Je sais, c'est du réchauffé, du refroidi de longue date, du cadavre de la veille. Seulement, je ne suis pas totalement persuadé que la mort et la connerie soit si éloignées que le temps fasse à l'affaire de l'une ce qu'il ne fait pas pour l'autre. Survivre, même longtemps après, ça ne veut pas forcément dire oublier.
Cet après-midi, je regardais
Les Lumière de la ville avec mon père. Pour ceux qui ne connaissent pas,
Les Lumières de la ville, c'est un film muet en noir et blanc de 1931. Pour ceux qui ne sauraient pas, mon père, il est vaguement sonorisé et de 1931 aussi.
Alors on s'est installés à la salle à manger, pas loin du feu, lui dans son fauteuil, moi dans le canapé, et on a regardé le film. On s'est marrés aux facéties de Charlot, on a essuyé une larme sur le beau visage tragique de Virginia Cherrill, on a passé un bon moment.
Il y aurait des tas de choses à dire sur ce film génial et sur
Chaplin. Des gens ont fait ça, des gens intelligents et passionnés qui ont écrit des bouquins gros comme mes cuisses où ils expliquent tout, où ils dissèquent tout jusqu'au moindre détail du maquillage du clochard ou du décor de la villa du millionnaire. Tout, absolument tout, de l'élaboration du scénario à la première du film au
Los Angeles Theater après presque 3 années de tournage.
Tout ce que j'ai à en dire ce soir, 30 ans après la disparition du vieil homme de Vevey, c'est que c'était un bon moment, que Papa a ri et moi aussi, qu'il faisait bon au coin du feu et que je me sens plein d'une gratitude qui défie le temps. Je crois que rien ne meurt des rires dont on se souvient. Je me suis senti un peu connement l'envie de dire merci. C'est fait.