Les bons souvenirs ça me rend toujours tristes. C'est con parce qu'ils ne sont pas perdus, ils sont là on peut piocher dedans de temps en temps.
Au lieu de ressasser sans arrêt les mauvais.
J'ai vécu dans les vignes, une prairie, un verger, des cerisiers où grimper et un poulailler encombré des objets les plus divers récolté par mon grand père.
Toute la famille frères, soeurs, oncles, tantes, cousins avons vécu dans moins de 1 kilomètre carré à un moment donné, les uns sur les autres. Mais personne ne souhaitait reprendre le flambeau du patriarche, 3ème génération de viticulteurs-agriculteurs dans le beaujolais ...
Avec mon cous' de 6 mois l'aîné, nous avions un terrain de jeu privilégié et des trésors à rechercher notamment dans ce poulailler (pourquoi ce stock impressionnant de baleines de parapluie rouillés ?). Un poteau électrique nous permettait de glisser de vieux tonneaux d'huile à la base. Nous tenions à deux dedans. Les boules puantes qu'on faisait avec tous le souffre qui traînait ... Maintenant le cous' t'es dans la chimie, ça ne m'étonnes même pas. T'avais un laboratoire avec éprouvettes et bec bunsen et nous avons dû tester les résistances physiques et chimiques de bien d'insectes, toujours soulagés (pour moi) et déçus (pour toi) que le jeu prenne fin.
On s'est fait engueulé mais on nous laissait quand même explorer les alentours, le grand père nous suivant à la trace et nous récriminait de loin : "N'allez pas énerver les poules, elles pondent plus après !", "casser pas les branches des arbres, on aura pas de fruits!"
Nous connaissions par coeur ces arbres et où se trouvaient les deux pieds de vignes avec des raisins blancs. Ah ouais putain, la bataille de raisins juste avant les vendanges ! Mais on a été con de le faire devant la maison.
La carabine à plomb et la boîte aux lettres des voisins mais y'a jamais eut de retour, les voisins devaient s'en foutre. La vieille conne dans la cour et ses pallaissons qu'on a ruinés. Les jours de mariage où les voitures garées près de l'église reçurent leurs lots de tomates et de courgettes pourries ou simplement énormes.
La cabane qui donnait sur la route avec un toit terrasse.
Les premières cigarette de sureau et puis à n'importe quoi tant qu'on test.
On avait aussi ramassé des kilos de pépites de tournesol, mais bonjour la crise de foie.
Le cous' t'étais censé me surveiller et être responsable de moi mais c'était plutôt moi qui m'inquiétait quand, pris d'une soudaine idée tu partais en courant. Tu revenais avec deux bâtons et j'avais plus qu'à me défendre.
Faut dire qu'on regardait Conan le Barbare, Rocky, Terminator, La guerre des étoiles, Les Gremmlins, L'histoire sans fin ... les jours de pluie. Années 80 obligent.
Et on chantait tu te rappelles, enfin chanter, c'est parti de l'imitation du diable de Tazmanie et puis on s'est mis en rythme avec des onomatopées à grand renfort de postillons. On tenait même un moment avant de devenir tout rouge et de reprendre notre souffle.
On se disait que plus tard on vivrait dans une grande maison avec pleins de potes.
T'étais toujours en action, j'étais dans la lune avec Peter Pan, tu me présentais de temps en temps à tes potes et je pouvais rester une soirée et une nuit sans rien dire ...
Et puis le patriarche sest éteint, ils se sont tous transformés en rapaces
Chaque mètre carré de ce putain de patrimoine est maintenant répertorié.
Ouais faut que je passe te voir le cous' ... T'es juste en face.
Mais toi aussi tu peux passer.