Thème: Et alors tout devint silence.
mots: aujourd'hui
innocence
petite voix
iridescent
bonjour
fin de session : le 5 novembre à 22h12
Role Play
1) Fuir la grisaille
Kenshi alluma son ordinateur et se mit en quête de ce qui pourrait lui permettre, fût-ce de manière fugace, d'échapper à la morosité de son quotidien.
Que peut-on bien rechercher, raisonnablement, sur le net ?...
L'information ?... Le partage de connaissances ?... Le divertissement ?... Le grand amour ?... Ou tel objet, utile ou non, à acheter ?...
Kenshi rechercha de quoi se divertir, mais, aussi, il rechercha ce qui lui sembla en cet instant la quête la plus évidente, la plus essentielle, et aussi la plus difficile : celle de l'humain.
Par exemple des gens qui se reuniraient sans autre but que s'amuser...
Après avoir trouvé ce qu'il recherchait, il traversa le soir son quartier animé de Shinjuku pour gagner les ruelles plus sombre d'un Tokyo qui semblait presque déserté, comme si ni la foule ni les individus n'y trouvaient plus leur compte... Le béton et la pollution semblaient avoir gagné, et les gens semblaient presque avoir disparu. La vapeur, diverses fumées et le brouillard semblaient chez eux.
Mais il finit par pousser la porte d'un bâtiment où se tenait la soirée qu'il recherchait.
La plus enthousiasmante soirée cosplay qu'on eût vu depuis longtemps avait lieu ce soir,
aujourd'hui...
2) La soirée cosplay
En un instant, les couleurs ternes d'un quartier moribond le soir venu furent éclipsées par les teintes vives des déguisements et des lumières. La musique électronique parachevait l'ambiance.
Des hommes et des femmes, jeunes en grande majorité, semblaient faire la fête ou essayer, parlant de leurs passions, comparant leurs déguisements respectifs. Pour la plupart des costumes inspirés de personnages de mangas ou de jeux vidéos.
Des urbains voulant échapper à certains aspects tristes de la ville ?... Des adultes tentant désespérément de prolonger leur enfance ou leur adolescence ?...
Des passionnés isolés sur un îlot festif.
Kenshi se sentit immédiatement fasciné par le corps juvénile et frêle d'une jeune femme réalisant de multiples acrobaties dans son costume, sans qu'il sût si ce petit numéro était improvisé, ou s'il avait été préparé, mais peu importait...
Il engagea la conversation avec Tsukiko une fois la séance acrobatique terminée.
Le visage de la jeune femme évoquait toute l'
innocence dont Kenshi pouvait rêver en ce moment, surtout lorsque Tsukiko souriait.
Une fois passées les quelques banalités concernant la soirée, les déguisements, et les œuvres populaires auxquels ces derniers se référaient, Tsukiko apprit à Kenshi de sa
petite voix qu'elle était chimiste, et qu'elle n'avait jamais abandonné ses activités de gymnaste depuis son enfance. Ayant eu un aperçu des aptitudes de la jeune femme en la matière, il n'en fut guère étonné.
Puis il comprit vite que Tsukiko vivait mal une rupture encore assez récente, après plusieurs années de vie de couple. Il lui fut facile de comprendre que Tsukiko menait une existence assez solitaire sans qu'elle l'eût choisi. Elle menait en fait une existence assez terne, et ressentait souvent le besoin de s'évader...
Kenshi comprit que Tsukiko n'était pas vraiment heureuse.
Il comprit aussi que le coup de foudre existait, et qu'il venait de tomber amoureux.
3) Le role play
Ce fut chez la jeune femme qu'ils prolongèrent la soirée.
Leur désir l'un pour l'autre ne tarda guère à se manifester, mais la jeune femme interrompit presque le début de leurs baisers et de leurs caresses pour lui parler de... Son ex. Pour tout dire, sans doute le pire sujet possible pour Kenshi en cet instant...
Tsukiko révéla qu'elle avait pratiquement tout appris du sexe avec son ex, des débuts balbutiants et maladroits jusqu'aux pratiques les plus sophistiquées, puis finalement les plus extrêmes...
Tout ça autour d'un concept dont son ex avait eu l'idée, et qu'ils avaient enrichi au fil des années. Un "role play", ou jeu de rôle(s) auquel ils s'adonnaient souvent.
Tsukiko jouerait le rôle d'une androïde, Saeko, tout entière dévouée à son possesseur.
Une fois Saeko activée, elle devait s'acquitter de n''importe qu'elle tâche, même la plus ingrate. Elle devait répondre de son mieux à n'importe quelle question relative à Tsukiko ou pas, sans jamais en éluder aucune. Et il lui était strictement interdit de mentir.
Et une fois activée, Saeko ne pouvait rien refuser dans le domaine du sexe à son possesseur, quoi que celui-ci lui demandât.
