Côté cuisine…

Merci pour vos avis très intéressants qui me confortent dans mon choix !
Quand tu l'as, tu le photographies devant un miroir, et tu postes ?
PS : C'est quoi l'objectif de ton D70 ? Zoom VR ?
 
Je relis l'un des 3 meilleurs livres sur la photo qui me soit passé dans les mains : L'art de la photographie, des origines à nos jours dirigé par André Gunther et Michel Poivert. Je tombe sur "les souvenirs des bons moments" qui me fait penser à "Postez vos plus beaux instants".

Je vous partage un extrait.
[…] Le sujet de l'image est en somme beaucoup plus important que la technique mise en œuvre pour en obtenir la reproduction. Leur préoccupation est le photographié plus que le photographique. La photographie ne les intéresse plus guère en tant que telle. Elle n'est désormais qu'un instrument dont ils se servent occasionnellement pour enregistrer les visages familiers et les souvenirs des bons moments. Ces nouveaux amateurs, apparus avec la seconde phase de l'industrie photographique, ne correspondent plus guère au profil de ces experts passionnés par la technique, ils ne sont plus que de simples usagers de la photographie.

Apparus tous deux à la fin du XIX siècle, l'amateur expert et l'amateur usager font rarement l'objet, dans les histoires de la photographie, d'une prise en compte distinctive: ils sont au mieux accolés, au pire confondus. Certes, il existe quelques perméabilités entre ces pratiques certains amateurs évoluant de l'une vers l'autre, ou conciliant les deux en même temps. Mais, globalement, les points de divergence entre ces deux formes d'amateurisme sont plus nombreux que leurs points de convergence. Beaucoup plus qu'un simple décalage de décennies dans leurs dates respectives d'émergence, il y a entre elles un large faisceau d'oppositions qu'il convient maintenant de mettre en évidence. La distinction entre l'expert et l'usager sera ici opérée à deux niveaux: historien et historique. La distinction historienne consistera tout d'abord à observer les écarts structurels entre les deux catégories: différences de milieu, d'approche de la photographie, et par conséquent d'iconographie. La distinction historique consistera ensuite à montrer que ce travail de démarcation fut mis en œuvre, dès l'époque, par les amateurs eux-mêmes et qu'il ne fut pas sans conséquences sur l'évolution de la photographie à la fin du XIX siècle.

Ce qui distingue les deux formes d'amateurisme, ce sont tout d'abord les types de regroupements sociaux dans lesquels elles se développent. Tandis que l'expert évolue dans le milieu des associations photographiques, c'est bien davantage dans le cercle familial que s'épanouit l'usager. Ce qui induit une très nette différence dans leurs manières respectives d'envisager la photographie. L'expert est passionné par la technique. Celle-ci rebute l'usager. L'intérêt de l'expert est ainsi largement tourné vers les sujets rapides et mobiles, parce qu'ils sont avant tout l'occasion d'éprouver sa maîtrise photographique. L'usager opère, quant à lui, un très net retour vers le sujet photographique en tant que tel. Pour lui, l'enregistrement du bon moment prime sur la prouesse opératoire. C'est, par conséquent, dans leurs iconographies respectives que la divergence est la plus perceptible. La collection de l'expert est ainsi pleine d'images d'acrobates effectuant des pirouettes, de chevaux au galop, de vagues se brisant sur le récif, de photographies de nuit, etc. Les prises de vue et les tirages sont particulièrement soignés. Certains motifs ont été photographiés avec des Boîtiers différents, puis tirés selon des procédés distincts. C'est un véritable catalogue de démonstrations techniques. Rien de tout cela dans l'album de l'usager ; il est empli de petits clichés, souvent flous ou mal cadrés. C'est le royaume du snapshot. Les sujets domestiques sont en majorité repas de vacances, cérémonies de mariage, excursions touristiques, etc.

