Question aux profs (et aux pros)

krigepouh

Membre expert
Club iGen
28 Novembre 2000
1 819
33
Paris
Bonjour,
je dois enseigner quelques cours d'Adobe InDesign/Quark XPress à des élèves graphistes. Quel est à votre avis l'orientation à prendre pour ce type de cours qui doit être orienté "création" et non pas "technique", quels type de cours cela doit-il être ?

Je précise que je suis un professionnel, utilisateur quotidien de la suite CS (récemment CS2), pas un professeur.
 
Ça me parait bizarre voire contradictoire, cours de logiciel et création/pas technique.

Soit c'est un cours de créativité en mise en page, et là pas besoin de logiciel pour comprendre ce que c'est, au contraire, je crois qu'il faut s'en éloigner le plus possible, abstraire et extrapoler le plus loin possible pour acquérir le fondamental, l'application des principes sur l'ordinateur venant en tout dernier lieu car ce n'est que de l'exécution et du peaufinage.

Je me souviens d'un prof de mise en page dans mon école qui organisait des stages week-end à la campagne où il faisait faire de la "mise en page" avec des bouts de bois, feuilles d'arbres, mousses, ramassés dans la forêt du coin...

Soit c'est vraiment l'apprentissage du logiciel, et là, à part l'apprentissage des contraintes techniques d'imprimerie, autant on peut pousser loin dans la virtuosité des raccourcis claviers, dans l'ingéniosité de montage pour arriver à ses fins, autant je crois que c'est vraiment limiter la mise en page à de l'exé informatique, alors que justement ce qui fait un bon créatif, ce n'est pas seulement la connaissance du matériel.

Bref j'ai du mal à imaginer concilier les deux, même si j'imagine que tes élèves ont d'autres matières dont l'ensemble forme un éventail le plus large possible des horizons créatifs.

En plus, quelques cours, c'est peu pour apréhender la mise en page dans l'absolu, suffisant pour apréhender les logiciels sans toutefois les maîtriser.
 
Je donne des cours aux beaux-arts.
Je vois au quotidien des étudiants manquant tellement de technique qu'ils ont du mal à être créatif en ne pensant plus à l'outil.
Soit il en abuse, soit ça manque cruellement de rigueur.

Je ferais une petite introduction sur la mise en page classique et ses codes. là je suis d'accord avec le post au dessus : pas besoin d'ordi : ça les frustrera un peu et tant mieux.
Alinéna, code typo de base, légende, note, italique, citation, pourquoi un caractère linéal pourquoi un empattement.
Bref très rapidement balayer ce qui fait une mise en page. et le sens qu'implique tel u tel choix.

Ensuite je montrerais les possibilités techniques de logiciel.
Après les avoir un peu mis à l'aise avec ce que pouvait faire le logiciel.
Leur montrer tout ce qu'il ne faut pas faire et qui est moche dès qu'on abuse de la technique.

Enfin pour terminer je leur montrerais des exemples de graphistes typographes qui ont marqué leur temps. par exemple es livres de graphismes, de typographe, des journaux ... etc.

Je leur ferais un peu peur aussi sur un point qui me semble essentiel : tous nos logiciels sont capables de faire ce que faisait avant beaucoup de gens dans des métiers séparés : Il y a une grande différence entre maîtriser tous ces outils et les utiliser.
C'est long pour être compétent

Ch'ais pas un plan du genre.
Combien de temps de séance as-tu ?
 
Merci pour l'ensemble de vos réponses, je pensais plutôt comme vous en effet, c'est-à-dire présenter les bases du graphisme, sans forcément passer par l'ordi ; cependant ils ont déjà des cours de graphisme avec un prof dédié, il risque d'y avoir redondance ! Mon intervention devant durer un semestre (à raison de 2 heures par semaine soit 15 séances), doit se concentrer sur l'usage de la suite CS (et XPress) à des fins créatives...
Difficile en effet de débarquer, de stimuler ces futurs espris créatifs, si ceux-ci ne savent pas utiliser la palette des styles de paragraphe dans InDesign ou créer un bloc texte dans XPress.
Peut-être faut-il que je leur trouve des exercices qui utilisent la CS2 ou XPress orientés "création", des exercices qui durent 3 ou 4 séances ; Yama aurais-tu des informations ou des conseils à ce sujet ?
C'est la raison pour laquelle tout ceci n'est pas très clair pour moi, je vais essayer d'en savoir plus.

A+
 
Important : Ne surtout pas oublier de leur faire toucher du doigt la connotation typographique. Ou pourquoi on utilise une gothique pour une bière d'abbaye et non pas pour une bouteille de lait.
Sinon je me souviens d'un prof qui avait commencé ses premiers cours en nous faisant réaliser chacun notre propre logo (conception) par des crayonnés et ensuite nous en avait fait faire l'éxé (PAO) en nous y ajoutant des contraintes (nombres de couleurs, durée de l'exé imposée etc...) pour nous faire comprendre que tout est permis mais uniquement dans un cadre donné (lisibilité et visibilité, budget, temps passé, etc...). Une fois l'exé terminée il nous avait fait faire des déclinaisons simples (carte de visite, papier-en-tête, carte de correspondance, etc.) et puis ensuite des déclinaisons plus élaborées comme tee-shirt, véhicules, point de vente, affichettes, packaging de lessive (lol) etc...
Cet exercice réparti sur plusieurs cours nous avait permis d'intégrer à la fois la création et la technique et leurs contraintes respectives.
 
UN bon exercice est de prendre un texte illustré et légendé comme un article de journal long (monde diplomatique)
et de leur demander de refaire une mise en page avec une autre orientation.

Immaginons un format différent et un objectif différent comme un livre scolaire par exemple.

Le truc c'est de ne pas s'arrêter sur un tel exercice... c'est peu créatif : mais ça permet une manipulation de logiciel et c'est une introduction au sens d'une mise en page.

Dans un deuxième temps, tu leur commandes un texte et des images : et une solution pour mettre ne page. et surtout tu laisses beaucoup de vide dans tes explications.
Certain iront vers du contemporain, de l'installation, d'autres vers du journalistique, de l'édition, d'autre vers du livre illustré, un conte ou je sais pas quoi, d'autre encore vers le tract... etc.
Certain vers un pur exercice de mise en page : du graphisme pur. d'autres vers le fanzinat (introduire le fanzinat) est une bonne chose.

Parler de la destination : pas la peine de faire des belles nuances de gris si ça doit passer à la photocopie.

Parler des mouvances punks, comme des journaux féminins parfois leader dans les années 60 au niveau graphisme. Évoquer la signalétique, du graphisme des institutions toujours pompé sur les apports du graphisme suisse.

voir plus moderne les expériences qui ont été tentées par le mouvement Emigre.... je sais pas moi il y a mille choses à montrer, à faire
 
Yama a dit:
...du graphisme des institutions toujours pompé sur les apports du graphisme suisse...
:D

Merci pour toutes vos infos, j'avais oublié ce bon Peter Gabor, j'ai bookmarké :up:
Yama, merci pour tes axes de travail, je vais potasser tout çà. Y'a pas à dire ce forum est un VRAI réconfort-soutien (tout ce que vous voulez) quand on est dans les affres :) .
 
Yama a dit:
Parler de la destination : pas la peine de faire des belles nuances de gris si ça doit passer à la photocopie.
... sans oublier le côté un peu technique de la rastérisation des fichiers PostScript, c'est à dire comment ce qui est affiché à l'écran va être traité par la flasheuse (et donc imprimé par une presse offset ou un chassis de sérigraphie)...
... avec les différents résultats obtenus pour les images "au trait", "ton continu" et vectorielles en fonction des résolutions d'image, des résolutions de flashage et des linéatures d'impression... (pourquoi un logo JPEG et un texte pixellisé dans une image CMJN de Photoshop donnent un résultat imprimé médiocre, voire même merdeux et donc pourquoi il ne faut pas utiliser Photoshop pour faire de la mise page de textes...)

Là, tu as du boulot !!!
 
krigepouh a dit:
Bonjour,
je dois enseigner quelques cours d'Adobe InDesign/Quark XPress à des élèves graphistes. Quel est à votre avis l'orientation à prendre pour ce type de cours qui doit être orienté "création" et non pas "technique", quels type de cours cela doit-il être ?

Je précise que je suis un professionnel, utilisateur quotidien de la suite CS (récemment CS2), pas un professeur.

Je ne suis ni prof ni pro, mais je rejoins YAMA sur l'importance d'être libre techniquement pour pouvoir s'exprimer pleinement. Cela est valable dans l'art, le sport et toute activité dont la maitrise techique est un prérequis.

Pour la redondance éventuelle des cours avec le prof de graphisme, renseigne toi car ce serait dommage...

Comme tu as 15 séances répartis sur un semestre, tu pourrais axer un cours sur une technique avec un exercice très technique à réaliser pour la session suivante et baser le cours suivant sur un aspect créatif utilisant la technique précédemment apprise et normalement acquise. Tu procèdes ainsi pour l'ensemble de ta session et tu peux finir avec les 3 derniers cours orientés création pour garder l'orientation définie au départ.
:zen:
 
Ben oui, aujourd'hui on en est là... pour deux raisons :

1- parceque beaucoup d'utilisateurs des logiciels de PAO ne connaissent pas les bases de photogravure et d'informatique nécessaires pour comprendre le mécanisme de la rastérisation des images et de la création des trames, et donc n'ont pas compris la différence de rendu entre un élément vectoriel, un élément "au trait" et un élément "ton continu"... : grosso-modo, beaucoup croient qu'une presse offset sort exactement ce qui est à l'écran, donc si c'est bien à l'écran, ça sera bien imprimé (sans savoir comment ça se passe, mais ce n'est pas leur problème, c'est le travail de l'imprimeur...)

2- parceque Adobe a inclut dans Photoshop une gestion du texte vectoriel, mais sans que ce texte soit conservé vectoriel à l'importation de l'image dans XPress ou InDesign... et beaucoup pensent que puisque ces fonctions existent dans un logiciel professionnel de PAO, c'est qu'elles sont utilisables pour un travail à imprimer...


Donc de plus en plus de bricoleurs (mais ça c'est normal me diras-tu) mais aussi de graphistes plus ou moins pros utilisent ces fonctions pour des mises en page simples de une ou deux pages (affiches, cartes de visite, dépliants 3 volets ou 4 pages) tout simplement parceque ça leur permet de visualiser d'un seul regard en travaillant sur un seul fichier l'ensemble de la page texte + image, sans avoir besoin de passer d'un logiciel à l'autre (tu comprends, c'est pénible de devoir ouvrir l'image dans Photoshop, faire les modifs, revenir dans XPress, mettre les images à jour, retourner dans Photoshop pour re-modifier un détail, revenir dans XPress, refaire la mise à jour des images, repartir dans Illustrator, modifier un truc, re-revenir dans XPress, re-refaire la mise à jour des images, etc.).

Après, pour flasher, au mieux on a les fichiers natifs PSD non-aplatis dans lesquels il est possible de récupérer le texte vectoriel, ce qui permet de faire quand-même un travail de qualité, moyennant une grosse perte de temps.
Et au pire on a des fichiers JPEG (donc aplatis)... avec en prime la sempiternelle affirmation : "Ah ben j'comprends pas, j'ai toujours fait comme ça et je n'ai jamais eu de problème".


J'ai comme ça "sur le feu" un catalogues de 24 pages en quadri composées toutes une par une dans Photoshop (avec bien-sûr tous les textes en noir quadri), aplaties, enregistrées en EPS codage JPEG qualité minimale (les artefacts du JPEG sont donc bien visibles...), et importées dans 24 pages d'un doc InDesign, une image par page... et pourtant j'avais (pas assez) bien expliqué à la """graphiste""" qu'il ne fallait pas utiliser Photoshop pour le texte, mais plutôt InDesign... Et je crois que la demoiselle est dans sa dernière année de formation dans une école de PAO...

Je ne peux pas demander le triplement de mes honoraires, alors j'abandonne (ça fait partie de mes "bonnes" résolutions du début de l'année 2006) : je vais lui imprimer sa merde telle-quelle... en y réfléchissant bien, l'avantage c'est que je n'aurai aucun problème de polices !!! (on se console comme on peut !!!)
 
attention quand même à ne pas balancer toute la frustration du métier de graphiste à tes étudiants.
Elle viendra bien assez tôt :p et puis c'est hors sujet.

n'est ce pas ? Claude72 :D
 
Mon axe n°1 dans ce genre de situation, le point de vue à ne jamais lâcher tout au long de la formation : le logiciel est un outil, pas une fin. Il ne doit pas effrayer ou écraser par ses fonctions : son apprentissage dépend de ce qu'on veut en faire. Il ne doit pas non plus enthousiasmer non plus outre mesure : c'est un outil replacable. L'inspiration est ailleurs. D'abord "qu'est ce que je veux faire ?" et ensuite seulement "comment vais-je le faire avec cet outil ?".
 
Yama a dit:
attention quand même à ne pas balancer toute la frustration du métier de graphiste à tes étudiants.
Elle viendra bien assez tôt :p et puis c'est hors sujet.

n'est ce pas ? Claude72 :D
Pas de soucis là-dessus Yama, j'ai été étudiant avant eux, pas question de les déprimer ; étant "interevenant professionnel" je me dois quand même de leur dire comment çà se passe dehors, leur en toucher deux ou trois mots. Mais surtout ne pas saper l'enthousiasme.

Niconemo a dit:
Mon axe n°1 dans ce genre de situation, le point de vue à ne jamais lâcher tout au long de la formation : le logiciel est un outil, pas une fin. Il ne doit pas effrayer ou écraser par ses fonctions : son apprentissage dépend de ce qu'on veut en faire. Il ne doit pas non plus enthousiasmer non plus outre mesure : c'est un outil replacable. L'inspiration est ailleurs. D'abord "qu'est ce que je veux faire ?" et ensuite seulement "comment vais-je le faire avec cet outil ?".

Entièrement d'accord avec toi, mais j'ai remarqué qu'il est difficile de faire accepter ces notions aux étudiants, assez souvent j'ai l'impression qu'ils considèrent le logiciel comme une fin, il se place entre eux et leur créativité, résultant souvent sur des résultats plutôt moyens. Les profs peuvent-ils me confirmer cette observation ?
Le mécanisme "qu'est ce que je veux"/"comment vais-je le faire avec cet outil" est en effet primordial, mais si difficile à faire passer non ?
Remarquez je les comprends, quand on voit les "possibilités" qu'offre une CS2, c'est "light and magic", tu cliques et paf tu as des étoiles, tu recliques, ca clignote :D. C'est comme l'utilisation des filtres et des modes de fusion de Photoshop en deux-trois clics on a un truc, on ne sait pas quoi, mais un truc qui peut bluffer un autre étudiant ou un parent, mais pas forcément un pro, qui ne verra lui qu'une succession d'application de filtres sans recherche particulière. Cela ne doit pas être facile de tempérer cette envie de cliquer partout pour cliquer "intelligent".
Quel boulot j'vous jure !

:up:
 
Yama a dit:
attention quand même à ne pas balancer toute la frustration du métier de graphiste à tes étudiants.
Elle viendra bien assez tôt :p et puis c'est hors sujet.

n'est ce pas ? Claude72 :D
Je ne suis pas sûr d'avoir compris exactement cette phrase...

... mais si tu veux dire que la frustration naît chez le graphiste à cause des limitations imposées par les imprimeurs, je répondrais qu'il serait bien d'apprendre tout de suite aux futurs graphistes que ces limites sont dues aux techniques de l'imprimerie en général (et de la rastérisation), pas aux imprimeurs eux-même (même pas aux râleurs dans mon genre)... : à un moment ou à un autre, il faut "remettre les pieds sur terre" et apprendre/comprendre que tout ce que font ces merveilleux outils informatiques n'est pas toujours imprimable : ça peut clignoter sur l'écran, mais je doute que ça clignote un jour sur le papier qui sort de la presse offset... et on n'a toujours pas découvert le moyen de faire un livre avec un nombre impair de page ;)
... et donc, dans "Le mécanisme "qu'est ce que je veux"/"comment vais-je le faire avec cet outil", j'intercalerais en 2e position : "est-ce que c'est techniquement publiable/éditable" ? (quelle que soit la méthode de publication/édition envisagée : "est-ce que c'est imprimable", ou "est-ce que c'est photocopiable" ou "est-ce que ça peut être mis en ligne sur le Web"...)
 
non je disais juste ça pour amuser..... ;-) en fait

ceci dit ce que tu dis est bon : il faut avoir conscience des contraintes des techniques d'imprimerie pour éviter d'être pris en défaut et être déçu du résultat
 
Je sais pas si ça peut t'inspirer, mais le blog de Peter gabor, typographe et prof contient des analyses intéressantes sur la mise en page et il y'a des choses qui correspondent à ce qu'il montre à ses étudiants pendant ses cours...
http://paris.blog.lemonde.fr/

Merci à vous les amis pour avoir pensé à 'design et typo', je vous signale la rubrique «lisibilité et visibilité» dans la colonne de droite (blogroll), où se trouve ramassé pas mal de cas d'écoles.
Et pour vous dire que la question pédagogique, la méthode d'enseignement varie pas seulement en fonction d'une utopie professionnelle mais aussi des réalités humaines. Les élèves, d'où ils viennent, ce qu'ils savent déjà, ce qu'ils ont envie de faire plus tard. Leur motivation… tout ceci me semble doit être pris en considération pour ne pas imposer une méthodo 'x' à une situation 'y' qui ne s'y prête pas. Ellen Lupton qui enseigne aux USA par exemple prend un sujet, le fait traiter d'abord en tradi, dessins-collages etc. Pour ensuite le traiter à l'ordi mais en statique, pour finir par leur apprendre à animer leur mise en scène dans Flash. Mais vous imaginez bien que ceci prend beaucoup de temps, et hélas dans nos écoles, ni les directions, ni les élèves n'ont beaucoup de patience. Tout le monde veut du Ready-Made... basta… pas simple tout ça. Bon courage à vous. (peter)