Chère Mamy,
Je profites de cet espace hors du temps, hormis un instant, lut par quelques mystiques égarés pour venir te parler. Les affres de l'au delà sont impénétrables mais il m'arrive de penser qu'une distorsion de l'espace temps, permet au pigeon voyageur de t'amener un message. S'il y arrive, il te trouvera reposé, sereine profitant de ta vie d'ange pour l'éternité. Et peut être auras tu le temps de m'écouter.
Tu m'as transmis le peu que l'on t'avais appris, je garde une bouteille de lavande au bouchon usé et coincé où il est inscrit : "estrais de lavande pour les vers 1 ou 2 goutes sur un sucre / pour les ruhmes un peu sur le coton et metre sous l'oreille / pour les plaies frotter avec un peu de coton."
Ta vie résumé ainsi.
Il me reste tant de questions à te poser, Mamy ...
A quoi pensais tu quand tu es arrivée avec ta soeur dans la vallée ? T'as un beau jour quitté ta Saône et Loire et ta dizaine de soeurs et frères cadets. Tu as fuis une vie qui t'as retrouvé plus tard et t'as enmené loin dans le passé.
J'ai essayé de te rattrapper, tu t'es retourné parfois le regard lucide et embué puis tu t'en es allé, t'excusant de ne pouvoir communiquer.
Je me souviens pourtant de ce temps béni où tu me laissait te suivre. En dodoche (tu as passé ton permis à 50 ans !), à pieds, dans le jardin, sous les cerisiers, dans la vigne ... Il me reste aujourd'hui quelques photos qui me rassurent et me confortent dans les moments compliqués, où l'hérédité de ta folie destructrice m'attire et m'enlise. Je m'accroche Mamy de toutes mes forces à garder vivant ce passé çi, à oublier ce passé là.... Que tu ne souhaitais pas voir, ni même vivre, je l'ai bien compris, trop compris.
Tu avais tant de choses à dire, à vomir. Tu te faisais de la bille et ne savais comment t'en débarrasser. Tu as bien essayé de le cacher pendant toutes ces années, envoyant par ci par là des signaux non captés. Et puis une catastrophe est arrivée, tu as succombée. De toute façon, ils ont tous abdiqués, le coeur en mille morceaux et la vie à continuer.
Je suis donc contente de ne pas t'avoir raté, d'avoir été à tes côtés. Je ne regrette rien. Le temps effacera les péripéties et les larmes versées. Mes souvenirs se trient petit à petit, se rangent et s'empilent comblant un vide mystique et angoissant, surprenant !
Je te dédie mon grain de folie que j'entretiens au désespoir et à l'envie, je t'aime Mamy.
Je t'aime surtout pour ce silence preuve de ta pudeur et de ton innocence.
Je t'embrasse.
Ta petite Audrey.
PS : Il est avec toi j'en suis sûre, Mamy. Pourrais tu lui dire que je vais bien et que je voudrais faire sa connaissance un jour ... mais pas ici, pas tout de suite ...
j'ai le temps, toute ma vie...