De toute façon tu sais, y a quand même des trucs que je comprends en te regardant avec les gamins, t'es la super mère quoi, LA mère, y a pas à chier, mais tu vois je trouve que c'est trop des fois, tu es toujours là pour eux, ils prennent l'habitude dès qu'il y a un obstacle d'appeler mamie, que tu sois là ou pas, comme des rois limite ils te sifflent... oui je force le trait, je sais bien que tu es pas leur bonniche, je sais que tout ça c'est surtout de l'amour et que tu sais sévir et te faire respecter, je dis rien de tout ça pour être médisant, mais tu vois je pense à eux aussi, et je pense à moi, je me dis que le grand garçon que je suis aujourd'hui, il est comme ça aussi parce qu'il a pas appris suffisamment à compter sur lui seul, parce que bon, quoi qu'il arrive on est seul, on meurt seul, et ça faut bien se faire à l'idée quand même, mamie elle sera pas là à ce moment là et peut-être même il y aura personne, on aura beau s'égosiller, personne viendra.
Faut pas prendre ça pour un reproche, je suis fier de ce que je suis aujourd'hui, je suis différent, ultra sensible, trop sensible et je souffre beaucoup, le monde n'offre pas vraiment de place pour les gens comme moi, j'arrive à faire mon trou mais c'est très dur.
Tu dis si ça t'ennuie que j'écrive tout ça, j'ai tendance à parler trop franchement derrière mon clavier, les gens ont parfois du mal, les mots sont souvent plus durs à l'écrit. Je n'ai pourtant pas de ressentiment, ni d'amertume (du moins pas vis à vis de toi ou de vous, certainement pas), je dis juste ce que je pense, le fruit de mes pensées et de mes réflexions.
L'autre jour, j'entendais un konnard qui disait que l'on était passé de l'enfant martyr élevé à la dure, sans assez d'amour, comme on dresse un chien presque, à l'enfant Dolto, l'enfant roi qui est aussi l'enfant tyran qui met à genoux ses parents. Bah je suis assez d'accord, je pense qu'on devrait faire un peu le deuil de Dolto, non pas pour tous les incommensurables progrès qu'elle a su apporter, mais juste accepter que le modèle nécessite une révision, ça nous éviterait en plus peut-être ainsi le fameux retour de la morale et du fouet, un peu ce que prônent aujourd'hui beaucoup trop de parents, la sévérité si chère également à leur président.
Je me souviens le collège, les pires années de ma vie, les violences, les brimades, les humiliations, comment j'ai appris à somatiser pour échapper à l'EPS et au Rugby, l'indifférence des profs, les vestiaires sans surveillance, les plaintes mal formulées et donc pas prises en compte, mon incapacité à l'époque d'exprimer clairement ce que je vivais, l'impossibilité de me défendre face aux élèves ou aux adultes qui ne cherchaient pas à comprendre, tous ces vendredi matin à l'infirmerie de 10 à 12 h qui m'ont fait comprendre par la force des choses qu'il était facile de sécher les cours, que seule la maladie faisait qu'on pouvait s'échapper, se réfugier, il fallait être malade pour qu'enfin on vous considère un peu, même avec mépris, mais au moins on faisait attention à vous. C'est loin tout ça mais ça m'a forgé, ça m'a constitué en tant qu'individu et tout ce temps j'étais seul, seul aussi avec ce prof d'histoire qui était vraiment un malade fou dangereux, d'ailleurs c'est sûr que ce type je vais aller le voir un jour pour lui mettre des coups de pieds, c'est certain, lui faire bouffer de la merde afin de lui faire comprendre qu'il m'a tordu les trippes pendant 2 putain d'années, alors que c'est même pas à moi qu'il s'en prenait ce dégénéré, mais à encore quelqu'un de plus faible, Sarah, essentiellement, la pauvre quand j'y pense et nous qui rions avec lui des humiliations et brimades qu'il lui faisait subir, trop content que nous étions de ne pas être à sa place, et puis après tout c'est vrai quoi, c'était lui l'adulte, et puis c'est vrai qu'elle était conne et ridicule à pleurer et à quasiment nous appeler à l'aide...