Cette différence entre les experts et les usagers fut d'ailleurs perçue dès l'époque. C'est particulièrement manifeste dans la réaction des premiers face à l'augmentation massive des seconds. Paradoxalement, les amateurs des clubs, qui, dès le début des années 1880, avaient œuvré pour l'ouverture de la pratique photographique à un plus large public, furent surpris, voire déstabilisés, par l'afflux de ces nouveaux photographes du dimanche. Par leur travail de pédagogie, de simplification et de popularisation, ils avaient espéré élargir leurs rangs ; ils auront finalement favorisé l'émergence d'une nouvelle catégorie d'amateurs, dont l'intérêt pour la photographie était tout différent du leur. Leur aspiration démocratique était, certes, en passe de se réaliser, mais pas exactement comme ils l'avaient espéré. Ce fut une véritable désillusion dont témoignent quelques textes de l'époque. Publiés dans les revues photographiques, ces articles permettent de comprendre quelle fut la réaction des experts face à l'avènement des usagers. Elle prit tout d'abord la forme d'une critique sévère du nouveau dilettantisme photographique qui s'exprima par l'opposition radicale entre la qualité (des experts) et la quantité (des usagers). L’agacement des experts se traduisit également par l'élaboration d'une complexe stratégie de distinction qui visait à rendre plus visible encore ce qui les séparait des usagers, voire à accroître davantage les différences elles-mêmes. Cette politique de démarcation prit principalement trois formes. La première consista, pour les experts, à refuser aux usagers l'appellation d'amateur en les qualifiant, par exemple, de button pressers aux États-Unis, ou de knipser en Allemagne. Rebaptiser, en déniant le droit à la même appellation que soi, c'est, en effet, affirmer la différence. Une autre manière de se distinguer des usagers consista pour les experts à s'affilier rétrospectivement à cette catégorie rêvée des amateurs des premiers temps dont le goût pour la technique, le dévouement prosélyte à la cause du médium, en un mot l'éthique photographique était soi-disant plus conforme à leur propre passion. Il y eut, enfin, une troisième manière de cultiver la différence. Dans Un art moyen, Pierre Bourdieu a bien montré que les adhérents des photo-clubs cherchaient perpétuellement à se démarquer du tout-venant de la photographie de famille en anoblissant leur propre pratique. Son analyse porte certes sur les années 1960, mais cette aspiration à la distinction par la revalorisation de l'acte photographique est à l'œuvre dès les débuts de l'amateurisme. […]

Extrait de "Le jeu des amateurs" par Clément Chéroux dans "L'art de la photographie, des origines à nos jours" sous la direction d’André Gunthert et Michel Poivert.
 
  • J’aime
Réactions: aCLR
Extrait de "Le jeu des amateurs" par Clément Chéroux dans "L'art de la photographie, des origines à nos jours" sous la direction d’André Gunthert et Michel Poivert.
Dès que la photographie a commencé à se rendre plus accessible, les appareils étaient conçus pour les purs amateurs et les éclairés.
Deux 9x6 format classique des débuts de la photo, à gauche le réglage est "soleil-nuages", à droite on fait le point et on règle diaphragme et vitesse... :snaphappy:
Vieux appareils.jpg
 
  • J’aime
Réactions: SirDeck
Au début du XIXe siècle, la photo est artisanale et pour les plus fortunés. Le daguerréotype est très coûteux (support métal) et nécessite un vrai savoir-faire. Les techniques sur papier de Talbot ou Bayard nécessitent également une forte expertise pour des résultats bien en dessous du daguerréotype. Au milieu du XIXe siècle, le collodion humide entraîne une vraie rupture. Mais pour l'avoir pratiqué moi-même dans un atelier, cela nécessite un vrai savoir-faire (il faut couler l'émulsion, shooter et développer dans la foulée). On ne trouve donc toujours que des professionnels et des amateurs experts fortunés (c'est la grande période du pictorialisme et de la photo-secession) qui maîtrisent chimie, optique, mécanique, etc.

La révolution vient avec le gélatino-bromure qui apparaît dans les années 1880. Le résultat est très bon, le temps de pose très court et surtout, les plaques sèches peuvent être préparées à l'avance ; c'est le début de l'industrialisation de la photographie qui permet une baisse des coûts (Agfa, Ilford, Gevaert, Kodak). C'est dans les années 1890 que la simplification est suffisante pour prendre des photos sans savoir technique :

En septembre 1888, Eastman lance le Kodak, un appareil pré-chargé, de taille réduite, assez léger et simple d'emploi. Avec 13 000 boîtiers vendus en un an, c'est un véritable succès. L'appareil s'exporte et se décline. La clef de sa réussite réside principalement dans sa simplicité. Avec le Kodak, certaines des étapes de l'acte photographique — la préparation des plaques, leur chargement, le réglage de la netteté, du diaphragme ou de la vitesse d'obturation, la visée, et enfin le développement, puis le tirage — ont été réduites au minimum, voire complètement supprimées.
C'est le fameux "Vous appuyez sur le bouton, nous faisons le reste" du Kodak. 13 000 ventes, c'est un succès à l'époque . Cette révolution permet l'apparition de "l'amateur usager" qui, comme l'explique l'extrait du précédent poste est bien différent de "l'amateur expert". C’est au début du XXe siècle que ces amateurs se massifient.

iu
 
Quand je pense aux nombre de petites plaques de verres que je sortais de leurs boîtes où elles étaient bien rangées dans du velours rouge, que je me suis amusé à casser dans le grenier familial quand j’étais enfant…
 
je me suis amusé à casser
Mon cochon...
En emménageant dans un appart toutenhaut d'un immeuble, j'explore les greniers, je trouve une trentaine de plaques toutes prises sur le port du Havre début du 20e...
J'en ai fait don au musée d'histoire du Havre, je doit avoir quelque part le récépissé du musée.
Et comme un c*n, j'ai pas pensé à contre typer les plaques...