Le jour où...

  • Créateur du sujet Créateur du sujet Anonyme
  • Date de début Date de début
Statut
Ce sujet est fermé.
A

Anonyme

Invité
jour.jpg


Les jours de la vie sont pareils aux cigarettes qu’on fume : une fois consumés, on s’aperçoit que certains ont compté davantage que d’autres et que, s’ils ne nous ont pas tous marqués d’une empreinte indélébile, plusieurs d’entre eux au moins peuvent se prévaloir d’avoir laissé sur nos existences une trace durable.
Nous avons tous, dans le secret de nos cœurs et de nos consciences, de ces journées, belles ou non, qui ont, souvent par la charge émotionnelle qui les distingue dans notre souvenir, influencé notre comportement, nos actions, nos pensées et, d’une manière plus générale, le regard que nous posons sur les autres et sur nous-mêmes.
Notre première rencontre avec l’amour, avec la mort, la maladie ou la souffrance, la naissance de nos enfants, nos premiers choix assumés — responsables ou irresponsables —, nos premiers émois artistiques, tous ces moments sont profondément inscrits dans le temps de nos vies. Tous ont, à des degrés divers, déterminé ce que nous sommes, et si certaines « évolutions » de notre personnalité ont nécessité plusieurs mois ou plusieurs années, le souvenir nous reste de ces moments précis où nous avons senti changer le cours des choses.

Ce sujet, dont le titre et l’idée sont empruntés au magazine Paris Match, a pour but de recueillir les récits de ces journées particulières. Ce n’est pas un nouveau jeu et encore moins un concours d’écriture : sur le bar, les sujets sont ouverts à tous (c’est dire s’ils n’appartiennent à personne), mais le choix d’y participer ou non, lui, appartient à chacun. Je me permets seulement de dire à ceux qui hésiteraient à livrer en public ce qu’ils estiment, à juste titre, être une part de leur intimité que c’est dans le seul partage de nos expériences que nous prenons réellement conscience de notre humanité.
 
J’avais six ou sept ans. Je mentirais en prétendant que j’ai gardé le souvenir précis des circonstances de cette journée. Je me revois, pleurant à chaudes larmes, assis sur les genoux de maman, au bout de la table de la cuisine. Mais cette image embrumée pourrait tout aussi bien être celle d’un autre souvenir, véritablement oublié celui-là, fragile témoignage d’un de ces chagrins d’enfant dont je pensais, sur le moment, ne jamais devoir me remettre, mais qui a, fort heureusement et depuis fort longtemps, quitté les arcanes de ma mémoire.
J’étais rentré de l’école dans un état de détresse profonde, inondant le chemin familier des grosses larmes de mon désespoir, et à mon arrivée à la maison, maman, en me voyant dans cet état, s’était empressée de me demander la raison de ce nouveau chagrin. « C’est vrai ce qu’ils disent les autres, que le Père Noël n’existe pas ? » À travers mes sanglots, cette question devait avoir des accents déchirants… Elle poussa un soupir, saisit une chaise et m’attirant contre elle, elle entreprit de me répondre et de me consoler.
Il n’est pas nécessaire que je raconte la fin de cette histoire. Il y a, de par le monde, tant de petits enfants qui, un jour en décembre, sont rentrés en pleurant de l’école que je serais bien étonné qu’il ne s’en trouve aucun parmi vous pour me comprendre.

Les grandes personnes ne mesurent pas toujours l’impact que le mensonge peut avoir dans l’esprit des enfants. Et si j’ai pardonné, plus tard, considérant sans doute qu’on m’avait trompé « pour la bonne cause », je me souviens de cette journée comme du jour où m’a été révélé cette terrifiante vérité : les adultes mentent et, pire, mes parents me mentent !

La disparition du Père Noël a sans nul doute été la première fêlure de ce que j’aurais mauvaise grâce à ne pas considérer comme une enfance heureuse. Je n’avais jamais pensé avant cela que les « grands » puissent me mentir, et à plus forte raison papa et maman en qui j’avais toute confiance. Je me sentais trahi, me réconfortant peut-être de ce que la « petite souris », celle qui venait pendant mon sommeil échanger mes dents de lait contre des friandises, existât, elle, pour de vrai.

