Deux mois sétait écoulés depuis cette soirée, jétais encore au bureau, il était presque vingt heures, je nallais pas tarder à partir. La sonnerie du téléphone me fit sursauter, je décrochais, surprise dun appel à cette heure. « Encore au travail Mademoiselle larroseuse ? » je ne compris pas tout de suite, javais oublié cet incident du verre. « Dépêchez vous, je passe vous chercher, je vous emmène dîner pour me faire pardonner. » Je raccrochais perplexe, quavait-il à se faire pardonner, je ne me souvenais ni de sa voix, ni de son visage. Je rangeais mon bureau à la hâte, pris mon manteau, mon sac, et descendit au rez-de-chaussée. Il mattendait devant le porche, un bouquet de fleurs à la main. Quand je le vis, jeus, je ne sais pas pourquoi, envie de rire. Il avait lair penaud, les fleurs quil tenait à la main étaient fatiguées, je men fichais, il était si attendrissant. Je lui dis un bref bonjour, je ne savais pas quoi dire. Il entama tout de suite la conversation « Tu as vu ? » me demanda t-il en exhibant fièrement son pied. « Jai mis des chaussures, exprès pour toi, il est interdit de renverser son verre dedans. » Je souris en le revoyant séloigner les chaussures à la main en sifflotant son petit air joyeux.
« Alors, tu me pardonnes ? »
« Quoi ? » répondis-je,
« Eh bien pour la dernière fois. »
« La dernière fois ? »
« Ben oui le dernière fois, quand je tai raccompagné chez toi. »
« Euh » Je ne voyais pas où il voulait en venir.
« Je nai pas été très galant, jaurais pu te demander de moffrir un dernier verre, je nai pas osé, tu semblais si confuse, de mavoir mis dans une telle situation, je ne voulais pas que tu te sentes obligée. » Jéclatais de rire, il prit mon bras.
« Tu as faim, allons dîner ! »
Il memmena dans un petit restaurant. A peine assis, il sortit un bout de papier et un stylo de sa poche, il griffonna quelques mots, et se cala sur sa chaise.
« Tu voudrais savoir ce que jai écrit, avoue »
« Non, je tassure »
« Si, si tu veux le savoir, demande moi et je te le dirais »
Je fis oui de la tête, il prit le morceau de papier, séclaircit la voix en toussotant, prit une profonde respiration, et se mit à lire à voix haute.
« Ne pas oublier de lui demander de moffrir un dernier verre quand je vais la raccompagner. Tu as vu, je suis malin, comme ça je noublierai pas, tu ne veux pas écrire quelque chose toi aussi ? »
Pendant que je riais, il sortit un second morceau de papier de sa poche et me le tendit avec son stylo. Jécrivis, en me cachant de ma main, je ne voulais pas quil triche. Je reposais le stylo.
« Alors qua tu écris ? » me demanda t-il
« Rien »
« Tu as mis une demi-heure pour ne rien écrire, je ne te crois pas »
Je pris le papier, et le lu à voix haute.
« Ne pas oublier de lui offrir un dernier verre quand il va me raccompagner »
« Voilà, comme ça nous noublierons pas. Nous pouvons manger lâme en paix. »
Arrivés devant la porte de mon immeuble, nous nous dîmes bonsoir.
« Vou
»
« Veux
»
« Oui ? »
« Non rien »
« Si tu allais dire quelque chose »
« Non, je tassure »
« Écoute, ça commençait par veu
»
« Toi aussi, tu allais dire quelque chose, vas-y, commence »
« Ha, ça, non, je suis galant, les dames dabord »
Je pris sa main et lentraînais vers lascenseur.
Sur le palier, je cherchais fébrilement mes clés, je nai jamais compris pourquoi les sacs à mains sont si mal faits, on ne trouve jamais ce que lon cherche. Enfin, je les avais, jouvris la porte, je savais déjà ce qui allait se passer et mon cur tambourinait dans ma poitrine.
À part de leau, un coca ou un jus dorange je navais rien dautre à lui offrir à boire, il me dit que ce nétait pas grave quil boirait en rentrant chez lui. Il narrêtait pas de parler, il commentait tout, la déco, mes livres, les tableaux accrochés au mur, il était intarissable. Tout en parlant il se déplaçait dans la pièce, je le regardais amusée et étonnée. À un moment il sarrêta de bouger. « Tiens, une porte » dit-il dun ton surpris, « Où mène t-elle ? » , il louvrit « Ah, mais cest une chambre, cest ta chambre ? » Je lui fis signe que oui. « On peut visiter ? » demanda t-il en entrant dans la pièce. Je le suivis. « Mademoiselle, savez-vous quil nest pas correct de se trouver dans une chambre avec un homme que lon connaît à peine ? »
Je men fichais royalement, il me plaisait, cétait ma seule excuse.