Vos poèmes préférés

Philippe a dit:
J'adore aussi...
(La preuve : voir un peu plus haut... ;))

Tout aussi connu, tout aussi prenant :


Est-ce ainsi que les hommes vivent

:zen:

Et mis en musique par Léo Ferré. :love:
La version chantée par Philippe Léotard est très émouvante, poignante même.
 
L'Ennemi

Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?

Ô douleur ! ô douleur ! Le temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !

Baudelaire


..c'est celui qui me touche particulièrement
 
Déjà posté quelquepart :


Aux amoureux les coeurs
Aux abeilles les fleurs
Et pour que rien ne se perde
Aux adjudants la merde.



moi j'aime bien.​
 
Le châtiment de Tartufe

Tisonnant, tisonnant son coeur amoureux sous
Sa chaste robe noire, heureux, la main gantée,
Un jour qu'il s'en allait, effroyablement doux,
Jaune, bavant la foi de sa bouche édentée,

Un jour qu'il s'en allait, " Oremus ", - un Méchant
Le prit rudement par son oreille benoîte
Et lui jeta des mots affreux, en arrachant
Sa chaste robe noire autour de sa peau moite !

Châtiment !... Ses habits étaient déboutonnés,
Et le long chapelet des péchés pardonnés
S'égrenant dans son coeur, Saint Tartufe était pâle !...

Donc, il se confessait, priait, avec un râle !
L'homme se contenta d'emporter ses rabats...
- Peuh ! Tartufe était nu du haut jusques en bas !
 
Le silence des mots

Le silence des mots
Si seulement il existait des mots
qui sauraient te raconter,
je trouverais les plus beaux
ceux qui ne peuvent rien briser.
Je les placerais devant toi
sur une tendre mélodie
et ils t'exprimeraient ce que moi
je n'ai encore jamais dit.
De ta tendresse et de ta douceur
ils sont le lien qui nous unit
car j'y ai trouvé dans ton coeur
un amour infini.
Ce matin je pense à toi
et les mots dansent devant mes yeux,
j'aimerais être dans tes bras
plus un seul mot rien que nous deux.
Dans le silence de chaque mot
il y a tant de parole et d'amour
que tout ce que mon coeur trouve beau,
grandit à chaque jour.
 
Quand les chevaux du Temps s’arrêtent à ma porte
J’hésite un peu toujours à les regarder boire
Puisque c’est de mon sang qu’ils étanchent leur soif.
Ils tournent vers ma face un œil reconnaissant
Pendant que leurs longs traits m’emplissent de faiblesse
Et me laissent si las, si seul et décevant
Qu’une nuit passagère envahit mes paupières
Et qu’il me faut soudain refaire en moi des forces
Pour qu’un jour où viendrait l’attelage assoiffé
Je puisse encore vivre et les désaltérer.


Jules Supervielle, "Les Chevaux du Temps".
 
LA CIGARETTE

Oui, ce monde est bien plat ; quant à l'autre, sornettes.
Moi, je vais résigné, sans espoir, à mon sort,
Et pour tuer le temps, en attendant la mort,
Je fume au nez des dieux de fines cigarettes.

Allez, vivants, luttez, pauvres futurs squelettes.
Moi, le méandre bleu qui vers le ciel se tord
Me plonge en une extase infinie et m'endort
Comme aux parfums mourants de mille cassolettes.

Et j'entre au paradis, fleuri de rêves clairs
Où l'on voit se mêler en valses fantastiques
Des éléphants en rut à des choeurs de moustiques.

Et puis, quand je m'éveille en songeant à mes vers,
Je contemple, le coeur plein d'une douce joie,
Mon cher pouce rôti comme une cuisse d'oie.
 
