On verra bien ce qui sortira finalement de cette histoire, mais Free commet à l'évidence une grave erreur de communication. La bonne réponse aux attaques de cet universitaire était de répondre point par point à son étude, quitte à mettre des enquêteurs privés sur l'affaire, afin de rechercher un éventuel coup fourré financé par des concurrents. Là, Deffains passe inévitablement pour une victime, tandis que Free joue le rôle de Big Brother.
L'honnêteté oblige à dire pourtant que beaucoup d'universitaires se laissent aller à publier des travaux sur commande. Et les effets peuvent être désastreux.
Cela me rappelle ce qu'avait publié Renaud Lambert dans
Le Monde diplomatique, il y a un an, à propos des économistes à gages dont les fausses prédictions ont donné les résultats que l'on sait depuis 2008, dans un article intitulée « CONFLITS DʼINTÉRÊTS ET CONNIVENCES MÉDIATIQUES. Les économistes à gages sur la sellette » (
http://www.monde-diplomatique.fr/2012/03/LAMBERT/47476) :
Réalisateur du documentaire Inside Job, Ferguson a rencontré l’économiste Frederic Mishkin, de la Columbia Business School :
Ferguson. — En 2006, vous avez coécrit une étude du système financier islandais : « C’est un pays évolué doté d’excellentes institutions. Peu de corruption, Etat de droit, économie convertie à la libéralisation financière. Réglementation et surveillance prudentielles de qualité. »
Mishkin. — Là était l’erreur [en 2008, l’économie islandaise s’effondrait, ndlr]. Il est apparu que la réglementation et la surveillance prudentielles n’étaient pas satisfaisantes.
— Qu’est-ce qui vous a fait croire le contraire ?
— On s’en remet aux informations dont on dispose. Et l’opinion générale voulait que l’Islande ait d’excellentes institutions et soit très évoluée.
— Qui vous l’avait dit ? Quelles recherches aviez-vous réalisées ?
— On parle à des gens, on se fie à la banque centrale qui, finalement, n’a pas été à la hauteur.
— Pourquoi vous être fié à la banque centrale ?
— On s’en remet aux informations qu’on a.
— Ça vous a rapporté combien ?
— J’ai été payé... Le montant est public.
Mishkin a reçu 124 000 dollars [environ 95 000 euros] de la chambre de commerce islandaise pour rédiger son étude.
— Sur votre CV, le titre du rapport « Stabilité financière en Islande » a été changé en « Instabilité financière en Islande»...
— Oh... J’ignore pourquoi, mais... Il y a peut-être une coquille.
Mishkin n'est pas le premier venu : outre ses activités d'universitaire, il a été au conseil d'administration de la Federal Reserve et a été consultant pour La Banque mondiale et le FMI.