De l'anonymat et de la connerie

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julrou 15

Membre expert
Club iGen
28 Décembre 2005
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"Etre con, c'est à la mode, voyez-vous". Je viens de lire ça, sur internet, sur un blog quelconque. Pourtant, cette phrase a particulièrement attiré mon attention, et m'a donné envie de développer cette exclamation lapidaire, et pourtant assez vraie.

"Etre con, c'est à la mode, voyez-vous". Ah oui ? Et c'est une mode qui dure, apparemment. On n'était pas con, avant ? On est beaucoup plus con maintenant ? Ou on est con différemment ?
Ce qui interpelle, dans cette formulation, ce sont les mots "à la mode" : être con n'est pas question de mode, c'est bel et bien quelque chose qui dure depuis que le monde est monde, mais qui tend à se généraliser.
C'est donc plutôt cette généralisation de la connerie ambiante qui interpelle, et on pourrait chercher les causes à un tel nivellement vers le bas. Par ailleurs, il y a deux aspects de la connerie que je voudrais développer. L'un va avec l'autre, mais on peut être l'un et se passer de l'autre. Je vais expliquer.

L'internet -ou le ouaib, comme on le voit de temps en temps écrit- a intronisé un nouveau mode de fonctionnement dans les relations humaines. C'est cela, oui. On peut en avoir peur, mais il existe et est désormais omniprésent. Je l'utilise pour écrire ce message. J'aurais pu -voulu- m'en passer, mais c'est le web et son fonctionnement qui m'oblige à l'utiliser. L'anonymat. Malgré tout, l'anonymat, qui sert normalement à éviter certaines dérives, sur la vie privée des gens, par exemple, en entraine bel et bien d'autres, plus grave encore, peut-être. L'internet, qui a "banalisé l'anonymat", en est donc la principale cause. C'est cette couverture anonymique qui tend à faire croire à l'homme que sur internet, il est le plus fort et que, derrière son clavier, il est capable de tout. C'est ce qui entraine cette hausse de la connerie : faites croire à un homme qu'il est capable de tout sans aucun risque, et il devient fou -doit-on dire "con" ?. L'anonymat gratuit et sans risque traine la connerie, et la banalise. J'aurais d'ailleurs pu intituler cette discussion "L'anonymat : l'ennemi le plus puissant... d'internet". C'est ce qui rend la toile parfois nauséabonde, parfois carrèment infréquentable, tant le niveau de "débilité" -à prendre au sens de faiblesse, la connerie n'est-elle pas une faiblesse ?- est profond. C'est ce qui m'a poussé, par ailleurs, à écrire ce message. Je voulais parler des blogs. Mais on pourrait pousser l'analyse jusqu'à d'autres formes de communication, et prendre l'exemple des sites dits du "web deux points zéro". Ces sites, qui ont pris une dimension extraordinaire depuis quelque mois, sont désormais l'essence de l'internet, et, aussi, ce qui lui donne un certain intérêt. Néanmoins, c'est aussi ce qui provoque une hausse de la "connerie", selon le même mode de fonctionnement que je viens d'expliquer : la personne écrit quelque chose, sous couvert d'anonymat. Ses écrits peuvent donc être d'une grande richesse, ou d'une grande bêtise. La bêtise l'emporte sur la richesse des paroles, mais je ne voudrais pas généraliser. L'anonymat, pour conclure sur ce point, est donc le grand danger de l'internet aujourd'hui, et cela tend à s'accroitre, les difficultés que ça provoque, également. Les grands défenseurs du web 2.0 -ou "internet communautaire", cette expression me revient- insistent sur la grande diversité des personnes visitant le web chaque jour. Selon eux, un écrit erroné -et anonyme, s'entend- sera automatiquement corrigé par d'autres personnes. C'est, selon eux, ce qui fait la force du web 2.0. On peut penser à juste titre que c'est ce qui fait aussi sa faiblesse, les "cons" navigant sur le web représentant environ les 2/3 du trafic mondial -ce n'est que mon estimation personnelle, libre à vous de la corriger selon votre propre expérience et votre propre vision de la toile.
Cependant, à y regarder de plus près, on peut se demander qu'est-ce qui pousse à cet anonymat. Je l'ai dit tout à l'heure, le web a bouleversé les relations humaines, et c'est justement tout le problème. Dès le début de l'internet, on a cherché à se cacher, ou tout du moins à garder un peu de vie privée sur un espace que l'on sait "surveillé", et où il est difficile de passer inaperçu. L'anonymat semble donc être la seule solution pour garder son intimité, et rester en sécurité -témoin en sont les nombreuses recommandations que l'on trouve sur divers sites, blogs, messagerie instantanée, insistant bien sur le danger de communiquer ses coordonnées personnelles. On voit donc le côté pervers de l'internet aujourd'hui : il oblige à se cacher derrière une identité fictive. Cela amène alors inévitablement à des abus ou des débordements.

