J'espère que ce n'est pas trop tard, mais comme je te l'avais dis Roberto, je ne pensais pas pouvoir sortir quelques chose...
Bon ben voilà...y'a ....un peu du vrai
:
Moi je naime pas la Granny Smith. Arrivée de je ne sais où avec quelques-unes de ses congénères, avatars génétiques pour un monde parfait à la Disney, elles affichent outrageusement leur perfection apparente, mais avec un goût standardisé, médiocre, sans saveur, hormis loverdose de sucre quelles contiennent. Et le pire cest quand un de ces bijoux de la manipulation agronomique test servi meurtri. Elles font pitié comme ces bimbos sur gonflées sur le retour dâge, quand le silicone commence à fuir par toutes les coutures.
Non ce que je préfère cest la Reinette, Grise ou Canada. Ça cest de la pomme. Cest vrai que son aspect ne rassure pas le consommateur abruti et grégaire, et à cet instant de mes pensées, jaurais donné beaucoup pour mordre dans un de ces fruits merveilleux.
Déjà plus de deux jours à manger du riz moisi, accompagné bien souvent dun de ces légumes exotiques, qui font le bonheur des épiceries fines occidentales à Noël, mais là dans un état de pourrissement tel, quun cynocéphale à la diète nen naurait pas voulu.
Lentrée brutale de lersatz de nervi de service me tira brusquement de mes fantasmes gastronomiques. Louverture de la porte de la cellule créa un faible courant dair qui brassa suffisamment le remugle de ménagerie qui stagnait dans ce cul de basse-fosse, où nous nous entassions à plus dune vingtaine, pour te faire réaliser dans quelle puanteur, mélange de sueur, dexcréments, durine, nous marinions tous. Javais vraiment dans ces instants le sentiment dêtre mis, alors, sous oxygène.
Vautré sur des bas flancs miteux, ramassé ou allongé à même le sol sur des nattes crasseuses, chacun fit plus ou moins leffort de lever la tête discrètement pour respirer une bouffée dair pure, tout en veillant à ne porter aucune attention au garde-chiourme, à la carrure dadolescent mais à la mine de pervers, qui se tenait dans lembrasure de la porte. Intuitivement, dans les yeux des autres co-détenus, je devinais, quun jour ou lautre, quelque part dans la ville, quand il ne serait plus abrité par limmunité du lieu, on le retrouverait, au mieux, avec deux baguettes de bambou enfoncées dans les narines jusquà la cervelle.
Une fois que ses yeux se furent habitués à lobscurité, son regard se porta dabord sur un groupe de quatre ou cinq prisonniers, accroupis dans un coin. Sous le faible rayon de lumière diffusé par lunique et étroite ouverture du lieu, inaccessible mais néanmoins soigneusement nantie de barreaux, ils faisaient une partie, il me semble, de Mah-jong, avec un jeu artisanal et rudimentaire, dont le dharma était sans aucun doute daccompagner pour toujours les locataires du lieu, pendant des générations.
Avec une espèce de félinité les têtes rentrèrent dans les épaules, les dos sarrondirent donnant véritablement limpression quà cette minute, les joueurs engageaient une phase stratégique de la partie et que la concentration était de mise. Maîtrise asiatique, et le maton le savait, du groupe émanait un concentré de haine contenue qui aurait été capable de lui arracher le foie à distance.
Puis il porta un regard dédaigneux et carnassier sur un travesti-transexuel, je ne savais pas trop, isolé dans un coin de la cellule, non loin de la porte et du demi fût dessence qui nous servait de gogues. Un malaisien, dans un anglais quasi impeccable, quelques heures après mon arrivée mavait expliqué que le malheureux «
était très malade, il ne fallait mieux pas le toucher, même pour jouer
». Je compris, alors mieux, sa mise à lécart, malgré la racaille qui devait être sur sa faim, mais peut-être suffisamment pas suicidaire pour en abuser.
Enfin, je le pressentais, il me fit signe. Je sortis sans un regard sur mes compagnons dinfortune. Je sentis un frémissement dans mon dos. Je devinai que tous menviaient.
Malgré le manque de sommeil de ces trois nuits, javais des ailes, seule la lumière maveugla et me ralentit en me déséquilibrant quelques instants. Je devançais quasiment le matuche, mais il ne pouvait plus rien me dire.
Cest en entrant dans le bureau du chef, de je ne sais pas quoi dailleurs et je men fichais, où mattendaient un fondé de pouvoir du consulat de France et surtout le Second du grumier, que je meffondrai en larmes. Je puais et jétais sale, mais jétais libre. Je ne comprenais rien de ce qui se racontait. Javais eu la trouille de ma vie. Dans ce qui était pour moi une espèce de sabir, mélange danglais et de français, le galonné à la mode bananière sexcusait pour cette grossière erreur, cette mise en examen intempestive qui nétait quun involontaire concours de circonstance. Le représentant du consulat, en le toisant, rectifia et lui dit que chez nous, en occident, on appelait cela un abus de pouvoir.
Le second mexpliqua que nous partirions le lendemain soir avec la marée montante, mais quen attendant je devais subir un examen à lhôpital, et que je pourrais ainsi récupérer.
Il me faudrait attendre encore un peu pour voir la courbe de lhorizon.
Message modifié par foguenne à la demande de son auteur.