendre Norge lisant un de ses textes (Une chanson bonne à macher) et à cette autre qui présente quelques textes de Norge.
 
Je connais aussi, du moins je connaissais :D parce que je n'en ai pas relu depuis longtemps et je n'ai chez moi, il me semble, que quelques poèmes dans quelques revues. Mais quand j'entends ce nom, quand même, je tends l'oreille :zen:

Il me semble que son oeuvre complète est parue il y a quelques années.
 
MON PÈRE



[SIZE=+1]Par la fenêtre ouverte,[/SIZE]
[SIZE=+1]je vois la neige tomber,[/SIZE]
[SIZE=+1]et je me souviens des Noels,[/SIZE]
[SIZE=+1]des Noels passés,[/SIZE]
[SIZE=+1]où tu étais présent.[/SIZE]
[SIZE=+1]J'entends des rires,[/SIZE]
[SIZE=+1]je vois des sourires,[/SIZE]
[SIZE=+1]par la fenêtre ouverte,[/SIZE]
[SIZE=+1]je vis la neige tomber,[/SIZE]
[SIZE=+1]et je me souviens.[/SIZE]
[SIZE=+1]J'aurais voulu te dire des mots,[/SIZE]
[SIZE=+1]des mots que je n'ai pu dire.[/SIZE]
[SIZE=+1]Aujourd'hui tu n'es plus là,[/SIZE]
[SIZE=+1]mais tellement présent.[/SIZE]
[SIZE=+1]Par la fenêtre ouverte,[/SIZE]
[SIZE=+1]je vois la neige tomber.[/SIZE]
[SIZE=+1]Je t'écris ces mots,[/SIZE]
[SIZE=+1]ces mots que je n'ai pu te dire.[/SIZE]
[SIZE=+1]Papa je t'aime. [/SIZE]​

[SIZE=+1]Marie-José Devez[/SIZE]​
 
La vie

Elle est parfois triste et dramatique,
Elle est parfois belle et magnifique.
La vie est parfois dure et cruelle,
La vie est parfois injuste et conflictuelle.

La vie est un véritable combat,
La vie n'est pas faite pour ça.
La vie n'est pas toujours noire,
La vie c'est la plus belle des histoires.

La vie vaut la peine d'être vécue,
La vie doit être un bonheur absolu.
La vie c'est quelque chose de magique,
La vie c'est une aventure fantastique

Donner la vie c'est la plus belle chose au monde,
Votre vie est transformée en quelques secondes,
Vous apprenez chaque jour à devenir un Maman,
Et vous remerciez la vie de vous avoir donné un enfant.

la vie c'est comme une palette de couleurs,
La vie c'est un pur bonheur,
Il faut aimer la vie et ses moments,
Il faut rêver tout le temps.
fleur.1.gif
 
Cauchemar

J'ai vu passer dans mon rêve
- Tel l'ouragan sur la grève, -
D'une main tenant un glaive
Et de l'autre un sablier,
Ce cavalier

Des ballades d'Allemagne
Qu'à travers ville et campagne,
Et du fleuve à la montagne,
Et des forêts au vallon,
Un étalon

Rouge-flamme et noir d'ébène,
Sans bride, ni mors, ni rêne,
Ni hop ! ni cravache, entraîne
Parmi des râlements sourds
Toujours ! toujours !

Un grand feutre à longue plume
Ombrait son oeil qui s'allume
Et s'éteint. Tel, dans la brume,
Éclate et meurt l'éclair bleu
D'une arme à feu.

Comme l'aile d'une orfraie
Qu'un subit orage effraie,
Par l'air que la neige raie,
Son manteau se soulevant
Claquait au vent,

Et montrait d'un air de gloire
Un torse d'ombre et d'ivoire,
Tandis que dans la nuit noire
Luisaient en des cris stridents
Trente-deux dents.
 
