Je grimpais les marches quatre à quatre, mon sac faisait du bruit en raclant le mur décrépi, arrivée au quatrième, essoufflée le cur battant je vis Lucienne qui mattendait sur le palier, un sourire aux lèvres et son éternel paquet de petits-beurre à la main. Par la porte grande ouverte séchappait une odeur de pommes cuites et de cannelle, jeus tout de suite faim.
Je me dirigeais vers la table pendant quelle refermait soigneusement la porte, tout en prenant la précaution de remettre le rideau qui la cachait en place.
Assieds toi, me cria t-elle de la cuisine,je tai préparé une compote. Elle me rejoignit posa devant moi une assiette remplie de la préparation, retourna à la cuisine, en rapporta ma tasse de chocolat brûlant et quatre petits-beurre.
Mange, me fit t-elle, en lançant un regard malicieux sur la boîte grise.
Le chocolat navait jamais été aussi brûlant, je faillis mébouillanter avec la compote, mais javalais le tout sans broncher, jétais si pressée. Quand jeus terminé, Lucienne me demanda de débarrasser la table, dans ma hâte, je me pris les pieds dans le tapis, envoyant valdinguer, assiette, tasse et petite cuillère. Lucienne riait aux éclats, elle vint à mon secours, je me maudissais pour cette perte de temps, elle le savait, Lucienne savait tout.
Devant la boîte ouverte, je contemplais une vie qui sétalait, une vie faite de morceaux de puzzle, dépareillés et incomplets. Lucienne, elle savait à quoi chaque morceau correspondait, elle savait les réunir, les mettre bout à bout. Elle les prit un par un délicatement, les posa dans le creux de sa main grande ouverte, les tourna, les retourna, elle ne disait rien, ce nétait pas nécessaire, je ressentais son émotion, ma gorge se serrait, une larme coula sur ma joue, elle me regarda, ses yeux étaient plein de larmes, nous nous mîmes à pleurer toutes les deux, doucement et en silence, nos esprits ne faisaient quun, Lucienne mavait contaminée, je me mit à rêver de ce jeune inconnu qui memportait dans une danse effrénée.
Lannée prochaine, tu vas rentrer au lycée, me dit-elle tout à coup, il y aura des garçons, ils temmèneront danser, puis elle se leva, prit ma main, y déposa deux bonbons au coquelicot et me fit comprendre quil était temps que jaille faire mes devoirs.