Lille: deux amoureux de la bière apprennent les traditions à leurs clients
LILLE (AFP) - "Du fruité en attaque, de l'amertume en sortie", c'est ce que Roland Grincourt attend des bonnes bières, celles que lui et son épouse Marie-France vénèrent comme d'autres aiment le vin, dans leur magasin "A les chopes", à Lille.
Face à la concurrence de la Belgique et des grandes surfaces riches en bières, Marie-France et Roland Grincourt tirent leur épingle du jeu en enveloppant leurs 300 produits d'un respect scrupuleux des traditions. L'art de la bière, de la façon de la servir à l'énumération de ses grands noms, a beaucoup fait pour la réputation du petit magasin. "Nous recevons même des gens de Paris", assure Roland, moustache en tablier de sapeur et bretelles publicitaires - une marque de bière - roses.
Ils tâchent de convertir leurs clients. "Quand ils viennent au magasin, on leur demande ce qu'ils aiment, souvent des +classiques+. Puis on les aiguille doucement vers d'autres styles de bières, des goûts plus forts, plus particuliers, pour qu'ils découvrent", explique Marie-France, 41 ans, pull maillé blanc, frange brune tombante.
Elle classe les bières belges, "les meilleures", en quatre catégories. D'abord les lambics, de Bruxelles, à fermentation spontanée, c'est-à-dire assurée à ciel ouvert, grâce aux pollens en suspension. Ensuite viennent les six trappistes, fabriquées par des moines, et dont tous les bénéfices supplémentaires sont reversés à des oeuvres caritatives, et enfin les bières d'abbayes et les spéciales.
Marie-France dédaigne la classification blondes, brunes, ambrées. "Elle ne raconte pas la bière, explique-t-elle. On classe mieux les vins en Bourgogne et Bordeaux qu'en blanc et rouge". Une fois appâté, un apprenti doit savoir quel verre utiliser. "Les (bières d'abbayes se servent dans un calice, car elles doivent rouler contre la paroi pour se dégazéifier".
A l'idée de servir une bière de garde, à fermentation longue, dans un verre pour pils, à fermentation courte, Roland se désole. "Dans un verre long et étroit, vous allez avoir ça de mousse, et ça de bière", soupire-t-il, mimant l'opération, et son résultat désastreux.
Les bières blanches, peu gazéifiées, n'ont pas besoin de tourner. Pourtant il existe des verres à facettes pour ces bières. "Cela permet d'apprécier le trouble de la blanche, dû au gluten du froment", explique Marie-France. Un souci uniquement esthétique, puisque cela n'influe pas sur le goût de cette bière. "Un détail d'épicurien", sourit-elle.
Bien sûr, il faut incliner le verre pour éviter que trop de mousse ne se forme, quelle que soit la bière. Pour les températures de dégustation, Marie-France prône la tolérance: "Ce n'est pas aussi rigoureux que pour le vin. J'aime les trappistes entre 11 et 13 degrés, et les abbayes entre 8° et 10°. La blanche, bière de soif, 2° ou 3°. Attention, il faut boire sa blanche en 7 mn, sinon elle s'oxyde.
Installés depuis 3 ans à deux pas des halles du marché de Wazemmes, les Grincourt, qui tenaient déjà une échoppe sous les halles depuis 1998, se prévalent d'une fréquentation célèbre: "Mickaël Jackson, pas celui qui boit du coca, celui qui boit de la bière", sourit Roland. Cet Anglais, grand spécialiste de la bière et auteur d'ouvrages sur le sujet, est un des mentors des Grincourt qui ont appris "moitié en discutant avec les amateurs, moitié dans les livres", l'amour de la bière.