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Réactions: Philippe
[FONT=Verdana, Arial, Helvetica, sans-serif]une traduction d'Annabel Lee (posté il y a quelque temps ici même)
[/FONT]
[FONT=Verdana, Arial, Helvetica, sans-serif][/FONT]
[FONT=Verdana, Arial, Helvetica, sans-serif]ANNABEL LEE [/FONT]
[FONT=Verdana, Arial, Helvetica, sans-serif] C'était il y a longtemps, très longtemps,
Dans un royaume au bord de l'océan,
y vivait une vierge que vous pourriez connaître
Du nom d'Annabel Lee;
Cette vierge vivait sans autre pensée
Que de m'aimer et d'être mon aimée.
[/FONT]
[FONT=Verdana, Arial, Helvetica, sans-serif] Elle était une enfant et j'étais un enfant,
Dans ce royaume au bord de l'océan,
Mais nous aimions d'un amour
qui était plus que de l'amour
Moi et mon Annabel Lee,
D'un amour tel que les séraphins du Ciel
Nous jalousaient elle et moi.
[/FONT]
[FONT=Verdana, Arial, Helvetica, sans-serif] Et c'est pourquoi, il y a longtemps,
Dans ce royaume au bord de l'océan,
Les vents firent éclater un nuage et glacèrent
Ma toute belle Annabel Lee ;
Si bien que ses nobles parents sont venus
Et l'ont emportée loin de moi
Pour l'enfermer dans un tombeau
Dans ce royaume au bord de l'océan.
[/FONT]
[FONT=Verdana, Arial, Helvetica, sans-serif] Les anges, loin d'être aussi heureux que nous au Ciel,
Nous envièrent elle et moi :
Oui ! C'est pour cela (comme chacun le sait
Dans ce royaume au bord de l'océan)
Qu'une nuit le vent surgit d'un nuage
Et glaça, et tua mon Annabel Lee.
[/FONT]
[FONT=Verdana, Arial, Helvetica, sans-serif] Mais notre amour était beaucoup plus fort que l'amour
De nos aînés, de bien des personnes
Beaucoup plus sages que nous,
Et jamais les anges du Ciel là-haut
Ni les démons au fin fond de l'océan
Ne pourront séparer mon âme de l'âme
De ma toute belle Annabel Lee.
[/FONT]
[FONT=Verdana, Arial, Helvetica, sans-serif] Car la lune ne luit jamais, sans qu'elle me porte
Des rêves d'Annabel Lee, la toute belle,
Et les étoiles ne se lèvent jamais, sans que je sente
Les yeux vifs d'Annabel Lee, ma toute belle,
Ainsi, aux rives de la nuit, je me couche à côté
De ma chérie! Ma chérie, ma vie, ma promise,
Dans son tombeau, là, au bord de l'océan,
Dans sa tombe, à côté de l'océan.
[/FONT]
[FONT=Verdana, Arial, Helvetica, sans-serif] Edgar Allan Poe [/FONT]
[FONT=Verdana, Arial, Helvetica, sans-serif] Trad. Roseau[/FONT]​
 
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Réactions: Burzum
[FONT=Verdana,Arial,Helvetica]
Antigone chez les français
d'Antonin Artaud


à Gaston Ferdière (psychiatre d'Antonin Artaud)

