Zezette Reineman
Zezette Reineman naquit Josette Pudubec, en la petite bourgade de Tréguennec. Employée très jeune dans une conserverie où elle s'étiolait à manipuler à longueur de journée maquereaux et sardines, la jeune Josette sût très tôt que cette vie sans relief ne pouvait être la sienne bien longtemps...
A l'orée des années soixante dix, lasse de devoir continuellement se ruiner en savons et autres crèmes lavantes peu à même de la débarrasser de l'odeur persistante de poisson qui avait fait d'elle la coqueluche des matous de Tréguennec, Josette prît son destin à bras le corps et décida de s'en aller ailleurs conquérir une toute autre célébrité... Enfant, déjà, elle rêvait d'une main devant les pages de "Podium" ou "OK magazine", irrésistiblement attirée par les feux de la rampe et les strass du show business.
Uniquement nantie d'une valisette et de la coiffe que portaient les femmes de sa région natale, de mères en filles, elle débarqua un beau matin dans la capitale, fermement convaincue qu'une vie somptueuse s'ouvrait désormais devant elle, pétillante comme le champagne qui ne manquerait pas de couler à flots à la simple évocation de son nom...
Cruelle désillusion. La réalité est à l'image des récifs affleurants qui éventrent les coques des plus fiers chalutiers, pour bon nombre de jeunes âmes éprises d'aventure et de gloire!
Le filet de voix et les quelques pas de danse qui avaient fait d'elle la starlette de bon nombre de fest noz ne parvinrent qu'à faire s'exclafer, de manière fort grossière certes, l'aréopage des producteurs de spectacles de variétés Parisiens...
Un moment découragée et (on le serait à moins) abattue, Josette trouva cependant entraide et réconfort au sein de "l'Amicale Bigouden de Paris" où, en plus de l'entretient rémunéré des locaux de l'association, il lui était permis d'animer certaines soirées...
Sa notoriété auprès de la diaspora Bretonne croissant (Que ne disait-on pas alors "Quelle sacrée déconneuse, la Josette!"), il lui fût offert de rejoindre un fameux trio qui écumait les cabarets de Pigalle :
"Les Moulosec Sisters" ; qui profitent de nos jours d'une retraite bien mérité.
Certes un peu déçue, Josette se dit que ce n'était qu'un début et que les spectacles sans équivoque des soeurs Moulosec pouvaient constituer un tremplin pour une carrière qui n'avait pas encore réussi à prendre la vague. Elle décida néanmoins de prendre un pseudonyme de scène, Zezette Reineman, afin de protéger le nom des Pudubec de la honte et des sarcasmes.
Toujours est il que le désormais quatuor provoqua un formidable engouement auprès du public interlope de Pigalle ; grâce entre autres à des numéros d'anthologie comme "La moule rieuse" ou "La galette retournée, fourrée à la va-comme je te pousse"...
Un soir que les applaudissements et les cris résonnaient plus fort que de coutume dans l'esprit grisé de Zezette, quelle ne fut pas sa surprise de trouver devant sa loge un beau touriste Niçois, grand amateur de cigares et de whiskies rares... L'incarnation de la classe et de la distinction, ni plus, ni moins, aux yeux d'une Zezette passablement éblouie.
Passons sur les détails. Ils s'aimèrent... Enfin, surtout elle... Elle ne le revit jamais. Quand elle lui demanda son adresse, il lui répondit avec un sourire énigmatique "36 quai des orfèvres, ma poule."
Neuf mois plus tard, la nature présenta son addition, pour solde de tous comptes... Zezette mit au monde un garçon et sa carrière en sourdine. Les premiers mois, la présence du petit être la consola de sa déconvenue. Elle lui trouvait les yeux de son père...
L'effroi s'empara d'elle le jour où le marmot prononça ses premières paroles. Non pas une suite de joyeux gazouillis maladroits, mais une longue litanie d'injures propres à faire rougir un mandataire à Rungis. Quelque temps plus tard le verdict sans appel d'un pédiatre qu'elle consulta, au comble de l'angoisse, tomba : Une forme précoce et aggravée du syndrome de Gilles de la Tourette!
Sa vie devint alors un calvaire, tant la communication avec l'enfant du péché était éprouvante au quotidien : "Hé, s*****! J'veux une Danette©! Sacré p***** de nom de Dieu de b***** de m****!!!" "Achete moi une panoplie de Goldorak, espèce de grosse c**** qui s*** des b**** au kilomètre!!!"... etc, etc...
Adieu Show biz! L'enfant nécessitait une surveillance constante, ne pouvant être scolarisé, la période réglementaire de 3 mois pour pouvoir pratiquer une IVG largement dépassée, à son grand dam et malgré moult tentations indignes d'une mère...
Redevenue Josette, elle ramassa armes, bagages et lardon pour s'en retourner dans sa belle région. Mais hors de question de retourner dans sa famille et prêter le flanc à l'opprobre des Pudubec, dans ces conditions. Elle s'installa à Rennes, où l'on a fini par perdre sa trace...
Seules les soeurs Moulosec se souviennent encore d'elle et nous ont permis de reconstituer cette édifiante biographie.
Merci les filles! :zen: