Cette pluie continue me rend mélancolique.
Et puis, des dizaines de fois je me suis rendue sur ce terrain, là-bas à quelques kilomètres le long du rivage, pour tenter d'y faire survivre une petite chartreuse très courageuse et ses deux chatons. C'est que ce lieu est particulier. Un champ qui descend sur une des plus belles criques de l'île. Au pied des falaises, l'océan tout bleu, même quand il pleut. J'aime lire là-bas, au pied du totem. Pile là où ce très cher ami vit la plupart du temps, quand il n'est pas ailleurs, trop loin sur le continent comme en ce moment.
Mélodie, c'était son nom tout naze, m'a apprivoisée dès le lendemain du départ de cet ami, ma muse, alors que je venai sur ses terres en quête de je sais pas quoi.
Immédiatement, je l'ai rebaptisée Nakata, du nom de ce héros improbable qui parle si bien le chat.
Mais voilà, depuis l'ouverture de la chasse, je la croisai moins souvent elle et ses chatons.
J'en reviens tout juste. N'y trouvant personne, j'ai passé quelques coups de fils.
Les chatons sont morts gelés avant hier. La chatte, je sais pas. Peut-être m'observait-elle perchée sur une branche d'un de ces majestueux pins maritimes. Ou elle a gelé, elle aussi.
Quelque chose a disparu de ce lieu, y emportant mes récentes habitudes.
J'y reviendrai demain, si les chasseurs sont ailleurs et que le climat est plus favorable, peut-être reviendra-t-elle miauler à mes pieds.
Je culpabilise, c'est con.
C'était bien prétentieux de penser que je pourrai faire du bien à cette petite famille.
Il fallait les choper et les foutre dans mon appart en attendant mieux. Je l'ai pas fait par égoïsme.
C'est con, mais je culpabilise.
Dehors, il pleut silencieusement sur l'océan. Et dans ma tête.