Jean-Baptiste Lully, le compositeur français par essence et inventeur de l'opéra français, est né Giovanni Battista Lulli le 29 novembre 1632 à Florence en Italie. Il était fils d'un meunier, Lorenzo di Maldo Lulli, et de son épouse, Caterina del Sera, elle-même fille de meunier. ( Son acte de baptême a été retrouvé par Henry Prunières, le grand biographe de Lully. Il arrive en France en mars 1646 avec Roger de Lorraine, Chevalier de Guise, comme garçon de chambre pour la nièce de de Guise, Mlle. de Montpensier, cousine de Louis XIV, dite la Grande Mademoiselle.
Notons que c'est la soeur de Roger de Lorraine, Mlle de Guise, qui prendra vers 1675, Marc-Antoine Charpentier à son service (pour mieux comprendre les liens de la Famille de Guise avec l'art ultramontain, se référer au site de P. Ranum)
Lulli donc 14 ans quand il arrive en France : à l'époque baroque, c'est déjà l'âge de la maturité. Philippe Beaussant émet l'hypothèse que Lulli fut choisi sur recommandation par Roger de Lorraine, parce qu'il possédait déjà bien son métier d'artiste : ceci paraît sensé. Il reste près de 7 ans au service de Mlle de Montpensier au palais des Tuileries : on dit qu'il devient virtuose à la guitare et au violon (mais cela supposerait qu'il ne l'était pas déjà et un virtuose se fabrique beaucoup plus tôt). On sait peu de choses de ces années. La tradition attribue (sans preuve) trois maîtres à Lulli : trois organistes.Il est probable qu'il fit connaissance de Michel Lambert, le grand technicien du chant français, son futur beau-père, pensionné chez Mademoiselle, ayant été recruté par Etienne Mouliné, maître de chapelle de Gaston d'Orléans. Lulli dut par ailleurs perfectionner sa technique de danseur : on ne dira jamais assez que Lulli - comme Louis XIV - est un danseur virtuose.
Début 1753, Lulli quitte Mademoiselle. Elle avait été un dirigeant de la Fronde : l'épisode ou Mademoiselle donne du canon contre les armées de son cousin le roi reste gravé dans les mémoires. Elle s'exile en Bourgogne en son château de Saint-Fargeau. Alors qu'à Paris triomphe Mazarin, et Mazarin est italien... C'est Mazarin qui protège depuis son accession au pouvoir les artistes italiens, qui a fait jouer la Finta Pazza de Stozzi, et l'Orfeo de Luigi Rossi...
Le 23 février 1653, Lulli danse plusieurs entrées du Ballet de la nuit dIsaac Benserade, à la cour du jeune roi... Le Ballet de la Nuit est un des plus incroyable dansé au XVII° siècle : il comporte quarante-cinq entrées. Les costumes dont on a gardé les planches font partie de notre mémoire collective : on y voit Louis XIV en robe avec des petites ailes dans le dos.... Quelques semaines plus tard, Lulli remplace un Italien, Lazarini, comme compositeur de musique instrumentale du Roi...
Lulli commence son service auprès de Louis XIV comme compositeur de Ballets de cours, qu'il danse lui-même en compagnie du Roi et des membres de la cour : il appartient donc au courant de professionnalisation des ballets, qui étaient alors un acte de représentation du Roi et de la caste dirigeante. Ses responsabilités augmentent jusqu'à prendre entièrement la responsabilité de l'organisation des ballets. Il dirige les Petits violons qu'il transforme et émule.
En 1661, Lulli reçoit ses lettres de naturalisation; il refait son histoire : orthographe Lully, père gentilhomme florentin. Il devient compositeur de la chambre du Roi... L'année suivante, il épousa Madeleine Lambert, fille de Michel Lambert : le contrat de mariage fut signé par Louis XIV, la Reine et Anne d'Autriche. Entre1664 et 1670, Lully collabora avec Molière à la série des comédies ballets (Le Mariage forcé, 1664 ; L'Amour médecin, 1665 ; Georges Dandin, 1668; Monsieur de Pourceaugnac, 1669 ; Le Bourgeois gentilhomme, 1670), sans cependant abandonner les ballets de cour (Les Amours déguisés, 1664 ; La Naissance de Vénus, 1665 ; Les Muses, 1666 ... )
Pour certains, ceci marque l'avancée de Lully vers la tragédie lyrique, comme si un homme définissait son présent en fonction d'un avenir qu'il ne connaît pas. Il est important de considérer les comédies ballets de Lully pour ce qu'elles sont : de véritables joyaux, d'extraordinaires chefs-d'oeuvre d'humour.... Lully est passé du Ballet de cour à la comédie ballet parce que le goût évolue et change; et Lully suit le goût de la Cour et du Roi. C'est un entrepreneur de spectacle.