Enfin, je terminerai en reprenant une phrase que j'ai écrite en introduction : "L'un va avec l'autre, mais on peut être l'un et se passer de l'autre". Vous aurez surement compris maintenant le sens de cette phrase. Et pour être sûr d'être tout à fait explicite : On peut être con en étant anonyme. Mais on peut aussi être con, sans être anonyme. C'est également bien souvent le cas.


Le but de cette discussion n'est donc pas d'ouvrir une polémique stérile sur "est-on plus con qu'avant ?", mais amène plutôt à s'interroger sur la relation intrinsèquement perverse qu'il existe entre l'anonymat sur internet, et la connerie qui s'en rechappe lorsque l'on visite le web. Peut-être que cette relation n'existe pas, pour vous. Ou quelle est différente. J'attends votre analyse, vos explications…

:zen:


Et si les modos trouvent cette discussion trop "polémique", qu'ils n'hésitent pas à la déplacer au comptoir.
 
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Réactions: p4bl0 et da capo
Ce qui rends les gens plus cons ce sont les telephones portables… :eek: & Bien entendu ca s'etend sur le web…
Mais ce sont les mobiles la base de tout…

& Depuis que j'ai cette source d'information a portée de main, appelée le web, derriere mon clavier je suis plus intelligent, je suis plus fort, je suis plus invincible & bien entendu je suis plus con… :D
 
La connerie se voit simplement plus car on lui a donné un média, pas cher et à distribution mondiale. :)

Après l'annonymat, comme disent souvent les modos est relatif ....
 
Nous ne parlerons pas ici d’originalité mais d’un soucis de faire long… (sans-doute dense et mal découpé mais passons).

Les réponses lapidaires seront conservées pour, justement, lapider leurs auteurs.

Merci de votre attention et souvenez-vous, ici l’abstention est un choix reconnu.

Je vous embrasse pas : je pique.
 
Il y a certainement une relation entre anonymat et toute-puissance ou, du moins, sentiment de toute-puissance. C'est l'un des bases intéressantes de la discussion que tu proposes.

Par contre, je ne sais pas s'il y a vraiment une relation entre l'anonymat et la connerie. Il faudrait peut-être d'abord s'entendre sur ce qu'on appelle la connerie. Est-ce la bêtise ? Or, la bêtise a quelque chose de foncièrement individuel, car elle est au fond une réponse personnelle à l'angoisse, un abri contre tout ce qui peut mettre en question la quiétude béate de l'habituel. C'est pourquoi elle n'est ni publique, ni moyenne. Elle est toujours le fait d'un individu que la moyenne elle-même met en danger. Elle a peur des fluctuations de la moyenne. Elle est donc comme une passion des lieux clos, une quête de l'immobile. Elle a un nom propre, un espace privé et fixe auquel elle tient, auquel elle s'accroche sans cesse. Par là, la bêtise s'accomode mal de l'anonymat du Web. Ceci parce que cet anonymat est paradoxal, puisqu'il est destiné à la mise en scène publique de soi
 
Est ce que la bêtise se rapproche des comportements non intelligibles mais émotionels des foules qui amènent des individus en groupe à s'autoriser des actes qu'ils ne cautionnent pas une fois seuls ... ou est ce autre chose ?
 
