Faut savoir parler des petits nombres, et pour ça, faut des petits compteurs...
Alors donc,
29.
Alors 29, c'est un nombre premier, et c'est le nombre de jours du mois de février dans les années bisexuelles, mais ça, on s'en fout.
29 est le septième
nombre de Lucas. Et ça, c'est important. C'est la classe, être un nombre de Lucas.
Pourquoi septième ? Parce qu'il est précédé de 6 autres, tiens.
1, 3, 4, 7, 11, et 18.
Les nombres de Lucas, c'est super facile à trouver. La suite de Lucas, c'est des nombres qui sont la somme des deux précédents dans la suite.
29=18+11.
Ça suit ?
Les mathématiciens, qui aiment qu'on les comprenne pas, notent ça
.
Après on s'étonne que les maths soient un truc sélectif...
Les nombres de Lucas, ç'est les cousins des nombres de Fibonacci. Si si.
Par exemple, si on prend deux nombres de Lucas qui se suivent, qu'on les élève au carré, comme ça, pour rire, et bien on obtient un nombre qui est cinq fois le nombre de Fibonnaci dont le rang est égal à la somme des deux nombres de Lucas du début.
Je la refais.
Pouf pouf.
18 et 29, c'est des nombres de Lucas qui se suivent. C'est le 6° et le 7°.
18 au carré x 29 au carré = 5 fois le (6+7) 13ème nombre de Fibonacci : 233.
A quoi ça sert ? Je sais pas. A dénombrer des plus grands chiffres, je crois. Ou à passer le temps. A rigoler, quand la seule passion de ta vie, c'est les maths. Comme Lucas. Lui, y'avait que les maths qui le branchait. C'est le pape de la mathématique récréative, Lucas. Mais pas seulement.
Il faisait aussi des trucs super sérieux, attention. En fait il a fait des quantités de trucs, une œuvre impressionnante, animée par l'idée que tout théorème peut s'incarner dans un jeu qui permette de le résoudre, ou de le comprendre, ou de l'approcher. Il a fait beaucoup de numérotation, des calculs binaires. C'était un dénombreur, un de ces types qui cherchent les nombres premiers. C'est lui qui a trouvé le plus grand nombre premier sans l'aide d'un ordinateur.
Forcément, il est mort en 1891, le gars. Y'avait pas d'ordinateur.
François
Edouard Anatole
Lucas, il s'appelait. On l'appelait Edouard. Un peu couillon, vu que Anatole, c'est autrement plus beau comme prénom. Enfin, quand on a pas voulu de François, hein... C'était un Picard. Né à Amiens en 1842.
Il est mort super connement. Il était parti pour s'empiffrer pendant un banquet de mathématiciens, quand un serveur s'est mangé une dalle de carelage un peu déscellée, a renversé son plateau, et qu'un bon couteau à viande a fait un vol plané dans la carotide de l'Edouard Lucas. Un couteau qui, si ça se trouve, n'était même pas de Thiers, ce qui serait un comble pour un banquet républicain.
Dommage pour Lucas.
Vous savez que c'est grace à lui qu'on a trouvé les meilleures méthodes pour découvrir les grands nombres premiers ?
A quoi ça sert les nombres premiers ? A draguer les jeunes scientifiques dans les cours des lycées classiques.
Et à part ça ?
A part, ça, à crypter. Rien de tel qu'un grand nombre premier pour renforcer un algorythme de cryptage...
Edouard Lucas, il nous a aussi laissé la
Tour de Hanoi. Un fameux truc. C'est trois petites aiguilles. Sur une d'entre elles, on a empilé 7 ou 8 disques, le plus grand d'abord, le plus petit ensuite. Il faut changer la pile d'aiguille, en sortant les disques un par un et en mettant toujours un petit sur un plus grand, et jamais l'inverse. Des
amateurs ? C'est très drole. Totalement algorythmique.
En fait, c'est la version simplifiée d'un problème qui est au cœur d'une des plus célèbres légendes hindoues, celle de la tour de Brahmâ.
La tour de Brahmâ, c'est un grand plateau de cuivre, surmonté de trois aiguilles en diamant, qui repose sous le dôme du grand temple de Benarès.
Sur une de ces aiguilles, un Dieu quelconque quoique magnificient, enfila 64 plateaux en or pur, du plus grand au plus petit. Et il dit aux hommes (parce que c'était un Dieu qui parlait) :
"Déplacez les disques sur une autre aiguille, sans jamais mettre le petit sous le grand, jusqu'à ce que la pile change d'aiguille. Lorsque vous aurez terminé, le monde tombera en poussière et disparaitra".
Les moines de l'époque, ils ont eu sacrément les jetons.
Pis y'a un mariole qui est arrivé, et qui a dit : "Ayez pas les chocottes, mes fiotes, faudra au minimum (2 à la puissance 64)-1 mouvements pour arriver au bout!
Si on bouge un disque toutes les secondes sans se gourer, à raison de 31 558 000 secondes par an, on aura fini dans 584 milliards d'années".
Les Bramâpouthres, qui avaient tout compris, en ont eu plus rien à foutre. Ils allaient pas se crever à la tâche juste pour voir le monde s'effondrer, hein ?
Vous vous rendez compte qu'y a 31 millions et 558 mille secondes dans une année ???
Quand on sait qu'on consomme 300 millions de bouteilles de champagne par an dans le monde entier, ça veut dire qu'il s'engloutit 10 bouteilles de champ par seconde autour du globe.
On comprend pourquoi la France reste la 5ème puissance économique mondiale. Les français baisent le monde à coup de bulles. Ça, Edouard Lucas l'a pas dit. Il était temps de l'affirmer, chiffres à l'appui.