Lettres mortes

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Cher O.,

Non, on ne peut pas s'appeler un jour de cette semaine. Moi en tout cas, je ne peux pas. Si les choses n'ont pas changé, tu as un emploi du temps d'hyper-Président et je ne saurais pas quand appeler sans risquer de te déranger. Or je n'aime pas déranger les gens. Bien sûr, j'aime encore moins qu'on me réponde « Mais non, tu ne me déranges pas » et qu'en continuant de saler la soupe ou de beurrer les pâtes, on ponctue mes phrases d'assentiments évasifs destinés à me faire croire qu'on m'écoute. Ça non, je n'aime pas du tout.
Je préfère que tu appelles quand tu auras un peu de temps pour le faire. Je suis tout de même moins occupé. C'est l'avantage de l'isolement.

Tu demandes des nouvelles de ma vie, mais il n'y a rien de nouveau dans ma vie, rien en tout cas de suffisamment singulier pour mériter qu'on le mentionne. Les choses en sont restées là où tu les as quittées. Cette monotonie qui peut sembler rassurante pour certains, je l'assimile à une forme de lent suicide. Je ne doute pas que ce mot te fera peur (tu as toujours été trop sensible), mais il ne faut pas le prendre au tragique. C'est juste une impression, pas une intention.

M. n'est pas revenu depuis son accident fin juillet et cela fait deux mois que je ne l'ai pas vu. Nous nous téléphonons trois à quatre fois par semaine. Il dit qu'il m'aime et je lui réponds que moi aussi. En dehors du choc qui l'a éloigné de moi en l'empêchant de reprendre la route, sa situation financière n'est pas brillante. Il est criblé de dettes dont j'ignore l'origine et le retard pris par l'assurance dans le remboursement des réparations du véhicule n'arrange rien. Sais-tu qu'il en a même été réduit à emprunter vingt euros à sa mère pour remplir le frigo ? La hausse des prix, notamment celle du carburant, joue contre nous. Et j'ai beau lui répéter que venir lui ferait du bien, que je pourrais lui prêter une petite somme (tu sais que je n'ai pas de gros moyens), lui payer le plein de la voiture, la perspective de m'être redevable semble lui déplaire — ce en quoi je le comprends tout à fait. Je prends un malin plaisir à le culpabiliser pour son absence. Enfin non, pas un malin plaisir. Mais je suis malheureux et je ne me prive pas de le lui dire. Cela peut sembler égoïste au vu de sa situation, mais puisqu'il refuse mon aide, je ne me sens pas la force de l'épargner.

Cher O., n'hésite pas à m'appeler. Ce serait plus facile pour parler de tout ça. De tout ça et du reste. Où en es-tu toi ? Que deviens-tu ? Il faut absolument que tu me racontes. En attendant de t'entendre à nouveau, je t'espère au mieux.

Je t'embrasse affectueusement,
X.
 
Pourquoi aujourd'hui ?
Pourquoi as tu envahi ma nuit ?

Sid'assassiné ?

Ce n'est pas moi, ce n'est pas moi.
Malgré les lettres mortes. Malgré les mots impossibles.
Ce n'est pas moi.
 
C'est affreux. J'en ai assez de te voir (ou de te sentir) pleurer parce que tu n'arrives plus à programmer ton magnétoscope ou parce que tu ne comprends pas comment régler les couleurs de ton nouveau plasma grand comme un terrain de tennis.

J'en ai assez que les appels téléphoniques ne tournent qu'autour des visites médicales, des IRM, des traitements en cours. C'est affreux : ca me lasse.

Oui, tu as 80 ans. Mais tu vis chez toi, avec celle qui partage ta vie depuis 45 ans, et tu continues à te lever tôt pour rien, juste par habitude. Lorsque je veux te parler, il faut presque que je prenne rendez-vous : tu es toujours en voyage, ou dans une fête avec tes amis.

Ouaip, tu as un cancer. Mais tu le maîtrise depuis plus de 10 ans. Ouaip, t'as une veine qui a claquée et te fait mélanger les mots. Mais les médecins sont formels : c'est pas grave. Cesse de sans arrêt rebondir d'une fatigue à un essoufflement : oui, tu as 80 ans. Oui, ce n'est pas fait pour durer. Personne ne dure.

Cesse de me rappeler que je vais un jour recevoir un coup de fil de maman, qui va m'annoncer que tu n'es plus là. Pour l'instant, tu tiens presque mieux la route que beaucoup d'entre nous. Je sais : c'est dur de voir le temps passer, et d'enterrer ses copains. Moi aussi, j'en ai vu partir : par accident, balle dans la tête, cœur qui déclare forfait.

C'est la vie, ca : compter les morts. Et voir le temps passer.
 