Le nom de l'Antigone réelle qui marcha au supplice en Grèce 400 ans
avant Jésus-Christ est un nom d'âme qui ne se prononce plus en moi que
comme un remords et comme un chant. Ai-je assez maché au supplice
moi-même pour avoir le droit d'ensevelir mon frère le moi que Dieu
m'avait donné et dont je n'ai jamais pu faire ce que je voulais parce
que tous les moi autres que moi-même, insinués dans le mien propre
comme je ne sais quelle insolite vermine, depuis ma naissance m'en
empêchaient.
Qui me redonnera à moi aussi mon Antigone pour m'aider dans ce dernier
combat. Le nom d'Antigone est un secret et un mystère, et pour en
arriver à avoir pitié de son frère au point d'en risquer la mort et de
marcher au supplice pour lui, il a fallu qu'Antigone mène en elle un
combat que personne n'a jamais dit. Les noms ne viennent pas du hasard
ni de rien et tout beau nom est une victoire que notre âme a remportée
contre elle dans l'absolu immédiat et sensible du temps.
Pour que ce nom indescriptible de victoire revienne à moi dans
l'incarnation personnelle et formelle d'une femme et d'une soeur il
faut que je l'aie mérité comme elle et qu'elle l'ait mérité comme moi.
On n'est pas frère et soeur sans avoir mené ce suprême combat interne
d'où le moi personnel est sorti comme une proche et parente victoire
sur les forces de je ne sais quel abominable infini.
Le frère d'Antigone est mort à la guerre en se battant contre ses
ennemis et il a mérité qu'Antigone l'approche à l'heure de l'ensevelir
sans un combat parent de celui de son frère, non sur le plan de la vie
réelle mais sur celui de l'éternel infini.
Or l'infini n'est que cet au-delà qui veut dépasser notre âme et nous
fait croire qu'il est ailleurs qu'en notre âme, alors que c'est
l'inconscient de notre âme qui est cet au-delà d'infini.
Antigone est le nom de cette victoire terrible que le moi héroïque de
l'être n'a remportée sur les forces obtuses et fuyantes de tout ce qui
en nous n'est ni être ni moi, mais s'obstine à vouloir se faire
prendre comme l'être de notre moi.
Nul n'a jamais pu être Antigone sans avoir su d'abord dissocier de son
âme la force qui la poussait à exister, et avoir su trouver la force
contraire de se reconnaître comme différente de l'être qu'elle vivait
et qui la vivait.
L'être que je vis ne me prendra pas, et je ne prendrai pas cet être
pour mourir et m'en aller, mais pour parvenir à m'en détacher et ne
pas sombrer dans l'illusion qui consiste à croire que je ne suis que
le corps où la vie m'avait enterré, il me faut cette main de pitié que
la force Antigone de l'être avait su détacher de son être contre
l'être où elle se voyait.
Car nul n'a pu pleurer sur un mort s'il n'a d'abord pleuré sur
soi-même, et s'il n'a su ensevelir son soi-même comme l'autre de son
moi : le mort.
Bien des corps étrangers montent en nous à toute heure qui veulent
prendre la place intouchée de notre âme, et le Français est ce moi
éternel qui n'a jamais abandonné son âme, et comme saint Louis a mieux
aimé mourir de la peste que de céder à ses ennemis.
Et nous n'avons pas de plus grand ennemi au monde que notre corps au
moment de la mort.
Nul pas pu être Français et naître en France s'il n'a pas su un jour
se dissocier de ce corps qui nous enserre comme un ennemi étranger, et
contre lequel il a gagné sa nature, et tout ce qui est en France et
Français est la conséquence de ce combat ; mais qui le sait encore
aujourd'hui.
La terre de France fut le théâtre d'un étrange et mysérieux combat qui
a eu lieu en réalité et qui eut sa date dans l'histoire mais
l'histoire n'en parle pas. -
Et pourquoi ?
Des milliers d'hommes sont morts en France en groupe et pour leurs
idées et l'histoire n'en a jamais parlé. Des héros se sont fait brûler
un jour comme des soldats qui marchent au feu, et ils l'ont fait pour
perdre leur corps afin d'en retrouver un autre que l'Antigone de la
pitié éternelle puisse approcher pour l'ensevelir, et lui donner de
quoi ressusciter.
Et cela s'est passé à une époque voisine de Jeanne d'Arc et de son
supplice, car le supplice de Jeanne d'Arc est ce que l'histoire écrite
a su garder et relater de cette volonté de combustion corporelle par
laquelle le moi Français de l'homme se débarrasse de l'ennemi étranger.
Ils sont morts pour surmonter leur corps ces Français, mais où
sont-ils et où attendent-ils maintent que leur soeur Antigone revienne
qui les rappellera du feu dans un corps, et donnera une terre à ce
corps reconquis à travers le feu pour que son âme puisse toujours
l'habiter ?
Ils sont en France, et c'est dans des corps de Français vivants qu'ils
ont attendu jusqu'à aujourd'hui que l'Antigone de l'Eternel revienne
qui leur permettra de revivre leur mort.
- Ceci afin de retrouver la vie.
La France n'a pas été appelée la terre des héros sans une raison
extraordinaire, et parce qu'elle a été la terre de ceux qui ont mieux
aimé aller au feu et sous la terre que de consentir à ce corps
étranger qui vit sur notre âme comme un étranger. - De cette terre où
ils sont tombés, l'Antigone de l'éternelle lumière redescendra pour
les sauver.

