Roberto Saviano est né en 1979, près de Naples, à Casal di Principe*, berceau de la Camorra, la mafia napolitaine. Durant sa encore courte existence, il a eu le temps de côtoyer ce milieu, de le connaître, de faire des petits jobs ici et là, d'observer, de prendre des notes, de rédiger, de voir des cadavres criblés de balles... pour en faire un livre sorti il y a un an.
Je l'ai fini il y a quelques jours. Cela dépasse l'entendement de ce que l'on peut imaginer, tant le
Système (c'est ainsi que la mafia est appelée, de l'intérieur) est présent partout, jonglant entre activités légales et illégales. Et pas seulement dans le Sud de l'Italie, mais dans tout le pays, le reste de l'Europe, en Angleterre, en Espagne, en Chine et aux Etats-Unis.
La gestion des déchets dans le Sud de l'Italie est totalement aux mains des clans mafieux. Les entreprises du Nord envoient leurs déchets toxiques dans le Sud, qui finissent un peu partout, enfouis dans les champs.
Idem pour le béton, dans lequel la Camorra investit massivement.
Sans parler des règlements de compte entre familles, des assassinats, où l'on ne se contente pas simplement de tuer avec une balle dans la tête: on le fait avec la manière et dans le but de laisser un message clair pour ceux qui seraient tentés de parler.
Peu après la sortie de son livre, Roberto Saviano s'est rendu sur la place principale de Casal di Principe pour présenter son livre, et il a dénoncé les chefs mafieux, en les citant nommément à la foule. Ce qui ne se fait jamais dans les milieux camorristes. Une anecdote raconte qu'un camorriste était là et notait les gens qui se permettaient d'applaudir un peu fort à l'énonciation des noms.
Saviano vit désormais à Rome, sous escorte policière et se déplace en voiture blindée. Le succès de son livre, plus de 900 000 exemplaires vendus en un peu plus d'un an, l'a condamné à mort. Sa famille s'est petit à petit éloigné de lui et l'a délaissé.
Faire parler de lui autour de soi, c'est faire reculer l'échéance de sa mort. La Camorra a été claire: s'il est encore en vie, ça n'est pas parce qu'il est protégé par une escorte. C'est parce qu'ils n'ont pas encore pris la décision d'agir.
Un film est en préparation.
* 44% de la population de Casal di Principe est condamnée par la loi italienne contre les associations mafieuses.
Il y a un mois la RSR a consacré cinq émissions à la mafia, et à une interview de Roberto Saviano.