Je ne vois pas en quoi c'est supérieur ! Cela correspond mieux à la culture visuelle actuelle, cela utilise des codes classiques, cela
Lorsque Brodovitch Publie Ballet en 1935, ses photos sont tout le contraire et donc
jugées totalement inférieures. Des photos floues, avec des contre-jour, des noirs bouchés, des blancs brûlés, un grain exacerbé par un grossissement de parties de petits négatifs
Un barbare
Et pourtant, elles vont enfanter toute une branche de la photographique contemporaine. Aujourd'hui les photos de ce livre seraient probablement appréciées par tous les publiques.
C'est entré dans la culture. Ca a 80 ans. C'est classique.
Le numérique apporte des choses nouvelles. On peut tout à fait "mimer" l'argentique et Salgado le prouve en ce moment (pour avoir une continuité dans son travail actuel, ayant été forcé d'abandonner son moyen format Pentax pour un EOS 1D, une postproduction précise reproduit le rendu du film moyen format utilisé au début de la série). Cela ne me semble pas mieux ou moins bien.
Mais explorer ce que peut apporter de nouveau le numérique et prendre des risques en quittant les codes classiques me semble passionnant. Je n'ai pas le niveau artistique pour cela, je suis un artisan amateur. Mais j'apprécie vraiment les expositions de photographes pour qui la netteté sans artefacts techniques (grain ou bruits) et les couleurs qui débordent totalement ce que pouvaient produire l'argentique ne sont pas effrayantes. Cela ne m'empêche pas d'apprécier les monstres sacrés et même les photographes contemporains qui par réaction au rendu "numérique" reprennent les codes de largentique le plus incontrôlable (polaroïd, lomo, etc.) qui grouille de poussières, de rayures, de flous, couleurs délavées et imprécises, etc.
Les querelles entre anciens et moderne existent depuis toujours. La photo est née comme une empreinte du réelle. Le but était de s'approcher le plus de la réalité. Le
pictorialisme est allé à l'opposé et on pourrait dire que Brodovitch ne fait que faire renaître cette voie. Renaître parce que la Photo-Secession Américaine avait enterré le pictorialisme en revenant à la photo sans altération. Puis
Klein et Frank font revenir la manipulation et la torture du film. Puis on est revenu à une photographie du réel (
Stephen Shore en est un bon exemple). C'est elle qui domine l'art contemporain actuel influencé par la tendance Dusserdorf (initiée par les
Becher), le must étant de produire une photo au rendu réel, mais qui est totalement mise en scène comme l'a initié
Wall.
On retrouve ces deux approches chez des artistes qui empoignent le numérique. Certains profitent du progrès pour s'approcher encore du réel. Les photos de ce type sont rares car les photographes "naturalistes" travaillent généralement en grand format.
Gruyaert utilisant du 24X36 peut déjà explorer.
D'autres au contraire profitent du numérique pour s'exprimer en n'hésitant pas à s'inspirer de la peinture. Là, il y a du monde d'autant que les codes sont classiques donc "vendeurs".
Un exemple qui s'appuie sur des codes qui mélangent peinture classique et rendu argentique aléatoire (polaroïde ici) comme le fait Lili-Rose :
Elle peut sembler plus "synthétique" si l'inspiration est plus contemporaine et repose sur des codes moins diffusés dans le grand-publique (tout en restant dans une tendance "non documentaire"). C'est le cas de certains travaux de Dolron :