Jusqu'au 14 septembre 2008 à la MEP.
Susan Sontag, Quai des Grands-Augustins, Paris, 2003
© Annie Leibovitz/ Contact Press Images
La première chose que je note, c'est le bord du film que laisse apparaître chaque tirage. Je me dis que l'exposition d'Henri Cartier-Bresson au MOMA a décidément fortement imprimé sa marque (j'en parlais en cuisine). Mais je ne peux pas m'empêcher de penser au fait que cela met aussi en évidence un travail "argentique" ; il faut entendre un travail noble, organique... enfin, c'est ce que pense encore la majorité. Mais qu'importe, les tirages sont de très grande qualité et ils mettent en valeur une superbe exposition. D'autant que ces cadres sont souvent superbes et vont au-delà du "rappel la chaîne technique/mécanique à l'origine de l'image" comme me le disait Aladisse, mais font parfois partie intégrante de l'image comme on peut le voir sur l'image ci-dessus.
Cette exposition est liée au dernier livre de la grande portraitiste. J'ai pu m'en délecter lors de mes dernières vacances (ah, ce que les bibliothèques municipales ont du bon !). Sont présentés ici les quinze dernières années, les années vécues avec Susan Sontag. Pas de Rolling Stone ici, ni le magazine, ni le groupe (comme j'aimerais voir un jour de vrais tirages de son fameux reportage sur ces musiciens infréquentables). Non. Un mélange de photos personnelles et de photos professionnelles : des portraits généralement issus de commandes pour Vanity Fair le magazine qui lui doit une bonne part de son rebond dans les années 80. Les photographies "pro" sont généralement issues d'un moyen format et tirées en grand, souvent sublimes. Des commandes certes, mais avec une liberté que la photographe semble avoir réussie à préserver. Les photographies de familles sont présentées dans des formats réduits, des formats familiaux. Des formats intermédiaires mêlent ces deux mondes : le personnel et le professionnel. Ils nous disent sans doute que ces mondes sont poreux. Enfin, des tirages géants occupent des pans de murs. Il s'agit de paysages, comment dire... pas très Géo like ! Noir et blanc, flous, très granuleux...
La dernière salle résume sans doute bien l'exposition. Au fond à droite, une grande photo de Trump, assit dans un coupé de luxe, et de sa femme du moment, vêtue d'un bikini doré, sortant du cul d'un jet priver. L'image de commande est très travaillée : l'éclairage de studio sculpte les formes de la voiture et du jet, sauf que... on n'est pas dans un studio, mais sur le tarmac en extérieur ! Les personnes qui ont financé cette photo ont sans doute vu saigner leur ulcère ! En face, deux photos très récentes de la reine d'Angleterre, des photos travaillées à l’extrême pour évoquer la peinture classique. À la vue de la séance (que l'on trouvera sur le net), une semaine ou deux de travail avec 10 assistants sur le pont... Probablement une postproduction incroyable. Du Leibovitz délirant dans toute sa splendeur. Il en résulte l'image d'une vieille femme fière et forte, mais seule et perdue dans un monde luxueux en provenance d'un temps totalement dépassé. Et puis de l'autre côté de la salle, il y a son père, mourant... De même on trouvera dans cette exposition la maladie de sa compagne Susan Sontag, jusqu'à sa dépouille, un projet qu'elles avaient imaginé ensemble. Ces photos parfois difficiles de la maladie et de la mort de ceux qu'elle a aimée ne peuvent que faire penser à Richard Avedon et au scandale de l'exposition des photos de la maladie de son père au MOMA. Avedon, son mentor, le maître du portrait. Il est là aussi, dans cette dernière salle. Un diptyque en studio : d'un côté, un homme étonnamment jeune pour son âge mais qui me semble fragile ici (ce que l'on ne trouve pas dans ses autoportraits) et de l'autre côté, sa chambre Sinar.
On trouvera dans le "Connaissance des Arts Photo 16" en kiosque une petite démonstration de la maîtrise de cette photographe hors du commun.