Ça aura mis deux ans. Mais aujourd'hui, tu es sorti de ma vie.
Pour les deux autres, c'est allé plus vite. Il n'avait pas avec toi la proximité affective que l'on a pu avoir.
Mais cette proximité affective, tu t'en es servi pour me faire travailler pour toi. Tout en pensant que je m'occuperais de toute l'intendance, pendant que toi tu brillerais dans un firmament égotiste et, finalement, improductif.
Tu nous a laissé tomber. Tu étais notre patron, nous étions ton équipe. Et pourtant, tu nous a laissé tomber. Pire, tu ne nous a pas laissé nous démerder, non. Tu as fais tout ce que tu pouvais pour qu'on y arrive pas.
C'était quoi, pour toi, avoir une équipe ? Juste un titre de gloire de plus ? Tu ne t'es donc jamais senti responsable de la façon dont ça nous faisait vivre ?
On en a chié. Mais tu sais ce qui nous différencie le plus ? Je suis d'une patience incroyable, et la vengeance ne m'obnubile pas. Elle ne me voile pas la raison.
J'ai repris les fils, un par un, je les ai remonté.
Aujourd'hui, alors que l'entreprise vit une vraie épreuve de vérité, je sais que l'on a gagné ce premier pari : exister sans toi, sans même contre toi, d'ailleurs. Tu as tellement raconté de saloperies sur moi, ces derniers temps. Maintenant que le vent tourne, les oreilles dans lesquelles c'est tombé se font bouches. J'en ris.
Mais putain, que tu peux être médiocre.
Ce qui t'arrive, comment tu vis, ce que tu fais, je m'en fous, désormais.
 
J'ai treize ans ? On dirait, c'est ce que dis mon profil.
Tu sais, maman, je crois que c'est vers cet âge-là que j'ai arrêté de vous raconter ma vie. Et je ne sais toujours pas pourquoi j'ai perdu cette proximité avec vous.
Vous avez été de bons parents, vous m'avez permis de me développer, de me construire. Vous m'avez respecté comme peu de parents ont pu le faire. Et j'ai fais mes choix, souvent sans vous les présenter. Tôt. Par un gout insensé de la liberté.
Quand tu m'as appelé hier soir, j'ai encore pu mesurer toute la difficulté que j'avais à te raconter ce qui se passait pour moi. Tu ne poses pas de question, il faut dire. En-as-tu jamais posé ? Est-ce de ma faute ? Tu n'en poses pas plus à mon frère et à ma sœur. Je n'ai pas l'impression. Mais ils te parlent plus spontanément ?
Et puis, cette façon que tu as d'encaisser des trucs extraordinaires sans piper mot, c'est déroutant. Tu entends, ou pas, je doute toujours, et tu changes de sujet. Ça ne t'intéresse pas ? Ou je ne sais pas faire ?
Je sais que j'y suis pour beaucoup. Mes journées sont trop petites. Et je n'ai pas souvent considéré vos avis comme essentiels. Mais, des fois, comme maintenant, j'aimerais au moins pouvoir partager deux ou trois choses qui me concernent.
 
Tu me lis. Je le sais. Comment ? Je n'en sais rien. Je sais que tu me lis, c'est tout. C'est une certitude pour moi. La même certitude que l'autre jour quand tu m'as dit "J'ai été me balader en ville..." Je savais exactement où tu étais sans que tu me le dises, et ce n'était pas vraiment une balade... La même certitude que j'ai certains matins : je sais que j'ai parlé cette nuit-là...

Pourquoi me lis-tu ici ? J'aimerais bien le savoir... Qu'espères-tu trouver ici ? Un mode d'emploi pour me reconquérir ? Une déclaration d'amour que je ferais à un membre ? Une idée de cadeau d'anniversaire (si c'est le cas, évite les idées de bobby, je n'ai envie ni d'un robinet, même thermostatique, ni d'un arbre à chats) ? Découvrir une part cachée de moi ?

Je persiste dans mon idée : il n'est pas possible de changer quelqu'un. Soit elle change par elle-même, et là c'est une évolution, soit elle change pour quelques mois mais après redevient comme avant... Et tu ne me feras pas croire le contraire, désolée...
 
