Ouagadougou...
Ouagadougou, l'Afrique... Daktari... Pour moi, 7 ans et déjà beaucoup de dents, c'était pareil ou presque. L'Afrique se résumait aux films de Tarzan et au lion qui louchait... Qu'est-ce que j'en savais, moi, de ce continent immense ? Rien. Mais ce n'était pas grave, c'était plein d'images aussi variées qu'exotiques, des animaux extraordinaires, comme au zoo ou au cirque, des parfums d'aventures... La
planète des singes à côté, c'était de la rigolade !! Et
Ouagadougou, pour le coup, ça sonnait drôle, ça faisait rigoler, ça faisait voyager, rien qu'à prononcer ce mot, j'étais sur le pont d'un navire, le visage au vent, à essayer de capter ces senteurs africaines... Prêt à voir surgir des montagnes et des déserts immenses, des créatures fantastiques. J'en avais plein mes yeux fermés. Je m'inventais tout, les
couleurs, les odeurs, les rugissements des fauves dans la savane, les cris des singes dans la jungle, les tam-tams qui résonnent au loin la nuit... La grande aventure !! Avec tous ses dangers et aussi ses récompenses merveilleuses, ses étoiles sur des ciels immenses qui me faisaient rêver d'espaces vierges, au «
Docteur Shweitzer » que je venais de lire. Une malle magique, une joyeuse pagaille où tout était imaginable et donc possible, vrai.
Avec Patrick, mon fournisseur officiel de «
Tintin » (il avait la collection entière), on s'appropriait le salon. On déménageait les chaises, les fauteuils, on se recréait notre Afrique sous une couverture tendue au dessus de la table, notre tente, qui serait notre abri pour la nuit, contre les fauves et les crocodiles. On ne partait pas les mains vides, on prenait soin de dévaliser la cuisine avant notre départ... Ça se prépare une expédition comme ça, il n'était pas question une seule seconde d'imaginer devoir abandonner notre terrain d'aventure pour le goûter, alors on remplissait nos gourdes d'
eau fraîche et de sirop de grenadine, nos poches de biscuits fait «
maison », on piquait les piles du poste de radio pour ne pas manquer de lumière sous la «
tente » (la torche tenait jamais longtemps), on empruntait la trousse de pharmacie factice de sa soeur (ça c'était pour les morsures des méchantes bêtes, genre araignées géantes) et surtout on oubliait pas de prendre avec nous nos carabines et tout ce que pouvaient comporter d'armes nos panoplies de cowboys et d'indiens (ça se recycle très bien). Et voilà, nous étions fin prêts pour passer l'après-midi en pleine jungle.
Ouagadougou nous voilà !!
On s'amusait comme des fous, à se faire peur, à s'inventer toutes sortes d'animaux et de dangers. Le chat n'en croyait pas ses yeux, de nous voir détaler sous la «
tente » quand il faisait mine de traverser la «
jungle » du salon !! Quand j'y repense, c'était pas des aventures pour les filles, il ne nous serait pas venu à l'esprit d'inviter une
belle plante à la peau d'ébène dans notre jeu, même pas une «
Jane », même pas en rêve !! On est con parfois à sept ans. Mais une fille, ça ne sait pas tirer à la carabine, et avec ces fauves qui rodaient dans le salon... Et ça ne manquait pas. Toutes les 5 minutes, il y en avait un qui s'approchait de notre tente pour nous dévorer, ou pire, nous piquer nos délicieux biscuits !! Ahlala... Quelles frousses on se faisait !! Des hordes d'éléphants furieux et de rhinocéros incontrôlables sortaient des
dessins du tapis et dévalaient vers nous !! La maison résonnait toute l'après-midi de «
PAN ! », «
J'en ai eu un ! », «
Attention, là, un autre !! », sans compter les imitations diverses des cris d'animaux de toutes sortes que nous rencontrions.
Quel joyeux bordel ces voyages à Ouagadougou...!!