Petite chronique insignifiante d'un temps malheureusement révolu !
Compte tenu de la situation actuelle qui ne pousse pas à l'euphorie, mon Frère et moi adorons nous réfugier dans les souvenirs de notre prime jeunesse baignée dans une douce quiétude émaillée de rires, d'insouciance et de joie de vivre !
Nous avons toujours vécu dans le même quartier, celui de la gare ... un endroit animé, rempli de petits commerces, de caberdouches, de restaurants bon marché, de musique à tous les coins de rue et ... de bordels aussi ! Il y faisait bon vivre car tout le monde se connaissait et profitait de ces années d'après guerre dans une ambiance propice à rattraper le temps perdu !
Dès le printemps, tout le monde sortait les chaises et les tables sur les trottoirs et la vie s'écoulait calmement dans un joyeux brouhaha souligné par les odeurs de frites, de bière, de gaufres de Bruxelles et des gueulements d'Armand le poissonnier qui haranguait les clients ! (
j'espère que vous avez saisi la subtilité : un poissonnier qui harangue les clients... :hilarious: ... pffff) !
Il y avait aussi "gros Jo", un ancien légionnaire français qui habitait la plus petite maison de la rue et qui, par manque de place chez lui, se lavait en slip dans une bassine à même le trottoir et qui racontait à qui voulait l'entendre ses exploits guerriers en les ponctuant de jurons bien trempés ... C'était notre préféré, à nous les jeunes enfants, car il était d'une gentillesse à toute épreuve et que son sac de bonbons était toujours bien rempli ! En fait, c'était une sorte de gros nounours en vrai !
Devant la gare, et sur le pas de sa porte, il y avait un jeune attardé mental qui passait son temps à se balancer doucement d'avant en arrière et qui devenait pratiquement ingérable quand un train passait - et nous jeunes enfants inconscients on attendait l'arrivée du train en faisant des paris sur le fait qu'il allait s'assommer ou non ! J'en suis encore honteux !
Et puis, il y avait la "cour du Palace" ... une ruelle en cul-de-sac avec dans le fond un vieil hôtel qui avait du connaître son heure de gloire dans les années 1900 et qui décrépissait lamentablement, n'accueillant que des représentants de passage - au fond de cette ruelle et juste devant l'hôtel, il y avait une grande cour sur laquelle trônait un ... ring de boxe fréquenté notamment par notre grand-père maternel qui, en plus d'être peintre en bâtiments était un fervent amateur de boxe anglaise.
Tous les mois, il y avait une grande fête où n'importe quel quidam pouvait boxer contre les boxeurs attitrés (dont notre grand-père) ... C'était 10 francs belges pour participer et celui qui tenait 2 rounds repartait avec 50 francs belges, soit 5 X sa mise.
L'alcool aidant, il y avait beaucoup de prétendants, mais l'alcool aidant aussi, peu arrivait debout à la fin du premier round ! :hilarious:
Et vous me direz : "mais pourquoi tu nous racontes tout ça ?" - Simplement parce que ce quartier est devenu "la zone", une friche infâme et sans âme dans laquelle ne vivent plus que quelques fantômes titubant sous le poids de l'alcool et des drogues ! :bigtears:
Plus de commerces, plus de caberdouches, plus de bordels, plus de musique et de cris ... Rien qu'un grand silence !
Alors, parfois, avec mon Frère, on traverse le quartier en silence aussi et on se demande si "Fanny en fleurs" hante encore les ruines de son bistrot qu'elle a tenu pendant plus de 70 ans !
Petite chronique du temps qui passe et qui n'arrange rien ... ni les lieux, ni les gens !