Antonin Artaud
cueilli dans ses "Oeuvres"
éditions Gallimard, collection Quarto
[/FONT]
 
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Réactions: Philippe
[FONT=Verdana,Arial,Helvetica]Un peu d'or dans la boue

I
Je me disais aussi : vivre est autre chose
que cet oubli du temps qui passe et des ravages
de l'amour, et de l'usure - ce que nous faisons
du matin à la nuit : fendre la mer,

fendre le ciel, la terre, tout à tour oiseau,
poisson, taupe, enfin : jouant à brasser l'air,
l'eau, les fruits, la poussière ; agissant comme,
brûlant pour, marchant vers, récoltant

quoi ? le ver dans la pomme, le vent dans les blés
puisque tout retombe toujours, puisque tout
recommence et rien n'est jamais pareil
à ce qui fut, ni pire ni meilleur,

qui ne cesse de répéter : vivre est autre chose.

II
Le temps qu'on se lève vraiment, qu'on se dise
oui de la pointe des pieds jusqu'au sommet
du crâne, oui à ce jour neuf jeté
dans la corbeille du temps, il pleut.

Ô l'exacte photographie de l'âme, ces deux mots
qui nous rentrent les yeux comme les ongles
dans la chair : il pleut. Le sang de l'herbe
est vert insupportablement et c'est en nous

qu'il pleut, en nous qu'une digue rompue
voit s'effondrer peu à peu, derrière la vitre
et parmi les voilures, avec des pans de vieux
regrets, d'attentes fatiguées,

les raisons de partir et d'habiller le froid.

III
Encore, si le feu marchait mal, si la lampe
filait un miel amer, pourrais-tu dire : j'ai froid,
et voler le coeur du noyer chauve, celui
du cheval de labour qui n'a plus où aller

et qui va d'un bord à l'autre de la pluie
comme toi dans la maison, ouvrant un livre,
des portes, les repoussant : terre brûlée, ville
ouverte où la faim s'étale et crie

comme ces grappes de fruits rouges sur la table,
vie étrange, inaccessible, présent
à celui qui n sait plus désormais
que piétiner dans le même sillon

la noire et lourde argile des fatigues.

Guy Goffette
aux éditons Poésie/Gallimard
[/FONT]
 
