Descendre avec le TGV, un truc bizarre au bide.
Rejoint mon père à la gare, "centre du monde" zoneux et tristounet.
Chercher une place juste devant l'immeuble, là ou il garait sa Fiesta pleine de bugnes.
Rouvert la porte.
Monter les cartons aplatis, le scotch, les rouleaux de papier à bulles, des sacs poubelles.
Retrouver le décor tel qu'ils l'avaient laissé, exactement, l'un après l'autre, avant de quitter leur tête, longtemps avant de changer de monde. L'ambiance où l'on dirait qu'ils sont là à nous regarder encore, qu'ils vont revenir d'Auchan, sortir de la salle de bain.
Jeter les plantes vertes desséchées, les bocaux de confiture momifiée, de chapelure aux charançons, les petits bouts de chiffon, les casseroles tordues par trop de feu, trop d'années.
Fouiller dans les petits papiers, retrouver le certificat d'études primaires agricoles, les tableaux pour noter la consommation d'essence, c'est qui la dame sur la photo ? et la petite fille sur celle-là ? on sait plus...
Fouiller comme des voleurs on dirait, fouiller comme des archéologues, fouiller comme des brocanteurs, des experts, des huissiers, des cambrioleurs de souvenirs. Fouiller comme un fils et un petit-fils, dans l'odeur ancienne, typique, mélange de naphtaline et d'eau de Cologne.
Méthodiquement. Vite, car le temps, bizarrement, compte quand même.
Tiens c'est dans cette soucoupe qu'elle préparait la salade de fruits - des pêches et beaucoup de sucre. Les grosses boîtes en fer où elle mettait ses croquets aux amandes, la seule recette dont elle se souvenait les dernières années, quand la voisine avait fait remplacer la cuisinière à gaz par une électrique...
Quelques réflexion aussi, déplacées sans doute, ils avaient à la fin de leur vie accumulé moins de "choses" matérielles que la moitié de ce que j'ai du posséder à 34 ans... Etrange siècle qu'ils ont traversé, étrange modernité aussi...
Sortie brusque de la poussière, l'heure tourne, les cartons se ferment, les meubles s'empilent, les murs portent les traces pâles des cadres décrochés. Les robes, les gilets, attendent dans des sacs d'être donnés pour on ne sait qui, il ne faut pas trop penser, ne pas regarder trop longtemps, non vraiment pas trop longtemps.
Hier TGV, Paris, le métro à minuit et demi, bien sûr je retournerai à Perpignan, bien sûr... Enfin peut-être, tout me paraît si loin de tout, tout me paraît si vain, toute vie est si petite et si insignifiante... Banale conclusion. Enfin si quand même, on ira pour aller leur apporter des fleurs, des fleurs oui pour me convaincre encore que ce qu'ils m'ont laissé, à part un carton de bibelots sur lequel tombe une larme furtive, ce qu'ils m'ont laissé je le porte en moi, dans mes valeurs, dans mon caractère de cochon et dans une manière d'aimer ceux que j'aime.
Le déménageur viendra dans la semaine embarquer tout ce résumé, deux vies zippées dans un camion puis un garde-meuble, un trait de plume chez un notaire clora en quelques secondes l'histoire d'un lieu investi par trente années de retraite tranquille après cinquante d'une vie pas si facile.
Pas facile de se concentrer sur le boulot aujourd'hui - ça doit être le bruit des travaux, en bas dans la rue.
Rejoint mon père à la gare, "centre du monde" zoneux et tristounet.
Chercher une place juste devant l'immeuble, là ou il garait sa Fiesta pleine de bugnes.
Rouvert la porte.
Monter les cartons aplatis, le scotch, les rouleaux de papier à bulles, des sacs poubelles.
Retrouver le décor tel qu'ils l'avaient laissé, exactement, l'un après l'autre, avant de quitter leur tête, longtemps avant de changer de monde. L'ambiance où l'on dirait qu'ils sont là à nous regarder encore, qu'ils vont revenir d'Auchan, sortir de la salle de bain.
Jeter les plantes vertes desséchées, les bocaux de confiture momifiée, de chapelure aux charançons, les petits bouts de chiffon, les casseroles tordues par trop de feu, trop d'années.
Fouiller dans les petits papiers, retrouver le certificat d'études primaires agricoles, les tableaux pour noter la consommation d'essence, c'est qui la dame sur la photo ? et la petite fille sur celle-là ? on sait plus...
Fouiller comme des voleurs on dirait, fouiller comme des archéologues, fouiller comme des brocanteurs, des experts, des huissiers, des cambrioleurs de souvenirs. Fouiller comme un fils et un petit-fils, dans l'odeur ancienne, typique, mélange de naphtaline et d'eau de Cologne.
Méthodiquement. Vite, car le temps, bizarrement, compte quand même.
Tiens c'est dans cette soucoupe qu'elle préparait la salade de fruits - des pêches et beaucoup de sucre. Les grosses boîtes en fer où elle mettait ses croquets aux amandes, la seule recette dont elle se souvenait les dernières années, quand la voisine avait fait remplacer la cuisinière à gaz par une électrique...
Quelques réflexion aussi, déplacées sans doute, ils avaient à la fin de leur vie accumulé moins de "choses" matérielles que la moitié de ce que j'ai du posséder à 34 ans... Etrange siècle qu'ils ont traversé, étrange modernité aussi...
Sortie brusque de la poussière, l'heure tourne, les cartons se ferment, les meubles s'empilent, les murs portent les traces pâles des cadres décrochés. Les robes, les gilets, attendent dans des sacs d'être donnés pour on ne sait qui, il ne faut pas trop penser, ne pas regarder trop longtemps, non vraiment pas trop longtemps.
Hier TGV, Paris, le métro à minuit et demi, bien sûr je retournerai à Perpignan, bien sûr... Enfin peut-être, tout me paraît si loin de tout, tout me paraît si vain, toute vie est si petite et si insignifiante... Banale conclusion. Enfin si quand même, on ira pour aller leur apporter des fleurs, des fleurs oui pour me convaincre encore que ce qu'ils m'ont laissé, à part un carton de bibelots sur lequel tombe une larme furtive, ce qu'ils m'ont laissé je le porte en moi, dans mes valeurs, dans mon caractère de cochon et dans une manière d'aimer ceux que j'aime.
Le déménageur viendra dans la semaine embarquer tout ce résumé, deux vies zippées dans un camion puis un garde-meuble, un trait de plume chez un notaire clora en quelques secondes l'histoire d'un lieu investi par trente années de retraite tranquille après cinquante d'une vie pas si facile.
Pas facile de se concentrer sur le boulot aujourd'hui - ça doit être le bruit des travaux, en bas dans la rue.