Comment, pour finir, le "monde vrai" devint fable

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benjamin

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4 Septembre 2001
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Histoire d'une erreur

1 . Le monde vrai, accessible à l’homme sage, pieux, vertueux - il vit en lui, il est ce monde.

(Forme la plus ancienne de l’idée, relativement habile, simplette, convaincante. Paraphrase de la formule: "Moi, Platon, je suis la vérité.")

2 . Le monde vrai, inaccessible maintenant, mais promis à l’homme sage, pieux, vertueux (au "pécheur qui fait pénitence").

(Progrès de l’idée: elle s’affine, devient plus captieuse, plus insaisissable - elle devient femme, elle devient chrétienne...)

3 . Le monde vrai, inaccessible, que l’on ne peut ni atteindre, ni prouver, ni promettre, mais qui, du seul fait qu’il est pensé, est consolation, engagement, impératif.

(Le vieux soleil au fond mais traversant le brouillard et le scepticisme: l’idée devenue sublime, diaphane, nordique, koenigsbergienne.)

4 . Le monde vrai - inaccessible? En tout cas, pas encore atteint. Et, puisque non atteint, inconnu. Ne constitue donc ni une consolation, ni un salut, ni une obligation: en quoi serions-nous engagés par quelque chose que nous ne connaissons pas?...

(Aube grise. Premier bâillement de la raison. Chant du coq du positivisme.)

5 . Le "monde vrai", une idée qui ne sert plus à rien, qui n’engage même plus à rien - une idée inutile, superflue, par conséquent une idée réfutée: abolissons-là.

(Il fait grand jour; petit déjeuner; retour du bon sens et de la gaîté. Platon, le rouge de la honte au front. Tous les esprits libres font un vacarme de tous les diables.)

6 . Nous avons aboli le monde vrai: quel monde restait-il? Peut-être celui de l’apparence?... Mais non! En même temps que le monde vrai, nous avons aussi aboli le monde des apparences !

(Midi: l’heure de l’ombre la plus courte. Fin de la plus longue erreur. Apogée de l’humanité. Incipit Zarathustra.)

Nietzsche, in Crépuscule des idoles

Si vous voulez en parler, privilège réservé aux membres (après des bières, ça passe mieux)...ou me faire arrêter, venez vous inscrire à la prochaine Apple Expo Sauvage
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[02 mai 2002 : message édité par zarathoustra]
 
"Dans la chambre de ton esprit, croyant te faire des serviteurs, c'est toi probablement qui de plus en plus te fais serviteur. De qui? De quoi?
Eh bien, cherche. Cherche."

Henri Michaux, Poteaux d'angle
 
"Ce texte s'appelle Fable. Ce titre est son nom propre, il porte, si l'on peut dire, un nom de genre. Un titre, toujours singulier comme une signature, se confond ici avec un nom de genre, comme un roman qui s'intitulerait roman, ou des inventions inventions. On peut le parier, cette fable intitulée Fable, construite comme une fable jusque dans la "moralité" finale, traitera de la fable. La fable, l'essence du fabuleux dont elle prétendra dire la vérité, ce sera aussi son sujet général. Topos : fable.
Je lis donc Fable, la fable Fable.

FABLE

Par le mot par commence donc ce texte
Dont la première ligne dit la vérité,
Mais ce tain sous l'une et l'autre
Peut-il être toléré?
Cher lecteur déjà tu juges
Là de nos difficultés...

(APRES sept ans de malheur
Elle brisa son miroir).


Jacques Derrida in Psyché : Invention de l'autre

Le texte Fable est de Francis Ponge.

Note (c'est plutôt une question) : Je ne comprends pas pourquoi il ne met pas de majuscule à roman et à inventions lorsqu'ils sont en italique, puisqu'ils deviennent comme Fable des titres c'est-à-dire des noms propres ?

[02 mai 2002 : message édité par RV]
 
Moi j'aurais mis des majuscules.
Autre question : le tain est sous le miroir et sous quoi d'autre ? Psyché ???
 
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