J’ai pardonné. Mais ce jour-là méritait bien que je m’en souvienne tant d’années après. Car j’y ai appris une vérité bien plus terrible encore que celle qu’on m’annonçait, une vérité dont je mis longtemps à prendre véritablement conscience et qui me hante depuis lors : la connaissance est ennemie de l’innocence ; c’est de notre ignorance dont se nourrissent les rêves, pas de notre savoir.

zen.gif
 
DocEvil a dit:
[...] j’y ai appris une vérité bien plus terrible encore que celle qu’on m’annonçait, une vérité dont je mis longtemps à prendre véritablement conscience et qui me hante depuis lors : la connaissance est ennemie de l’innocence ; c’est de notre ignorance dont se nourrissent les rêves, pas de notre savoir.
Et pourtant ! Manifestement tu lis beaucoup.
wink.gif
laugh.gif


À+
 
DocEvil a dit:
Je me permets seulement de dire à ceux qui hésiteraient à livrer en public ce qu’ils estiment, à juste titre, être une part de leur intimité que c’est dans le seul partage de nos expériences que nous prenons réellement conscience de notre humanité.


DocEvil a dit:
L'avis de tout le monde, c'est comme la vie de tout le monde : je m'en branle, et je pense que tu devrais en faire autant.

confused.gif
confused.gif
confused.gif
 
C’était il y a à peine plus d’un an. Peu après la sortie de Mac OS X 10.2, j’avais comme beaucoup découvert grâce à iChat les joies de la messagerie instantanée. La diffusion du logiciel ayant entraîné un regain d’intérêt pour ce moyen de communication, de nombreux sites consacrés au Macintosh avaient profité de l’occasion pour ouvrir des salons de discussion, et nous étions nombreux à les fréquenter avec assiduité. Je garde le souvenir précis de la frénésie qui marquait nos échanges. Je pourrais chercher longtemps le moyen de décrire ce qu’on pourrait presque qualifier de mouvement d’hystérie collective, mais il m’apparaît aujourd’hui que le moyen le plus sûr de rendre compte de l’excitation du moment se résume à ces mots : c’était un beau bordel. C’est à cette occasion et dans ces circonstances que je fis connaissance avec plusieurs membres de ces forums, lesquels devaient me pousser à y participer quelque temps après, mais ceci est une autre histoire.
Sur les salons, on pouvait, en exagérant à peine, croiser la Terre entière : Canadiens, Belges, Luxembourgeois, Suisses, Français de métropole et d’outre-mer, nous nous retrouvions tous dans le creuset brûlant du « chat », et j’avoue, en ce qui me concerne que cette aventure cosmopolite n’était pas faite pour me déplaire. Mais l’ivresse de la découverte passée, les salons périclitèrent doucement : au fond, nous n’avions pour la plupart rien à nous dire, et il semblait somme toute dans l’ordre des choses que, la fête finie, chacun rentrât chez soi. Je ne gardai de cette période que quelques bons amis, lesquels me sont resté fidèles, et je m’enfuis donc dans le petit matin numérique, laissant derrière moi les derniers flonflons de ce qui n’avait été qu’une longue nuit de folie.

Aujourd’hui, si j’ai presque tout oublié de ces échanges frivoles, je me souviens néanmoins d’une journée en particulier qui devait, pour longtemps, changer mon comportement sur le réseau.
C’était au début de septembre, et nous étions une dizaine à badiner sur un salon. La « discussion » allait bon train, et nous en vînmes tout naturellement à évoquer les cérémonies prévues pour le premier anniversaire des attentats de New York. Le ton léger de la conversation à ce sujet semblait ne pas convenir à l’un des participants et, perdant définitivement une bonne occasion de fermer ma gueule, je crus bon d’ajouter une plaisanterie douteuse de mon cru, histoire de choquer le bourgeois et de me distinguer par mon humour macabre.
Or, il se trouve que ce jeune homme qui semblait si énervé par notre petit jeu était citoyen canadien, et qu’il avait, dans chacune des deux tours, un membre de sa famille. Parmi les quelque trois mille morts de cette tragédie, deux étaient ses cousins. La gaffe me sembla, sur le moment, monumentale. Je compris aussitôt que rien de ce que je pourrais dire ou faire ne saurait faire pardonner ma sottise.
Je crois que j’ai réagi par orgueil. Je ne voulais pas être ainsi pris en défaut en public. Je fis sans doute le seul choix qu’il ne fallait pas faire et, ajoutant un mensonge coupable à ma bêtise, j’inventais aussitôt une histoire, prétendant à mon tour avoir perdu un proche dans l’effondrement du World Trade Center. Je tâchais de me défendre ainsi, opposant un chagrin imaginaire à celui bien réel de mon interlocuteur.
Il m’est arrivé parfois d’avoir honte ; je ne crois pas être le seul. Mais jamais je n’ai eu honte de moi comme ce soir-là. Jamais je ne me suis senti plus méprisable, ni plus insignifiant. Jamais, je crois, je n’avais autant mérité l’amertume qui envahit alors ma bouche, ni le dégoût que je m’inspirais tout entier.
Le soir même, j’écrivis à ce jeune homme, lui avouant toute l’histoire et mes remords. Il eut la bonté de comprendre et de me pardonner. Il me raconta même l’histoire de ses cousins et la détresse de sa famille. Je promis de prier pour le réconfort de ses proches — aussi dérisoire que cela puisse paraître, c’était bien tout ce que je pouvais faire — et je tins ma promesse. Non comme une pénitence, puisque le seul pardon qui comptât en la matière m’avait été accordé, mais comme un authentique acte de foi, ce qui ne m’était plus arrivé depuis bien longtemps.