Puisqu'ici-bas toute âme
Donne à quelqu'un
Sa musique, sa flamme
Ou son parfum ;

Puisqu'ici toute chose
Donne toujours
Son épine ou sa rose
À ses amours ;

Puisqu'avril donne aux chênes
Un bruit charmant ;
Que la nuit donne aux peines
L'oubli dormant ;

Puisque l'air à la branche
Donne l'oiseau ;
Que l'aube à la pervenche
Donne un peu d'eau ;

Puisque, lorsqu'elle arrive
S'y reposer,
L'onde amère à la rive
Donne un baiser ;

Je te donne à cette heure,
Penché sur toi,
La chose la meilleure
Que j'aie en moi !

Reçois donc ma pensée,
Triste d'ailleurs,
Qui, comme une rosée,
T'arrive en pleurs !

Reçois, mon bien céleste,
Ô ma beauté,
Mon coeur, dont rien ne reste,
L'amour ôté !

Victor Hugo.
 
Ton coeur

Donne-moi ton coeur
Et ne crains rien
Il sera comme une fleur
Entre mes mains
Surtout n'ait pas peur
J'en prendrais soins
Je veux son bonheur
Plus que le mien
S'il ressent la douleur
Ou le chagrin
Je l'entourerais de douceur
Jusqu'au matin
Qu il retrouve la chaleur
D'un doux câlin
Car dans tes yeux rêveurs
J'ai vu les miens

 
Galatée a dit:
Désolée, erreur :rose:


Parfois, en certains jours de lumière parfaite et exacte,
où les choses ont toute la réalité dont elles portent le pouvoir,
je me demande à moi-même tout doucement
pourquoi j'ai moi aussi la faiblesse d'attribuer
aux choses de la beauté.

De la beauté, une fleur par hasard en aurait-elle ?
Un fruit, aurait-il par hasard de la beauté ?
Non, ils ont couleur et forme
et existence tout simplement.
La beauté est le nom de quelque chose qui n'existe pas
et que je donne aux choses en échange du plaisir qu'elles me donnent.
Cela ne signifie rien.
Pourquoi dis-je donc des choses : elles sont belles ?

Oui, même moi, qui ne vis que de vivre,
invisibles, viennent me rejoindre les mensonges des hommes
devant les choses,
devant les choses qui se contentent d'exister?

Qu'il est difficile de n'être que soi et de ne voir que le visible.


Alberto Caeiro (aka Fernand au masque), in Le Gardeur de troupeaux

ps : je me suis permis de rebondir sur ton post Galatée, pardonne-moi ;)
 
sinon et toujours

Um mover de olhos, brando e piedoso,
Sem ver de quê; um riso brando e honesto,
Quase forçado; um doce e humilde gesto,
De qualquer alegria duvidoso.

Um despejo quieto e vergonhoso,
Um repouso gravíssimo e modesto,
Uma pura bondade, manifesto
Indício da alma, limpo e gracioso;

Um encolhido ousar; uma brandura,
Um medo sem ter culpa, um ar sereno,
Um longo e obediente sofrimento:

Esta foi a celeste fermosura
Da minha Circe, e o mágico veneno
Que pôde transformar meu pensamento.

Luis de Camões :zen:
 
"Il n'y a pas d'amour heureux", d'Aragon magnifiquement chanté par Brassens :zen:



Rien n'est jamais acquis à l'homme
Ni sa force, ni sa faiblesse, ni son cœur
Et quand il croit ouvrir ses bras
Son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur
Il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce

Il n'y a pas d'amour heureux

Sa vie, elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désarmés incertains
Dites ces mots ma vie et retenez vos larmes

Il n'y a pas d'amour heureux

Mon bel amour, mon cher amour, ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent

Il n'y a pas d'amour heureux

Le temps d'apprendre à vivre
Il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos cœurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson

Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare

Il n'y a pas d'amour heureux

Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs

Il n'y a pas d'amour heureux
Mais c'est notre amour à tous deux
 
Antonin Artaud



DEUXIÈME LETTRE DE MÉNAGE

J'ai besoin, à côté de moi, d'une femme simple et équilibrée, et dont l'âme inquiète et trouble ne fournirait pas sans cesse un aliment à mon désespoir. Ces derniers temps, je ne te voyais plus sans un sentiment de peur et de malaise. Je sais très bien que c'est ton amour qui te fabrique tes inquiétudes sur mon compte, mais c'est ton âme malade et anormale comme la mienne qui exaspère ces inquiétudes et te ruine le sang. Je ne veux plus vivre auprès de toi dans la crainte. J'ajouterai à cela que j'ai besoin d'une femme qui soit uniquement à moi et que je puisse trouver chez moi à toute heure. Je suis désespéré de solitude. Je ne peux plus rentrer le soir, dans une chambre, seul, et sans aucune des facilités de la vie à portée de ma main. Il me faut un intérieur, et il me le faut tout de suite, et une femme qui s'occupe sans cesse de moi qui suis incapable de m'occuper de rien, qui s'occupe de moi pour les plus petites choses. Une artiste comme toi a sa vie, et ne peut pas faire cela. Tout ce que je te dis est d'un égoïsme féroce, mais c'est ainsi. Il ne m'est même pas nécessaire que cette femme soit très jolie, je ne veux pas non plus qu'elle soit d'une intelligence excessive, ni surtout qu'elle réfléchisse trop. Il me suffit qu'elle soit attachée à moi. Je pense que tu sauras apprécier la grande franchise avec laquelle je te parle et que tu me donneras la preuve d'intelligence suivante : c'est de bien pénétrer que tout ce que je te dis n'a rien à voir avec la puissante tendresse, l'indéracinable sentiment d'amour que j'ai et que j'aurai inaliénablement pour toi, mais ce sentiment n'a rien à voir lui-même avec le courant ordinaire de la vie. Et elle est à vivre, la vie. Il y a trop de choses qui m'unissent à toi pour que je te demande de rompre, je te demande seulement de changer nos rapports, de nous faire chacun une vie différente, mais qui ne nous désunira pas.

L'ombilic des Limbes (Poésie-Gallimard)
 
Je suis allé au marché aux oiseaux
Et j'ai acheté des oiseaux
Pour toi
Mon amour
Je suis allé au marché aux fleurs
Et j'ai acheté des fleurs
Pour toi
Mon amour
Je suis allé au marché à la ferraille
Et j'ai acheté des chaînes
De lourdes chaînes
Pour toi
Mon amour
Et je suis allé au marché aux esclaves
Et je t'ai cherchée
Mais je ne t'ai pas trouvée
Mon amour


Jacques Prévert
 
Se voir le plus possible et s'aimer seulement,
Sans ruse et sans détours,sans honte ni mensonge,
Sans qu'un désir nous trompe, ou qu'un remords nous ronge,
Vivre à deux et donner son coeur à tout moment;

Respecter sa pensée aussi loin qu'on y plonge,
Faire de son amour un jour au lieu d'un songe,
Et dans cette clarté respirer librement
- Ainsi respirait Laure et chantait son amant.

Vous dont chaque pas touche à la grâce suprême,
C'est vous, la tête en fleurs, qu'on croirait sans souci,
C'est vous qui me disiez qu'il faut aimer ainsi.

Et c'est moi, vieil enfant du doute et du blasphème,
Qui vous écoute, et pense, et vous réponds ceci:
Oui, l'on vit autrement, mais c'est ainsi qu'on aime.

alfred de musset:love:
 
Si je meurs demain, pleurerais-tu ?
Si je meurs demain, rigolerais-tu ?
Si je meurs demain, sourirais-tu ?
Si je meurs demain, souffrirais-tu ?
Si je meurs demain, hurlerais-tu ?
Si je meurs demain, tremblerais-tu ?
Si je meurs demain, déprimerais-tu ?
Si je meurs demain, m'oublierais-tu ?
 
Les pleurs personnels

Du haut de cette tour,
Je pleure nos amours.

Faiblesse des sentiments,
Déchirure du temps,

Bâtir sans comprendre,

S'adonner sans s'émouvoir,
Et se laisser choir,
Par le feu d'une belle histoire,

Qui ne me laisse que des cendres,

Eparpillées dans ma mémoire,
Complétant le savoir

D'une triste réalité,
Celle d'être délaissé...



De F. D'Hondt