Il y a certainement une relation entre anonymat et toute-puissance ou, du moins, sentiment de toute-puissance. C'est l'un des bases intéressantes de la discussion que tu proposes.

Par contre, je ne sais pas s'il y a vraiment une relation entre l'anonymat et la connerie. Il faudrait peut-être d'abord s'entendre sur ce qu'on appelle la connerie. Est-ce la bêtise ? Or, la bêtise a quelque chose de foncièrement individuel, car elle est au fond une réponse personnelle à l'angoisse, un abri contre tout ce qui peut mettre en question la quiétude béate de l'habituel. C'est pourquoi elle n'est ni publique, ni moyenne. Elle est toujours le fait d'un individu que la moyenne elle-même met en danger. Elle a peur des fluctuations de la moyenne. Elle est donc comme une passion des lieux clos, une quête de l'immobile. Elle a un nom propre, un espace privé et fixe auquel elle tient, auquel elle s'accroche sans cesse. Par là, la bêtise s'accomode mal de l'anonymat du Web. Ceci parce que cet anonymat est paradoxal, puisqu'il est destiné à la mise en scène publique de soi

La connerie semble être la bêtise, du moins ce qui montre le néant ou presque dans l'esprit d'un homme, à un moment donné.
Quand tu dis "la bêtise s'accomode mal de l'anonymat du Web", j'ai un peu de mal à rejoindre tes propos, comme je l'ai expliqué dans le premier post de ce fil : l'anonymat permet à la bêtise (la connerie, si l'on veut) de se développer, ou de s'aggraver, puisque l'homme est caché derrière une identité fictive. Il peut dire ou écrire n'importe quoi, il ne sera pas dérangé de savoir ce que l'on dira de lui. Là, on peut aussi rejoindre le thème de la perception d'autrui sur nous-mêmes : l'anonymat permet en même temps de ne pas se poser de questions sur les éventuelles réactions que peuvent engendrer nos propos. Dire des conneries sous couvert d'anonymat peut paraître moins grave que dire des conneries sous son propre nom, puisque le moi est protégé de tout regard extérieur. C'est aussi cette protection et cet écart par rapport aux autres qui engendre un sentiment de toute-puissance, et accentue dans certains cas la bêtise.

odré;4326496 a dit:
Est ce que la bêtise se rapproche des comportements non intelligibles mais émotionels des foules qui amènent des individus en groupe à s'autoriser des actes qu'ils ne cautionnent pas une fois seuls ... ou est ce autre chose ?


Ca peut s'en rapprocher, en effet. Et là, c'est bien évidemment sur le net, mais également dans le monde réel. Le moi ne s'interdit plus rien, puisqu'il appartient à un groupe : certes, il n'est pas sous couvert d'anonymat, mais il n'est plus sa propre identité, il est un membre quelconque d'un groupe. Et s'autorise donc quelque chose, que seul, lorsqu'il a retrouvé sa personnalité, son identité, son esprit, il condamne.


(désolé nephou...)
 
Si j'ai tout bien compris, on peut résumer, en gros, le pavé relativement indigeste qui ouvre ce fil par :

"Les gens sont anonymes sur internet.
Donc ils se permettent d'être plus cons que la moyenne car ils se croient tout permis.
Qu'en pensez-vous?"


Hé bien pour ma part, je pense que cet anonymat ne change rien.
Sur internet, certains personnages oeuvrent à visage découvert.
C'est pas pour ça qu'ils sont moins cons que les autres.
La preuve en images.


Je sais c'est triste, mais c'est ainsi : au royaume d'internet, la bêtise n'est pas liée à l'anonymat.
En tout cas j'ai pas l'impression.
 
Ah ça on croise un paquet de cons sur le web, :D et il est certain que pour beaucoup d'entre eux, leur personnalité et trait de caractère ne sont pas que virtuels. :D

ano.png


C'est amusant cette discussion, un peu fatiguant un dimanche. Mais amusant. :D
 
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On pourrait penser que l'anonymat permet aux gens de se lâcher un peu plus et donc de faire, dire plus de "conneries". C'est pourtant un peu simpliste de voir les choses comme ça; même sur internet, notre surmoi est là. On est juste plus exposés, plus visibles donc plus jugés sur la toile.
 
