Bien, je vois qu'on s'amuse ici : sujet intéressant, intervenants en verve, un débat, quoi...
Le problème ne vient pas tant de la Fondation Gates en elle-même, de son pouvoir, ses miyons et des hypothétiques pressions politiques qu'elle pourrait faire peser sur un quelconque état... Les états (la plupart en tout cas) peuvent se débrouiller tout seul : penser le contraire, c'est déjà se croire - à mon humble avis - dans un roman de William Gibson. Je sais qu'on y arrive à grands pas, mais je crois qu'il reste de la marge.
Cette Fondation bénéficie - semble-t'il - d'un remarquable trésor de guerre, mais je pense qu'il faut la différencier de son fondateur. On ne gère pas xxx milliards de Dollars en solo, il y a une architecture, des infrastructures, une hiérarchie et des gens qui bossent derrière et qui sont payés pour ça. Enfin, j'espère pour eux...
Si jamais il était prouvé, par quelque investigateur indépendant, que cette fondation cherchait à imposer, derrière ses bonnes oeuvres, des solutions Windows en coulisse aux administrations des pays qu'elle aide, croyez-moi que le scandale serait énorme (comptez bien sur les tenants de l'Open Source pour faire un barouf de tous les diables) et Gates lui-même très largement appelé à témoigner...
Il s'agirait manifestement d'une action de lobbying, d'un moyen de pression "amical", qui, si elle ne remettait pas en cause les objectifs de l'association, entâcherait durablement son image - du moins dans nos bonnes contrées occidentales : un africain, un Afghan ou un Malais, il se fiche un peu de connaître la nationalité de son écuelle...
Je crois qu'il est dans l'intérêt de Gates et de la Fondation elle-même de ne pas (trop) mélanger les torchons et les serviettes et de pratiquer un minimum de transparence.
Concernant les dégrèvements fiscaux suite à création de fondation ou d'association caritative, je crois que tous les pays occidentaux pratiquent une politique fiscale similaire à ce sujet, il n'y a pas de quoi s'en offusquer outre mesure : la pratique arrose tout le monde, du show-business au politique et passant par la finance... En un autre temps, un certain Michael Jackson se faisait un gros paquet de thunes avec sa fondation : réduction d'impôts et bonne pub. Heal the World, remember ?
Résultat : un bon gros audit dans les dents au bout de quelques années et bang! une fondation qui servait plus de paravent publicitaire qu'autre chose. Tout se sait. Ou finit par se savoir. Et c'est encore pire quand le doute s'instaure. L'image, c'est la clé.
Ce qui pose le plus gros problème là-dedans n'est donc pas la fondation. Personnellement, je savais que Gates en avait créé une, mais j'ignorais les "états de services" de cette dernière... Etats de service que, soit dit en passant, on peut toujours gonfler : "100 000 vies sauvées" certes, l'Abbé Pierre et Raoul Follereau n'utilisent pas de chiffres, eux : "Moi j'en ai sauvé 100 000, et toi ?", trop fort !!
Non, le noeud du problème, il est dans la personnalité et le passé du fondateur : Bill Gates, que la moitié de la galaxie déteste et que l'autre moitié feint d'ignorer ("Bill comment, vous avez dit..."). Difficile de rester rationnel avec un bonhomme aussi "bigger than life" (oui, bon) que lui.
Ce "personnage", devenu médiatique et mythique un peu malgré lui (par rapport aux Ellison, Dell ou au flamboyant Jobs, qui se nourrissent du média), ne vit plus dans le même monde que nous - demandez-lui le prix d'une Bud, pour voir - et cette distance agace prodigieusement. Le fait qu'il soit nord-américain n'arrange guère les choses, et l'histoire de son entreprise (manipulation, vols, procès, mensonges - et peut-être un peu de sexe, qui sait ? - en font une saison de "The $treet" à elle seule) ne joue guère en sa faveur, mais ma foi, il ne s'agit pas de la "Microsoft Foundation", et Gates a revendu, à ce qu'il me semble, un certain nombre de part de M$ pour financer son projet, non ?
Donc, Mr Gates, arrogant super-puissant de ce monde a décidé de subvenir aux besoins des catégories moins z'aisées que celles qu'ils fréquente ? Il acquiert de fait le titre de premier mécène mondial ? La belle affaire : qu'il devienne Lord, qu'on le canonise ou qu'on lui agrafe la Légion d'Honneur (déjà fait ?) importe peu si son Association fait du bon travail...
Il relève à mon avis du bon sens de chacun de distinguer l'homme de sa création (la Fondation lui survivra), de faire la part des choses sans pour autant tomber dans le caricatural, ou le naïf "il a sauvé 100 000 personnes" - argument que l'on peut trouver très vite démago et puant.
Just my 2 cents.