Regardons le ciel quelques instants
Au loin le crépuscule s'enfonce dans les ténèbres. Quelques pâles rayons perçants traversent furtivement l'horizon assoupi en un faisceau de longues langues claires. Plus un bruit plus un son - tout s'éteint fors le souple carillon étouffé par la nuit de la rosée qui déjà ruiselle, invisible, dans la macabre obscurité.
LeBonze, habile et beau, fier et nonchalant, choisit rituellement cet instant pour porter à ses lèvres le nectar frais et souple qu'il a adopté comme unique nourriture : le rosé. Alors que la boisson subtile tapisse son palais de son odorat envoûtant, un cercle, puis deux, au sein de son gobelet, attirent son attention - LeBonze est en éveil.
Qui trouble le serein poser de Phbus en ce moment de communion?
Au loin dans la fragile clarté, un reflet brille, puis deux. L'il s'y trompe - la terre enfle d'un écho sombre et fort - ils sont trois, quatre, neuf, les casques qui surgissent dans le rayon! Un grondement, tout résonne, le ciel ploit - panachés de plumes bleues, blanches, vertes, rouges ou oranges, ils avancent, deux par deux, vers LeBonze mal rasé.
"Alors, le drôle, on plaisante la soubrette?". Ils sont là, tous les neuf, rutilants de fierté.
"Bof", fait LeBonze, toujours inspiré.
"Un honneur est à venger", murmure LeGrandChevalier tous approuvent dans un cliquetis d'armures. Les montures des nobles silhouettes, à double cur pour certaines, ornées de fleur d'orient pour d'autres, cambrent leurs pattes à des fréquences jamais vues.
"Tu seras châtié". Et les hommes, deux par deux, de lui tirer son rosé.
Homme qui passe, ouis-donc bien cette geste - les purs restent avec les purs; les obsédés perdent leur rosé : manière hygiénique de les émasculer.