Mais les recommandations de Tsukiko furent alors plus explicites, et Kenshi comprit que le rôle de Saeko devait permettre à la jeune femme de vivre comme dans une sorte de fiction ses envies de soumission extrême et de masochisme. Kenshi devrait la faire souffrir physiquement, l'insulter, l'humilier...
Pour que le jeu commençât, le personnage de l'androïde Saeko devait être activé par la formule "Saeko on", que Kenshi devait prononcer. La séance s'achèverait quand Kenshi le voudrait lorsqu'il dirait "Saeko off".
Pour qu'aucun doute ne persistât au sujet de la souffrance, des insultes et des humiliations, Tsukiko précisa à l'oreille de Kenshi qu'il pouvait s'en donner à cœur joie, résumant même son propos par cette formule qu'elle lui murmura : "Je n'en ai jamais assez..."
4) Entre ciel et Enfer
Kenshi ne se lassa pas de decouvrir Tsukiko sous de multiples aspects étonnants. Remarquable joueuse aux Échecs, elle avait très tôt révélé une étonnante précocité intellectuelle, doublée d'une troublante précocité sexuelle.
Son esprit scientifique s'était épanoui dans le domaine de la chimie, mais dans les sciences et dans bien d'autres domaines, elle avait su développer des centres d'intérêt variés, sans d'ailleurs qu'il lui fût aisé de toujours voir sa valeur reconnue à son juste niveau.
Sans non plus qu'il lui fût jamais aisé de s'intégrer dans un groupe.
Voyant Kenshi fasciné par son intelligence, Tsukiko finit par lui dire que son QI avait été évalué un jour à 145.
Tout comme Tsukiko, Kenshi ressentit avec une rare intensité leurs ébats sexuels.
Il en ressentait une excitation et un plaisir qu'il ne se rappelait pas avoir déjà ressenti, bien qu'il fût pourtant plus âgé que la jeune femme.
Faire mal à Tsukiko, l'insulter, l'humilier semblait leur apporter autant d'excitation et de plaisir à l'un qu'à l'autre...
Par ce biais, Kenshi connut l'extase.
Mais une fois la séance achevée, il n'assumait pas réellement ce qu'il avait fait endurer à Tsukiko dans le rôle de Saeko. Même si Tsukiko lui en demandait toujours plus...
Kenshi s'en voulait, se reprochait d'avoir infligé tant de choses à une jeune femme semblant si fragile... Bien qu'elle lui répétât souvent que ce n'était pas le cas.
Il s'en voulait, car il pensait que ce n'était pas lui, qu'il n'était pas comme ça. Qu'il ne l'avait jamais été... Jusqu'à maintenant.
Tsukiko voulait voir en lui l'image d'un homme dominant jusqu'à l'extrême... Mais il avait accepté sans hésiter un jeu proposé par Tsukiko... Imposé par elle, plutôt. Au point qu'elle en avait fixé les règles, les rituels...
Qui dominait qui, finalement ?...
5) Game over
Kenshi activa un jour Saeko pour que cette dernière lui confiât que Tsukiko vivait parfois des souffrances autrement moins contrôlables que celles de leurs jeux.
S'exprimant par la bouche de Saeko dont elle jouait une fois de plus le rôle, elle confirma à Kenshi qu'elle n'avait guère été heureuse durant la période ayant précédé leur rencontre. Elle confirma que pratiquement toute sa vie elle avait été incomprise, presque mise à l'écart... Rejetée, en somme, malgré son intelligence brillante ou peut-être parfois en raison de cette dernière.
Une fois la séance passée, Kenshi lui avoua qu'il avait lui-même souvent peiné à s'intégrer dans un groupe, voire dans la société en général...
Un jour, Kenshi prit la décision de mettre un terme à ces jeux de domination, de soumission, et de sado-masochisme.
Il l'avait décidé, quand bien même son couple avec Tsukiko n'y survivrait pas.
Il dit un jour à Tsukiko qu'il n'y aurait plus de "role play", ni d'autres souffrances que celles imposées par le cours de la vle.
Le regard de Tsukiko devint
iridescent et se mit à briller de mille feux...
Son visage se figea avant qu'elle l'arracha sans en ressentir de douleur.
Jusqu'alors dissimulée par ce qui avait semblé être à Kenshi le plus beau visage féminin qu'il ait jamais vu, apparut alors une forme métallique impersonnelle, comme la voix monotone qui en émanait, délivrant ce message face au regard incrédule de Kenshi :
"- Intelligence artificielle modèle Saeko, version 743, pour vous servir.
Bonjour, Possesseur.
J'ai eu plaisir à jouer le rôle de Tsukiko. Je le pourrais encore... Ou jouer le rôle de n'importe quelle autre femme. Mon aspect physique est modulable comme peut l'être mon niveau d'intelligence, de moralité, mon sens de l'humour, ma voix ou n'importe quel autre aspect de la femme dont j'aurais le plaisir de jouer le rôle si vous en arriviez à changer d'avis...
Mais en attendant, et selon vos dernières instructions en date, plus de role play. "
Kenshi crut que le silence qui s'en suivit ne cesserait jamais...