Il faut apprendre de nos erreurs, petites ou grandes, car nous n’avons pas d’autre choix en ce monde que de devenir meilleurs : il en va de notre survie. Le caractère virtuel des échanges auxquels nous participons, sur le « chat » comme sur les forums, ne doit pas nous faire oublier l’existence bien réelle de nos interlocuteurs. Il vaut toujours mieux se distinguer par le respect qu’on a des autres, que par un comportement atypique — lequel peut, à l’occasion, se révéler extrêmement violent pour la sensibilité d’autrui. Préservons nos différences, oui, mais pas au prix de ce qui nous rassemble : notre trop plein d’humanité, dans ce qu’elle a de terrible, peut nous faire commettre des erreurs ; faisons en sorte que nos erreurs nous rendent plus humains.
 
Zitoune a dit:
Ton intervention m'a particulièrement touché.

Moi aussi.
zen.gif


Je crois qu'on a tous (que ceux qui ne se sentent pas concernés m'excusent d'avoir généralisé) des casseroles qu'on traîne de ce genre : des moments où on s'est trouvé minable et surtout où on continue, des années plus tard, à se trouver minable. Peut-être le pire serait qu'on finisse par s'habituer, qu'on ne se sente plus minable sur ces coups. Il ne s'agit pas d'en rester traumatisé à vie, même à soi, il faut savoir se pardonner ; simplement d'en garder le souvenir afin, avec un peu de chance, d'éviter d'être aussi minable une autre fois.
 
« C’est vrai ce qu’ils disent les autres, que le Père Noël n’existe pas ? »

Dire qu'en plus le père noël est une invention de coca cola...
Ca craint non ?



me réconfortant peut-être de ce que la « petite souris », celle qui venait pendant mon sommeil échanger mes dents de lait contre des friandises, existât, elle, pour de vrai.

Je confirme, elle existe mais avec l'âge elle se traîne un peu qd même... elle est noir et elle fait qd même 4 kg...
laugh.gif
 
jaipatoukompri a dit:
Dire qu'en plus le père noël est une invention de coca cola...
Ca craint non ?

Tu m'étonnes.
Quand on y regarde de plus près, l'aspect religieux a pour ainsi dire disparu, et on célèbre un personnage de pub.

Putain c'qu'on est con!!!!



 
DocEvil a dit:
j’inventais aussitôt une histoire, prétendant à mon tour avoir perdu un proche dans l’effondrement du World Trade Center. Je tâchais de me défendre ainsi, opposant un chagrin imaginaire à celui bien réel de mon interlocuteur.

C'est une malheureuse exception, ou bien une pratique courante que tu mets en œuvre face aux personnes qui se confient à toi sur le chat ?
 
Je devais avoir 6 ou 7ans, j'étais une petite fille plutôt sage, qui me fesait rarement gronder par mes parents. Comme la plus part des enfants de cet âge, je ne m'entendais pas super bien avec mon frère, ki en avait 4 ou 5.

Ma mère était professeur de dactylographie, et avait sur son bureau un produit rose dans un flacon, qui servait a repérer les erreurs sur la machine à écrire (enfin c'est ce qu'elle avait essayé de m'expliquer mais j'ai toujours pas compris comment on s'en servait). Ce produit sentait fort, comme du dissolvant, et j'en aimais bien l'odeur.