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Quand tu dis "la bêtise s'accomode mal de l'anonymat du Web", j'ai un peu de mal à rejoindre tes propos, comme je l'ai expliqué dans le premier post de ce fil : l'anonymat permet à la bêtise (la connerie, si l'on veut) de se développer, ou de s'aggraver, puisque l'homme est caché derrière une identité fictive. Il peut dire ou écrire n'importe quoi, il ne sera pas dérangé de savoir ce que l'on dira de lui. Là, on peut aussi rejoindre le thème de la perception d'autrui sur nous-mêmes : l'anonymat permet en même temps de ne pas se poser de questions sur les éventuelles réactions que peuvent engendrer nos propos. Dire des conneries sous couvert d'anonymat peut paraître moins grave que dire des conneries sous son propre nom, puisque le moi est protégé de tout regard extérieur. C'est aussi cette protection et cet écart par rapport aux autres qui engendre un sentiment de toute-puissance, et accentue dans certains cas la bêtise.

Tu n'as pas bien compris ce que j'ai voulu dire. Ce que j'ai cherché à montrer, c'est qu'il n'y a pas de relation de cause à effet entre anonymat et bêtise, car la bêtise est idiosyncrasique. Mais ceci ne veut pas dire qu'il n'y ait pas une circulation de la bêtise. L'imbécile a besoin d'imiter, pour renforcer toujours plus son identité d'imbécile, puisque celle-ci est sous la menace constante de l'angoisse. C'est pourquoi il y a une mimesis imbécile qui fait que la bêtise est un spectacle, que malgré lui, l'imbécile aime partager sa bêtise. Par là, bien que s'accomodant mal de la pubicité, la bêtise envahit l'espace public et, réciproquement, l'espace public est devenu le champ de divagation de la sotte banalité privée quotidienne. Par là, je peux te rejoindre sur l'idée que l'espace médiatique contemporain sert de véhicule à la bêtise et que l'anonymat est son enveloppe protectrice. Mais, pour moi, l'un et l'autre ne sont en aucun cas au principe de la bêtise




Ca peut s'en rapprocher, en effet. Et là, c'est bien évidemment sur le net, mais également dans le monde réel. Le moi ne s'interdit plus rien, puisqu'il appartient à un groupe : certes, il n'est pas sous couvert d'anonymat, mais il n'est plus sa propre identité, il est un membre quelconque d'un groupe. Et s'autorise donc quelque chose, que seul, lorsqu'il a retrouvé sa personnalité, son identité, son esprit, il condamne.


(désolé nephou...)

Là, je ne suis pas non plus. Ce que tu dis semble faire de la bêtise un phénomène conjecturel. On est bête un moment, puis on retrouve ses esprits. La bêtise est au contraire foncière, entêtée, durable, pour les raisons avancées plus haut
 
Là, je ne suis pas non plus. Ce que tu dis semble faire de la bêtise un phénomène conjecturel. On est bête un moment, puis on retrouve ses esprits. La bêtise est au contraire foncière, entêtée, durable, pour les raisons avancées plus haut

Veux-tu dire qu'il y a des personnes 100% imbéciles et d'autres non?
 
Il a bon dos le web.

Je ne pense pas que le web y soit pour grand chose sur l'augmentation du degrés de connerie.
La connerie, la bêtise, viennent souvent d'un manque de culture et d'instruction.
J'ai souvent l'impression que nous somme (l'humanité) de retour dans une période d'obscurantisme du savoir.
Par exemple, au EU en ce moment, il y a un gros débat pour savoir si on doit réenseigner le créationisme à l'école à la place du Darwinisme... Certaines écoles privées le font déjà.
La recherche est considérée par une grande partie des gens comme une perte de temps et d'argent.
Je ne vais pas m'étaler plus sur le sujet, puisque j'en sort, c'est juste pour dire que ce n'est pas le web ou l'anonymat, c'est plus un effet de société.
C'est dommage parce que le web pourrait être (est) un puis d'accès au savoir... Peut être que c'est trop facile justement, les gens ne se donnent plus la peine.
 
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