C'est normal sur un fil consacré aux photos
Ça impressionne
Et sinon j'aimerais bien avoir l'avis du spécialiste en sciences sociales, il doit se pourlécher les babines
Alors je vais te répondre en deux temps, du plus général au plus particulier.
Le plus général, d'abord.
Partons d'une considération personnelle : la photo m'attire en tant que production, et m'est étrangère en tant que création. Mon absence totale de représentation du "relief à plat", et la limitation radicale que me confère une hypermétropie extrême dans la capacité à entrevoir le réel en deux dimensions m'empêche à la fois de capter correctement la lumière, et de comprendre ce qu'est le concept de la profondeur de champ.
Je ne photographie donc pas, mais je m'y intéresse, et donc je vous lis.
Or, se développe ici un travers que l'on peut retrouver dans d'autres espaces interactifs traitant de subjectivité artistique (la musique, la peinture, la scène) et que l'on peut appeler "l'enfer de la critique". Alors que le reste des forums techniques est plutôt dévolu à un transfert de savoir-faire, vous êtes ici le plus souvent dans le jugement du beau et du bien. Et si ce jugement du "légitime" est parfois assorti de remarques incitatives à corriger des éléments techniques, il est le plus souvent dénué de toute capacité à transmettre, de toute pédagogie. Le tranchant et la radicalité sont de rigueur.
Cela fait de ce lieu un espace parfaitement invivable, quasiment curial, puisque si sentent bien les juges, ceux qu'ils adoubent et ceux qui aspirent à l'être jusqu'au masochisme.
Pour les autres, point de salut.
J'en viens maintenant au cas d'espèce.
Qu'avons-nous là ? Un jeune gauchiste qui, selon ses dires, n'a pour seul moyen d'expression que ce que ses appareils fixent de son regard. Ses photos sont-elles bonnes ? Je n'en sais fichtre rien, et ce n'est pas mon débat. Aucun de vous ne peut prétendre détenir une quelconque vérité là-dessus. Ce que je sais, c'est qu'elles m'ennuient souvent, pour d'autres raisons. Je ne supporte le gauchisme que lorsqu'il est prétexte à poésie, et je n'en ressens que de temps en temps, ici. Pas assez pour que ça m'enthousiasme.
Ce qui me gène donc, c'est leur position d'équilibriste : à mi-chemin entre le reportage (le dire) et l'esthétique (son contraire). Je préfèrerais donc une position plus lisible. Or, c'est une des gageures de la photographie d'information, un reportage photo n'a que peu souvent la possibilité de s'exprimer seul. Il est accompagné de textes. Ou au moins d'une légende. Que la photo dénote ou connote, elle doit d'abord faire comprendre. Or, ce n'est pas la position de l'auteur. Il est, même s'il s'en défend, dans une position qui est celle de l'art pour l'art, de la photo pour la photo, et du message pour le message.
Puisqu'un fil de photo-reportages s'ouvre, j'irai regarder avec curiosité. Mais sans oublier que dans photo-journalisme, il n'y a pas que "photo".
Maintenant, que ces photos puissent susciter un tel échange est effectivement un objet d'analyse. Mais il faudrait englober cette analyse dans celle, plus large, de ces forums d'expression, et de ce que "s'exprimer" signifie ici. Si je le faisais, tu verrais que je ne m'en pourlècherais pas les babines, même en prenant du recul, parce qu'ils furent aussi mon œuvre et que je ne les reconnais pas. Mais ce n'est pas le lieu pour ça.