Un jour j'étais donc assise à son bureau tout neuf acheté dans la semaine, je reniflais les vapeurs de ce liquide rose mystérieux, quand le chat me sauta sur les genoux. Animal curieux, il tendit la tête vers l'objet que je tenais dans les mains, je lui plaçais sous le nez pour lui faire partager sa délicieuse odeur. Odeur bien trop forte pour le félin, dont le geste brusque de recul me fit renverser le produit sur le bureau tout neuf de maman.
J'allais donc dans la salle de bain, prendre le gant de toilette pour éponger ma bêtise, mais horreur la tache était tenace, pas moyen de la faire partir. Bah, le bureau était noir, ça se voyait pas tant que ça, et puis maman trouverai sûrement un moyen de la faire disparaître. Je lui en parlerais lorsqu'elle rentrera.
Puis, enfant rêveuse que j'étais, l'événement me sorti vite de la tête.

Un peu plus tard, peut être même le lendemain, je montais à l'étage et je vis mon frère pleurer, pleurer, et mes parents lui crier dessus comme jamais en lui donnant des claques et des fessées. Comme je l'ai dit plus haut, c'était assez rare que l'on se fasse gronder, et même si cela arrivait plus souvent a mon frère qu'a moi, ça restait tout de même exceptionnel, si bien que la violence de la dispute me tétanisa. Mais qu'est ce qu'il avait bien pu faire??

Puis tout a coup je compris, quand un de mes parents hurla "un bureau tout neuf en plus!!!" il se fesait gronder pour la faute que j'avais commise, j'en étais encore plus paralysée. A ce moment ma mère me vit et me demanda " tu sais ce qu'il c'est passé sur le bureau? Il y a une grosse tache" et lâchement je dis que non, que je voyais pas de quoi elle parlait.
Pendant ce temps mon frère continuait de se faire martyriser "mais pourquoi tu nous ments, on sait que c'est toi" lui criaient mes parents.
Je ne pouvais rien faire, j'avais bien trop peur que la colère de mes parents se retourne contre moi, je ne voulais pas ça du tout. Pourtant de voir mon frère pleurer ainsi me rendait malade. Mais j'étais pas assez courageuse pour détourner la colère violente et incompréhensible de mes parents vers moi.
Je couru dans ma chambre en pleurant tout autant que mon frère, emplie de terreur. Je savais que si je ne disais rien, jamais mes parents ne penseraient à moi, j'étais la sage, c'était mon frère qui fesait les bêtises. J'avais juste à laisser faire, ils finiraient bien par se calmer. Mais au fond de moi je pouvais pas laisser gronder mon frère.

Il s'est quand même fait gronder a ma place....
Cette histoire m'est revenue que beaucoup plus tard, adolescente, et j'ai encore attendu d'avoir 22 ans pour en parler avec mon frère, avec qui je m'entendais enfin très bien. Lui aussi se souvenais de cette histoire, on en a rit.
Je me souviens que j'avais réussi à stopper net la fureur de mes parents en coloriant les pattes du chat avec un marqueur rose, et en disant a ma mère "regarde, c'est le chat en fait".

Mais mon frère c'était quand même fait gronder à ma place.....

C'est l'acte que je regrette le plus, mais comme dis le Doc, le pardon de mon frère m'ayant été accordé, je me suis sentie soulagée. Mais le remort avait apris à la petite fille que j'étais à ne pas mentir et a assumer ses actes.




Toutefois si quelqu'un pouvait m'expliquer à quoi sert ce liquide rose....
 
krystof a dit:
C'est une malheureuse exception, ou bien une pratique courante que tu mets en œuvre face aux personnes qui se confient à toi sur le chat ?

Pas de réponse.
Mais que m'est-il donc passé par la tête d'avoir posé une telle question !? C'est vrai quoi, ça ne se fait pas.
Dorénavant, je ferai comme beaucoup, être un simple consommateur : je commenterai les posts proposés par : bravoooo, encooooore, magniiiifiiique, merciiiiii
zen.gif
zen.gif
zen.gif


C'est beaucoup mieux ainsi.
cool.gif
 
Vieux Raleur a dit:
on se le demande
crazy.gif
wink.gif
laugh.gif

Arrête, on va se faire accuser de polluer le thread. Tu apprécies les confidences des autres, ou bien tu passes ton chemin, sans questions.
cool.gif
 
krystof a dit:
Arrête, on va se faire accuser de polluer le thread. Tu apprécies les confidences des autres, ou bien tu passes ton chemin, sans questions.
cool.gif

tant que ça reste gratuit
ooo.gif
crazy.gif
laugh.gif
 
Foguenne a dit:
Il me semble que si tu relis son post, la façon dont il exprime ses regrets, tu auras la réponse à ta question.
zen.gif
wink.gif

Je souhaitais simplement qu'il me le confirme lui-même.
Cela me retirerais de nombreux doutes et me rendrais plus confiant pour l'avenir.
 
Statut
Ce sujet est fermé.