Il y a tout de même une fragilité des conditions physiques qui fait peur, surtout chez des jeunes. Autour de ça, et avant ça, il y a aussi un discours ambiant qui tend à tout médicaliser. Autrement dit, on fait de tout un drame !
Comment on faisait avant ? 1990, déjà le moyen-âge...
Je pense que c'est l'abondance des moyens de diffusions qui nous mènent à croire que l'on fait de tout un drame bien plus qu'avant.
Un exemple (et vous allez voir si ça tombe bien, j'ai justement une anecdote relative à des enfants et un autocar).
83 ou 84, je dois avoir dans les 13 ans, je vis dans un bled campagnard, je vais au collège dans le gros bled le plus proche.
Je prends le bus scolaire, on doit être dans les 45, tous du village.
Un jour on a un nouveau chauffeur (que nous n'aurons qu'une seule fois, finalement).
Fin de journée, on rentre.
Ça parle, ça rigole, ça chahute, ça fout le bordel, m'enfin pas plus que d'habitude.
Le chauffeur s'arrête et nous demande de nous calmer.
Ça se calme un peu et ça recommence.
Il s'arrête de nouveau, redemande la même chose.
Même résultat.
Là, tout en conduisant, il nous hurle de faire moins de bruit.
Quelqu'un (c'est pas moi, je le jure) gueule : "Ta gueule, vieux con".
Pas de réaction du chauffeur.
Le bordel ambiant continue jusqu'à l'arrêt du bus.
Plein centre village, on se lève tous pour sortir, le chauffeur n'ouvre pas les portes, nous gueule de nous asseoir et nous prévient qu'on ne descendra pas tant que celui qui a fait ça ne se dénonce pas.
Je vous passe les détails, nous avons été séquestrés pendant une bonne heure.
Les téléphones portables n'existent pas et sont loin de l'être. Nous sommes restés coincés, sans pouvoir demander d'aide à quiconque.
Quand un type débarque en bagnole (son gamin qui prenait le car avec nous, nous racontera plus tard qu'il s'était inquiété de ne pas le voir rentrer et qu'il avait décidé de se taper tout le parcours dans l'autre sens depuis l'arrêt final pour vérifier, en l'absence d'info, que le car n'avait pas eu d'accident).
Le mec cogne à la porte, grosse engueulade avec le chauffeur quand il comprend ce qu'il vient de se passer.
Le mec nous libère. Tu peux me croire que je suis rentré direct tout balancer à ma mère.
Cette histoire a fait un drame à 15 bornes à la ronde (il y a de quoi, c'est un peu plus grave qu'une simple histoire de clim en panne) mais guère plus que ça puisque seul le bouche-à-oreille servait de vecteur de diffusion.
À l'époque actuelle ça aurait été facebouqué, touité, instagrammé. Rien qu'avec ça, ça aurait fait le tour de l'Hexagone. Ce qui aurait forcé les journaux (au moins ceux en ligne) à reprendre les faits. Et après, quoi. Une citation dans les actualités télévisées locale (et plus, va savoir).
Bref.
On a toujours fait de tout un drame.
Ce qui change maintenant c'est qu'on peut faire chier le monde entier avec ça.
Ajoute à ça le besoin impérial de produire toujours plus de contenu (frisant bien souvent la simple anecdote) pour avoir toujours plus de vues et ainsi pouvoir balancer toujours plus de pub et tu en arrives à avoir le sentiment que maintenant on fait un drame de tout.