A mon cher voisin de balcon, qui s'appelle Richard et qui a 31 ans et pour qui «désormais sa vie est à Vevey
virgule môman».
Vous vivez donc dans l'appartement adjacent au mien, et nous partageons le même balcon (heureusement séparé par une légère cloison). Ils sont sympas hein ces appartements, orientés sud-est. Bon on voit pas le lac, mais on voit bien chez le voisin.
Et surtout on l'entend le voisin. Parfois. Souvent.
Donc, pourquoi diable lorsque vous avez un téléphone à faire, devez-vous vous rendre absolument sur ledit balcon pour beugler et faire partager votre conversation téléphonique à une bonne partie du quartier?
Je sais, on sait, nous savons, ils savent, maintenant que vous vous êtes fâchés avec «môman» cet après-midi parce que toutes les choses «vous les appreniez que par papy». Et que maman vous avait caché que vous étiez potentiellement sujet à un cancer du colon. Et que Sonia refuse de faire une coloscopie. Charmant. Non vraiment.
Voilà voilà, mais je m'en contre-fous de tout ça, et j'aimerais bien ne plus avoir à entendre votre vie privée étalée à tous. Un peu de pudeur n'a jamais fait de mal à personne. Vous auriez été parfait dans le rôle de François Morel des Deschiens.
Je constate aussi que vous aimez écouter Jean-Jacques Goldman à fond, en frappant des mains. Chouette. Vous avez vu le dernier spectacle de Jean-Marie Bigard? Non? Dommage, c'est poilant.
Idem lorsque vous honorez votre chère Sonia, 26 ans (ça aussi vous l'avez dit) toutes fenêtres ouvertes. Entre nous, la demoiselle doit un petit peu simuler, enfin bon... Moi je dis ça je dis rien. Ou alors vous êtes une bête.
Comme j'essaie de toujours tirer le positif des situations que je rencontre, j'ai réalisé un enregistrement partiel de votre dernière conversation téléphonique. Oh pas besoin d'aller tout près, et d'avoir des micros ultra sophistiqués: mon mobile a suffit a capter votre doux babil. En tout cas avec cet enregistrement nous rigolons bien entre potes. J'envisage de le mixer pour en faire un tube de l'été: «Pôpa, pôpa». «Non, môman, môman!». Julien Doré n'a qu'à bien se tenir. Comme je suis sympa, je fais un geste en vous cédant les royalties que je récolterai. En même temps, vu le flop annoncé, je ne prends pas trop de risques. Mais, sait-on jamais... le grand public a souvent des goûts de chiotte.
Ah oui, j'ai oublié de vous parler de votre chat: il est gentil, mais que se passe-t-il pour qu'il vienne toujours sur mon balcon? Il n'est pas heureux chez vous, il n'a pas d'ami? Remarquez, il est vrai c'est un fardeau relativement lourd que de s'appeler Sadock lorsqu'on vient de l'Hexagone (!). Je compatis, moi je m'appelle bien Olivier, alors bon.
Allez, bonne fin de journée. Et... allez les Bleus, hein.
On peut se tutoyer maintenant Richard?