Par Par Patrick BAERT AFP - il y a 19 minutes
BERNE (AFP) - Le parlement suisse a provoqué un séisme politique mercredi en écartant du gouvernement l'homme fort de la droite populiste, Christoph Blocher, au risque de rompre le consensus droite-gauche qui préside aux destinées du pays depuis un demi-siècle.
L'éviction surprise du milliardaire qui agite la politique suisse depuis 15 ans avec un programme xénophobe et anti-européen, a provoqué une onde de choc sur les bancs du parlement. Députés et sénateurs de gauche ont crié leur joie et applaudi longuement le résultat du vote, tandis que les représentants de la droite populiste paraissaient abasourdis.
Des dizaines de personnes se sont rassemblées spontanément devant le Palais fédéral de Berne pour manifester leur enthousiasme. L'une d'entre elles portait une pancarte avec le mot "Chapeau !", à l'intention des parlementaires.
Le vote du parlement intervient moins de deux mois après les élections législatives qui ont vu le parti de M. Blocher, l'Union démocratique du centre (UDC), conforter son statut de première formation du pays avec 29% des voix.
Que le chef historique du plus grand parti de Suisse ne fasse plus partie du gouvernement est "exceptionnel", a observé le député socialiste Andreas Gross.
"C'est un réveil républicain", s'est félicité le chef du Parti démocrate-chrétien (PDC), Christophe Darbellay, qui a joué un rôle central dans l'éviction du ministre sortant de la Justice et de la Police.
Ce dernier a fait les frais d'une alliance inattendue entre la gauche et les centristes du PDC. La majorité des députés se sont mis d'accord en secret pour apporter leurs voix à un autre membre de son parti, Eveline Widmer-Schlumpf, considérée comme une modérée.
M. Blocher a obtenu 115 voix contre 125 à Mme Widmer-Schlumpf, qui n'était pas candidate. Elle pourrait d'ailleurs refuser son élection, ce qui obligerait le parlement à organiser un nouveau scrutin. M. Widmer-Schlumpf devait faire connaître sa réponse jeudi matin.
Durant son mandat, M. Blocher a durci la législation sur le droit d'asile et l'immigration. Son parti a été accusé de racisme durant la campagne électorale avec une affiche pour l'expulsion des délinquants étrangers qui montrait un mouton noir expulsé du territoire national par un mouton blanc.
M. Blocher a fait son entrée au gouvernement fin 2003, au terme d'un scrutin législatif qui avait vu son parti arriver pour la première fois en tête d'un vote national. Le tribun zurichois avait alors obtenu le soutien de la droite modérée, pariant qu'il s'assagirait au contact des réalités gouvernementales. Mais beaucoup l'ont accusé depuis d'avoir en fait radicalisé son discours.
La Suisse est gouvernée depuis les années cinquante par un système de consensus qui voit quatre partis, gauche et droite confondus, se partager les sept sièges du Conseil fédéral (gouvernement). Chaque ministre occupe la présidence de la Confédération pour un an.
Les parlementaires ont voulu préserver ce principe de concordance en laissant ses deux portefeuilles à l'UDC. Un autre membre du parti populiste, le ministre de la Défense Samuel Schmid, considéré comme très modéré, a été réélu sans problème, comme cinq autres membres sortants du gouvernement.
Mais l'UDC a averti qu'elle passerait à l'opposition si M. Blocher était écarté. Dans ce système de démocratie semi-directe, cela signifie que les populistes pourraient bloquer les décisions du gouvernement en déclenchant des référendums d'initiative populaire.