Attention ... retour de week-end festif, alors neurones pas frais...
Les photographies du tour de France de R. Depardon sont faites à la chambre 20x25, ce tour est prévu pour durer 5 ans.
La forme de l'image est moins séduisante de prime abord que les clichés de voyages au Leica, qui collent plus au cliché du photographe baroudeur.
Travailler à la chambre demande tellement de temps et de précision, qu'un tel cadrage ne peut pas être le fruit du hasard ou d'un coup de bol, comme il arrive si souvent d'avoir qd on reste le doigt appuyé sur le déclencheur d'un compact ou d'un reflex.
Alors pourquoi un tel cadrage ? Pourquoi une telle sensation de banalité ?
De mon point de vue, ce n'est pas la (fausse) banalité du cadrage qui doit nous interpeller, mais la banalité du lieu lui-même. Ne croisons-nous pas 500 fois par an de tels endroits ? S'il n'y avait pas cette légende, la station pourrait être au sud de Lille, de Strasbourg ou Limoges.
C'est parce qu'il arrive à nous faire passer cette impression que je trouve le cadrage réussi.
Avec cette photo, on remarque que la station se casse la gueule, on regarde la statue au centre du rond-point, on fait attention à l'architecture des constructions, etc., on explore cet endroit comme sans doute personne ne le fait lorsqu'il passe par là.
Ces lieux, nous les voyons tous, mais nous ne les regardons pas, pourtant, ils constituent 95 % de nos zones de vie, mais nous nous acharnons à ne photographier que ce qu'il a de plus remarquable et clinquant dans les 5 % restants.
Dans un tour de France, qui est une sorte d'inventaire, il serait curieux de ne pas témoigner de ces espaces.
"Le quotidien, ou le banal, constitue la catégorie artistique la plus fondamentale et la plus riche. Bien qu'il semble familier, il est toujours surprenant et nouveau. Mais, en même temps, il y a un côté ouvert qui permet aux gens de reconnaître ce qu'il y a dans l'image, parce qu'ils ont déjà vu quelque chose comme ça quelque part. Le quotidien est donc un espace dans lequel les significations s'accumulent, mais c'est sa réalisation en image qui élève ses significations au niveau de la délectation."
Jeff Wall (Entretien avec Jan Tumir, Artforum 2001)