Cela fait longtemps que je me dis qu'il me faut lire sérieusement ce fil, en une fois. Je l'ai toujours lu, à la petite semaine. Je n'ai jamais su quoi y dire. Je ne suis pas précisément un business traveler, mais il m'arrive de voyager souvent. Dans de petites ou de grandes villes. Mais comme mon métier consiste à comprendre les organisations urbaines, je n'ai que rarement ressenti ces sentiments de solitude, de perdition.
Le plus souvent, quand j'arrive dans une ville inconnue, j'en ressors d'abord avec un mal au jambes, parce que j'y ai trop marché, ou un mal aux yeux, parce que j'ai trop conduit.
J'aime les villes. Les petites et les grandes. J'aime comprendre comment on y circule, qui habite où, quels sont les flux qui les traversent. Flux de véhicules, d'âmes, de pouvoir. J'aime y déambuler, m'imprégner de leur odeur, de leur énergie, de leur bruit.
Trouver un bar, lire la presse locale, boire aux lèvres des autres clients. Ecouter. Enregistrer. Mémoriser.
Le plus dur reste de manger seul. Au début de ma carrière, lorsque j'étais apprenti-fonctionnaire de la recherche, mon forfait journalier ne me permettait pas de manger deux fois par jour. Et mes journées réclamaient plutôt trois repas que deux.
Souvent, je mangeais liquide, en grignotant de retour à l'hôtel. Aujourd'hui, chercheur privé, j'ai plus de moyens pour assouvir les besoins de mon estomac. La recherche du bon restaurant devient un enjeu majeur. Autant que celle, précédant le déplacement, d'un hotel correct.
Pas trop cher, pas trop impersonnel, pas trop pourri, une literie correcte, pour que les quelques heures de sommeil soient profitables.
Beaucoup plus que la ville, c'est donc l'hôtel que je redoute.
J'ai le souvenir d'un hôtel de seconde zone, une chaine de motel pas chère, en banlieue de Dunkerque. Il faisait gris et froid, j'avais roulé dans le brouillard toute la journée. Le motel était parfaitement impersonnel, et sans qualité aucune. Sur le parking, et dans les coursives menant aux bungalows, des écritaux appelaient à la vigilance, et dégageaient la responsabilité de la direction face aux vols d'objets laissés dans les véhicules et les chambres.
La chambre était minuscule, je ne pouvais pas m'y déplacer. Je suis sorti. J'ai foncé à Dunkerque. Face à la gare, j'ai trouvé une chambre en rotonde, au premier, vue sur la place. Grande. Propre. Au même prix. Avec une cuisine familiale.
J'ai visité Dunkerque sous la pluie. C'était au début des plans vigipirate, les militaires quadrillaient la ville déserte. Je me suis cru à la Libération.
Cette nuit-là, j'ai voyagé dans le temps autant que dans l'espace...
Ma solitude épuise mon corps. Elle me remplit souvent la tête de bonheur. Elle me nourrit d'images volées. C'est la seule compagne à laquelle je sois fidèle.
Le plus souvent, quand j'arrive dans une ville inconnue, j'en ressors d'abord avec un mal au jambes, parce que j'y ai trop marché, ou un mal aux yeux, parce que j'ai trop conduit.
J'aime les villes. Les petites et les grandes. J'aime comprendre comment on y circule, qui habite où, quels sont les flux qui les traversent. Flux de véhicules, d'âmes, de pouvoir. J'aime y déambuler, m'imprégner de leur odeur, de leur énergie, de leur bruit.
Trouver un bar, lire la presse locale, boire aux lèvres des autres clients. Ecouter. Enregistrer. Mémoriser.
Le plus dur reste de manger seul. Au début de ma carrière, lorsque j'étais apprenti-fonctionnaire de la recherche, mon forfait journalier ne me permettait pas de manger deux fois par jour. Et mes journées réclamaient plutôt trois repas que deux.
Souvent, je mangeais liquide, en grignotant de retour à l'hôtel. Aujourd'hui, chercheur privé, j'ai plus de moyens pour assouvir les besoins de mon estomac. La recherche du bon restaurant devient un enjeu majeur. Autant que celle, précédant le déplacement, d'un hotel correct.
Pas trop cher, pas trop impersonnel, pas trop pourri, une literie correcte, pour que les quelques heures de sommeil soient profitables.
Beaucoup plus que la ville, c'est donc l'hôtel que je redoute.
J'ai le souvenir d'un hôtel de seconde zone, une chaine de motel pas chère, en banlieue de Dunkerque. Il faisait gris et froid, j'avais roulé dans le brouillard toute la journée. Le motel était parfaitement impersonnel, et sans qualité aucune. Sur le parking, et dans les coursives menant aux bungalows, des écritaux appelaient à la vigilance, et dégageaient la responsabilité de la direction face aux vols d'objets laissés dans les véhicules et les chambres.
La chambre était minuscule, je ne pouvais pas m'y déplacer. Je suis sorti. J'ai foncé à Dunkerque. Face à la gare, j'ai trouvé une chambre en rotonde, au premier, vue sur la place. Grande. Propre. Au même prix. Avec une cuisine familiale.
J'ai visité Dunkerque sous la pluie. C'était au début des plans vigipirate, les militaires quadrillaient la ville déserte. Je me suis cru à la Libération.
Cette nuit-là, j'ai voyagé dans le temps autant que dans l'espace...
Ma solitude épuise mon corps. Elle me remplit souvent la tête de bonheur. Elle me nourrit d'images volées. C'est la seule compagne à laquelle je sois fidèle.