On se rappelle que Mazarin avait fait jouer à Paris six opéras italien - et en italien - entre 1645 et 1662... Problème de langue, mais surtout décalage complet entre la culture française et le " baroque à machine " des Italiens, le succès mitigé de ceux-ci ne pouvait attirer Lully. Mais quand, deux mois après que Psyché (livret tortueux de Quinault, Molière, Corneille) ait été créé comme un lointain écho d'Ercole Amante de Cavalli, dans la salle des machines des Tuileries, le premier opéra de langue française donné par l'Académie d'Opéra sur le privilège du poète Pierre Perrin se révéla un succès, l'entrepreneur de spectacle Lully n'eut de cesse de se faire vendre ce privilège... Il s'agissait de Pomone du compositeur Cambert et de Perrin, qui triomphait au jeu de paume de la rue Vaugirard. Le pauvre Perrin s'était associé à de fiers coquins, et fut jeté pour dette en prison : Lully sut exploiter la situation. Le 13 mars 1672, Louis XIV signait le Privilège du Sieur Lully pour tenir Académie royale de Musique.
Désormais, les objectifs de Molière qui possède son théâtre et sa troupe, et ceux de Lully, qui ne possède rien, divergent. Ce sera une lutte " sauvage " entre les deux entrepreneurs de spectacle. Lully n'aura de cesse d'empêcher Molière de donner des spectacles en musique (se reporter aux mésaventures du Malade Imaginaire de Charpentier)
La première Tragédie lyrique, Cadmus et Hermione, sur un livret de Quinault, fut représentée le 27 avril 1673. Entre 1673 et 1686, Lully composa 13 tragédies lyriques. Après le succès de Bellérophon en 1679, Lully passa un contrat avec l'imprimeur Ballard pour publier ses opéras. Il gardait un contrôle étroit sur ses " droits de publications ", allant même à imposer à Ballard de tamponner lui-même pour "authentification" les opéras imprimés pour éviter la contrefaçon... On sait qu'à cette époque, la musique appartenait à l'employeur du musicien : ainsi on suppose que les oeuvres de Charpentier pour la Sainte-Chapelle ont été détruites car elles appartenaient au Roi, et à personne d'autre... Lully maintenant s'appartient, à lui -même...
En 1681, Lully a le titre de " secrétaire du Roi ". Il signe "Monsieur de Lully, escuyer, conseiller, Secrétaire du Roy, Maison, Couronne de France & de ses Finances, & SurIntendant de la Musique de sa Majesté."
Toutefois le mariage morganatique de Louis XIV et de Mme de Maintenon a changé l'attitude de la cour envers les plaisirs. Les affres sexuelles de Lully, en particulier l'affaire Brunet (un page dont Lully est amoureux au point de la faire coucher avec lui dans le lit conjugal...), joint à l'irritation de Louis XIV devant les affaires du parti italien (on dit en France que l'homosexualité est un goût ultramontain, ce qui permet au moins d'exonérer Monsieur, frère du roi ...) l'éloignent de son royal protecteur.
Le 8 janvier 1687, Lully dirige en l'église des Feuillants son Te Deum avec un effectif énorme (on parle de près de 500 musiciens et choristes) pour la réussite de l'opération de la fistule de Louis XIV. Dans un excès d'enthousiasme, il se blesse le pied avec la canne qui lui sert à battre la mesure : une gangrène se développe et il meurt le 22 mars 1687.
Mais ça, c'est encore une des grandes légende de Lully : il n'a jamais dirigé avec une canne...
Il fait 2° pourtant cest samedi, une consolation : le soleil brille.