7399
Susan Sontag, Quai des Grands-Augustins, Paris, 2003
© Annie Leibovitz/ Contact Press Images
La première chose que je note, c'est le bord du film que laisse apparaître chaque tirage. Je me dis que l'exposition d'Henri Cartier-Bresson au MOMA a décidément fortement imprimé sa marque (j'en parlais en cuisine). Mais je ne peux pas m'empêcher de penser au fait que cela met aussi en évidence un travail "argentique" ; il faut entendre un travail noble, organique... enfin, c'est ce que pense encore la majorité. Mais qu'importe, les tirages sont de très grande qualité et ils mettent en valeur une superbe exposition. D'autant que ces cadres sont souvent superbes et vont au-delà du "rappel la chaîne technique/mécanique à l'origine de l'image" comme me le disait Aladisse, mais font parfois partie intégrante de l'image comme on peut le voir sur l'image ci-dessus.
Cette exposition est liée au dernier livre de la grande portraitiste. J'ai pu m'en délecter lors de mes dernières vacances (ah, ce que les bibliothèques municipales ont du bon !). Sont présentés ici les quinze dernières années, les années vécues avec Susan Sontag. Pas de Rolling Stone ici, ni le magazine, ni le groupe (comme j'aimerais voir un jour de vrais tirages de son fameux reportage sur ces musiciens infréquentables). Non. Un mélange de photos personnelles et de photos professionnelles : des portraits généralement issus de commandes pour Vanity Fair le magazine qui lui doit une bonne part de son rebond dans les années 80. Les photographies "pro" sont généralement issues d'un moyen format et tirées en grand, souvent sublimes. Des commandes certes, mais avec une liberté que la photographe semble avoir réussie à préserver. Les photographies de familles sont présentées dans des formats réduits, des formats familiaux. Des formats intermédiaires mêlent ces deux mondes : le personnel et le professionnel. Ils nous disent sans doute que ces mondes sont poreux. Enfin, des tirages géants occupent des pans de murs. Il s'agit de paysages, comment dire... pas très Géo like ! Noir et blanc, flous, très granuleux...
La dernière salle résume sans doute bien l'exposition. Au fond à droite, une grande photo de Trump, assit dans un coupé de luxe, et de sa femme du moment, vêtue d'un bikini doré, sortant du cul d'un jet priver. L'image de commande est très travaillée : l'éclairage de studio sculpte les formes de la voiture et du jet, sauf que... on n'est pas dans un studio, mais sur le tarmac en extérieur ! Les personnes qui ont financé cette photo ont sans doute vu saigner leur ulcère ! En face, deux photos très récentes de la reine d'Angleterre, des photos travaillées à l’extrême pour évoquer la peinture classique. À la vue de la séance (que l'on trouvera sur le net), une semaine ou deux de travail avec 10 assistants sur le pont... Probablement une postproduction incroyable. Du Leibovitz délirant dans toute sa splendeur. Il en résulte l'image d'une vieille femme fière et forte, mais seule et perdue dans un monde luxueux en provenance d'un temps totalement dépassé. Et puis de l'autre côté de la salle, il y a son père, mourant... De même on trouvera dans cette exposition la maladie de sa compagne Susan Sontag, jusqu'à sa dépouille, un projet qu'elles avaient imaginé ensemble. Ces photos parfois difficiles de la maladie et de la mort de ceux qu'elle a aimée ne peuvent que faire penser à Richard Avedon et au scandale de l'exposition des photos de la maladie de son père au MOMA. Avedon, son mentor, le maître du portrait. Il est là aussi, dans cette dernière salle. Un diptyque en studio : d'un côté, un homme étonnamment jeune pour son âge mais qui me semble fragile ici (ce que l'on ne trouve pas dans ses autoportraits) et de l'autre côté, sa chambre Sinar.
On trouvera dans le "Connaissance des Arts Photo 16" en kiosque une petite démonstration de la maîtrise de cette photographe hors du commun.
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