Elle a pris un coup sérieux depuis quelques temps, il faut bien l'avouer. Lors de notre dernière rencontre, je ne l'ai pas reconnue : bas filés, bigoudis dont certains pendaient en dehors du filet sensé tenir en place des cheveux filasses et d'une couleur douteuse, maquillage dégoulinant... De plus, toute conversation était impossible : j'étais quasi obnubilé par la vision de sa main plongée dans l'entre cuisses, semant par un grattement nerveux la panique dans un élevage portatif d'insectes rendus aveugles par une absence prolongée de lumière.
Les enfants du quartier n'ont, parait-il, même plus le gout de lui jeter des cailloux : la robe de chambre matelassée en pilou, sorte d'armure à fleurs improbable, les fait rebondir avec un bruit mat, sans provoquer la moindre réaction chez notre pauvre victime qui continue alors sa route vers l'épicerie, trainant d'une main un chariot rempli de bouteilles vides à petits pas, les pieds chaussés de charentaises fatiguées ... Quant au facteur, il a peur, il redoute le jour ou il devra sonner afin de porter un recommandé ou un colis... "Madame à ses humeurs" dit on au bar-pmu où elle a ses habitudes...