Veille de Noël
de R.M. Rilke






I



Tu es de retour, vieille fête familière,
et veux, serrée contre mon coeur d'antan,
être consolée. Tu voudrais que je dise :
tu es toujours cette bénédiction d'autrefois
et moi, je suis de nouveau l'enfant sombre et j'ouvre
des yeux tranquilles dans lesquels tu te reflètes.
Bien sûr, bien sûr. Mais à l'époque, quand j'étais cet enfant
et que tu m'emplissais d'un effroi délicieux, quand les portes
d'un coup s'ouvraient - et que ta merveilleuse
séduction impossible à retenir plus longtemps
fondait sur moi comme le danger
de joies entraînantes : même alors, est-ce
toi, alors, que je ressentais ? Chaque objet
que saisissaient mes mains, une lueure l'entourait,
devenaient une chose nouvelle, l'anxieuse, presque vile
chose qui appelle la possession. Et j'avais peur.
O comme tout, avant que je ne le touche,
était si pur et si léger dans mon regard.
Et même s'il donnait un désir de possession,
ce n'en était pas une encore. Elle n'était pas encore grevée
par mes actions, mon incompréhension, ma volonté
que la chose soit ce qu'elle n'était pas.
Tout était encore clair
et éclairait mon visage.
Cela ne tombait pas encore, ne se mettait pas en mouvement
ce n'était pas encore la chose qui objecte.
Et je me tenais là, debout, timide, devant la merveilleuse impossession...



II



(...... Oh, si je pouvais maintenant
me tenir tout ainsi, monde, devant toi, sans fin
toujours plus regard. Et si jamais je lève les mains,
n'y dépose rien car je perds.


Mais laisse à travers moi passer comme dans les airs
le vol des oiseaux. Laisse-moi, comme fait d'ombre,
et de vent mêlés, être fraîchement palpable
dans le rapport flottant. Les choses que nous eûmes


(oh regarde-les, comme elles se retournent sur nous)
jamais ne se remettent tout à fait. Jamais ne les reprend
le pur espace. Le poids de nos membres,
ce qui nous est adieu, s'étend sur elles.)



III



Cette fête non plus, ne la retiens pas, mon coeur. Où sont
les preuves qu'elle t'appartient ? Comme le vent
se lève et ploie quelque chose et le force,
ainsi une sensation s'éveille en toi et va
vers où ? force quoi ? courbe quoi ? Et au-dessus se tient en surplomb
impalpable, un monde. Que veux-tu fêter, quand
la fête des anges t'échappe ?
Que veux-tu ressentir ? Ah, ton sentir s'étend
de ce qui pleure à ce qui ne pleure plus.
Mais au-dessus se tiennent, impalpables, des cieux
légers d'anges sans nombre. Impalpable pour toi. Tu
ne connais que la non-douleur. La seconde de répit
entre deux douleurs. Connais le court sommeil
dans le lit des destins harassés.
O coeur, comme dès le premier instant,
le trop plein de l'existence t'a dépassé.
Tu as senti cela se lever. Quelque chose de palpable
se dressa soudain devant toi : une chose, deux choses, quatre choses toutes prêtes. Un beau sourire était
sur un visage. Comme si tu l'avais reconnue,
une fleur seleva sur toi. Alors
un oiseau te traversa comme l'air.
Et si ton regard était trop plein, c'était un parfum
et s'il y avait assez de parfum, un son
venait se courber près de ton oreille... Déjà
tu choisissais et faisais signe : par cela.
Ta possession devenait visible par ce rejet.
Angoissé comme un fils, plus d'une chose te quitta,
depuis là-bas où tu ne peux plus ressentir. O que
tu doives toujours dire : "Assez!"
au lieu de crier "Plus!", au lieu de faire
entrer en toi le rapport, comme l'abîme les torrents!
Coeur malingre. A quoi sert un coeur fait de faiblesse ?
Etre coeur ne veut-il pas dire maîtriser ?
Que du zodiac, d'un bond,
le Capricorne saute sur ma montagne-coeur.
L'élan des étoiles ne me traverse-t-il pas ?
N'enserré-je pas le grouillement du monde ?
Que suis-je ici ? Jeune, qu'étais-je ?

R.M. Rilke
 
et des haïkus en guise de voeux de bonne année (et je finis pour ce soir!)


Solitude
Après le feu d'artifice
Une étoile filante.

Shiki

*

Ouaf ouaf
Même le chien s'y met
Voeux du nouvel an

Issa

*

L'an s'en va
Le chat demeure
Sur mes genoux blotti

Soseki

*