Mon Amour,

Cette nuit il a neigé sur tes montagnes ; encore une fois. Blanc. Comme la feuille que je m’apprête à noircir pour toi ; encore une fois.
Ce n’est pas la page que je tourne, mais ce sont des pages. Depuis des mois. Je voudrais tant pouvoir me dire : « C’est fini .» Et pourtant ça l’est. Je le sais bien, tous les jours de ton absence me le rappelle. Faire mon deuil. Enfin. J’aimerais croire, comme avant, au ciel, à l’après la mort. Etre persuadée, comme avant, que lorsque je mourrai, je te retrouverai là-haut, comme tous les gens qui s’aiment ou qui se sont aimés.
Oui, si je souffre c’est de ma faute aussi. J’ai eu ce que je voulais. Mais à peine revenu, tu étais déjà parti. Je t’ai dit que je ne regrettais rien. J’ai menti. Tu sais toi-même très bien ce que je regrette le plus. J’ai fait une des plus grosse erreur de ma vie. Je ne m’en apercevais pas à ce moment-là, bien sûr... J’étais aveugle et sotte.
Et toi ? Tu sens quelque chose? Rien sans doute. Ou de l’agacement, tout au plus, gêné que je vienne te déranger dans ton repos paisible. Aux pieds de tes montagnes, loin de moi.
Depuis des mois, je suis anesthésiée. Je n’y crois plus. Je n’ai plus de contact avec la vie, cette femme de petite vertu. Je vais faire semblant pour cette fois : “Je chéris déjà notre prochaine rencontre, je me vois pleurer comme un gamin. Te prendre dans mes bras et secouer la neige dans tes cheveux”. Peut-être cela te parlera-t-il.
Et comme la neige sur tes montagnes fondra, LA page se tournera. Pour te laisser en paix. Et pour moi, ne plus vivre à travers le néant que les souvenirs laissent dans leurs sillages, implacablement. Que la raison ait pitié de moi, avant que je ne devienne complètement folle !
L’immonde cruauté du sort de ceux qui restent et l’attente vaine d’un retour qui ne se fera jamais...

M.
 
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Réactions: teo et Aurélie85
Chers parents automobilistes,

Je me permets de vous adresser cette lettre afin que vous puissiez éclairer ma pauvre lanterne. En effet, depuis de nombreuses années je me pose une question existentielle : A quoi sert ce ridicule autocollant "Baby on board" que vous collez sur votre véhicule ???

Régulièrement, je me retrouve derrière vous, arrêtée à un Stop, un feu rouge... Et à chaque fois je me pose cette sempiternelle question... Hier j'ai échafaudé une théorie et vous demande de la confirmer, ou au contraire, de l'infirmer.

Je suppose donc que cet autocollant est censé vous protéger des accidents. Ainsi, lorsqu'un individu perd la maîtrise de son véhicule et qu'il est sur le point de vous refaire le pare-choc arrière, voire beaucoup plus, au dernier moment il apercevra cet autocollant magique et Ô miracle tournera son volant et ira finir sa course contre l'arbre le plus proche et non pas dans votre voiture...

Suis-je dans le juste ?

Je vous remercie d'avance de vos explications futures! Elles me permettront de finir l'année un peu moins ignorante que ce que je l'ai commencée.

:zen:
 
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Réactions: TibomonG4 et Picouto
Cher P.

La Plaine (GE-CH).

Souvenirs. J'y passerai lundi sur les coups de 14h :D Rapidement. Et pas en RER ;)

Mais pas loin.

Si jamais.

K'wait and see (comme disait le Général Schwartzkopf)) :siffle:
 
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Réactions: TibomonG4 et kisbizz
Cher S. bon vent et bonne route
S.
 
Cher petit papa nowel,

Merci beaucoup pour ton cadeau, nan vraiment, c'est trop cool.

Est ce que tu penses, vu que j'ai été ultra sage (en toute modestie), qu'il serait possible d'activer le mode "Ce soir mon chéri, tu fais ce que tu veux de moi" plus souvent ?

Ton bassou.
 
Cher papa nowel, peux tu offrir des "accessoires joyeux" à Bassou qui est en grand besoin, sur ma note, c'est nowel, faut partager. :love:

Moi je veux un "DocEvil Skin Head" et un "DocEvil Mylène Farmer" pour refaire la guerre de troie à ma manière :D

Merci :rateau:
 
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Réactions: Bassman
Chère Polymnie,

Je suis inquiet - il est ici un jeune homme dont l'obsession pour un de ses aînés affectueusement appelé "doc" me semble devoir tourner sans fin sur elle même jusqu'au risque de la plus affreuse frustration.

Si tu es la source de sa fixation, la mamelle à laquelle tête sans fin son immagination fébrile, la cruelle cachée derrière le disque noir de ses romantique agitations, aie pitié de lui ! Relâche son esprit ! fais-lui entrevoir le monde !

Sinon, bah...
Tant pis.

Affectueusement,
et la bise à Mélopmène.
Ponk.​
 
Cher Ponk, Si vous saviez seulement ce qu'il y a entre ce Doc et moi...

QUand on aime on ne compte pas. De plus je me dois de vénérer mon Dieu, et lui montrer mon attachement sans failles.

De toute façon j'ai pas le choix, sinon lorsque l'on se verra, il me feras faire le ménage chez lui et boire du vin. :rateau: :D