Avant toute chose, je tiens a resituer ce post dans son contexte. Il y a quelques jours j'ai commis ici un message dont la simplicité fut prise par certains comme de la simplissimité (mot qui n'existe probablement pas, donc pour le coup Marcel P. = 0 / Amok =1). J'avais pourtant l'impression, en ce qui me concerne, que ces quelques lignes se suffisaient et que point n'était besoin d'en rajouter pour aller à l'essentiel. Certains esprits retors y virent une perfidie, une manigance dont l'Amok est coutumier et voibassèrent (Marcel P. = 0 / Amok =2) qu'il fallait en fait décrypter derrière l'apparente gentillesse de ce mot doux une violente diatribe contre son sujet principal.
Nous voici donc (enfin, surtout vous puisque jusqu'à preuve du contraire je sais encore ce que j'écris) en possession de l'ensemble des éléments. Je vous aime globalement bien -hormis deux ou trois cafards qui vivent ici- mais j'avoue que parfois je me demande pourquoi vos parents se sont saignés aux quatre veines pour vous permettre d'aller vous curer le nez sur des bancs graffités, dans d'obscures maisons de tolérances portant l'infamie de l'éducation nationale. Vous faites maintenant le rapprochement ? Bon, je vais développer. Si c'est trop d'un seul coup, n'ayez crainte : j'ai prévu des pauses et vous pouvez prendre des notes.
La Suisse est un pays étrange.
Déjà, parce qu'il est peuplé par des Suisses, ce qui ne lasse pas de me réjouir. La vision de tous ces individus parlant (pour les plus fréquentables) une langue relativement proche de la mienne (avec quelques différences : toute demoiselle ayant un jour croisé mes nuits vous dira qu'il y a dans des détails parfois beaucoup d'importance) mais avec un accent ridicule qui n'a même pas l'audace d'être Belge me fait profondément douter de toute théorie Darwinienne.
Ensuite, parce que j'ai toujours trouvé assez extraordinaire de porter au poignet gauche de petites maisons de bois dont un oiseau s'échappe avec une régularité de métronome pour rappeler le temps qui passe. Vous n'êtes jamais allé en Suisse ? Rien que ca vaut le déplacement : il y a les pauvres (relativisons : un pauvre Hélvète, c'est comme un Français aisé mais en moins Français), portant de toutes petites masures habités par des serins de plastique, et les riches qui arborent des villes entières -de la main à l'épaule, avec rues, commerces, buildings, l'ensemble faisant un raffut de tous les diables toutes les soixante minutes lorsque des vols entiers de Cuculus canorus se mettent à chanter l'hymne national.
C'est bien simple : à midi, dans les quartiers boursiers tout s'arrête. Impossible de se parler dans ce maelström de cris d'oiseaux qui réveille les chiens de race dormant à l'arrière des Ferraris et font rire aux éclats les quelques touristes préférant perdre leurs congés payés à Genève plutôt que dans des iles où la mer est bleue, le ciel aussi, et les filles cuivrées. Car les Suisses trouvent que les montres sont vulgaires puisque tout le monde en porte. Ils les fabriquent, nuance, mais c'est uniquement pour gonfler les chiffres du commerce extérieur. Certains exportent du camembert, eux inondent la planète de vraies Rollex parce qu'ils n'ont jamais trouvé la formule pour fabriquer un fromage digne de ce nom. La moisissure est un art, l'horlogerie une industrie.
Le Suisse est donc industriel. Il aime l'ordre et la propreté comme la femme aime la carte bleue d'un homme. Maladivement.
Par exemple, il a des poubelles pour tout recycler : le bois, le papier monnaie, le carton, le plastique, le latex usagé, l'eau sale, l'eau propre, la poussière de son aspirateur, l'osier, les objets que des non-Suisses ont touchés, et les scoubidoubidous. C'est pour ca que les appartements Suisses sont plus grands que la moyenne : rien que la surface au sol occupée par les containers des particuliers suffirait à loger la moitié de la population de Mexico. On comprend donc rapidement pourquoi ces loustics sont devenus les maîtres de la précision : essayez de faire tenir 50% de la population de la capitale du Mexique dans un placard, et on reparlera de vos compétences.
C'est aussi pour cette raison que la natalité Suisse est une des plus faibles d'europe : le temps de trouver la bonne poubelle, Monsieur dort et Madame a mal a la tête.
Par définition, on l'aura compris, un Suisse est toujours à l'heure. Un Suisse rebelle est en avance, histoire de marquer sa désapprobation. Il y a d'ailleurs, dans ce pays, des policiers formés spécialement pour serrer les quelques inconscients surpris en train d'attendre le bus. Puisqu'il est indiqué qu'il passe a 13 heures 45 minutes et 0 secondes, le fait d'attendre est soupçonneux et le perturbateur doit en répondre devant les autorités fédérales. Idem pour les toilettes publiques. Après avoir introduit votre pièce, vous avez exactement 3 minutes 15 pour épancher : un institut a en effet évalué après des études poussées (au propre comme au figuré) que passé ce délai vous tiriez au flanc. A l'échéance un bruit de trompettes précède l'ouverture des portes et on ne compte plus le nombre de frenchies, le futal en position dite "du SonnyBoy" qui gesticulent en hurlant leurs droits fondamentaux (si je puis dire) sur le trottoir. Si globalement les Français se méfient des Suisses, c'est (aussi) à cause de ca : on ne plaisante pas avec le cul d'un descendant de ceux qui vous ont flanqués une raclée mémorable en 1515, sinon on se demande à quoi ca sert de faire la guerre et de la gagner.