Nicoël
Me voici devant vous, ô ministre loyal,
du seigneur des ténèbres fort zélé féal,
juste toujours et droit en toute
décision,
construisant l'
avenir de vos petits démons.
Le recteur
Je vous écoute...
Nicoël
...et je vous expose mes doutes,
car si lutin je suis, parcourant bois et landes,
jouant tours et tromperies à qui croise ma route,
sans jamais renacler à noire sarabande,
je dois dire aujourd'hui que lutiner me coûte.
Le recteur
Nicoël, qu'est-ce donc? Auriez-vous, mon ami,
fréquenté un Amour ou mangé un Béni?
En votre coeur pourri germerait donc la rose
de l'amour du prochain...
Nicoël
...L'envisager ne l'ose!
Recteur, je suis de fiel, brûlant et non point tiède!
et mon ignominie n'est point en
intermède.
Le recteur
Alors? Quel est donc ce tourment qui vous agite?
Nicoël
C'est de ne plus pouvoir sucer de grosses moelles
arrachées aux jeunes os d'enfants hurlants, en fuite,
terrifiés devant moi, et mon énorme râle
couvrant leur agonie d'un plaisir illicite!
Vous l'avouerais-je, recteur? Ma vie est une leurre,
Même aux vieilles édentées je ne fais plus peur!
Encore hier que je redoublais d'ardeur
à terrifier jeune homme en sa chambre reclus
un roquet ridicule et bavant, quelle horreur!
jappant à mes mollets, vacillant et perclu
pu me mettre à genoux et me casser le coeur.
Le recteur
Nicoël, mon ami, votre peine je l'entend,
Mais qu'y puis-je?
Nicoël
Vous pouvez, recteur, à présent,
De la Sombre Marâtre* me faire le nervi
a Ses mamelles flasques suspendre ma vie
et en Ses cuisses grasses insérer mes envies,
Le recteur
Elle serait très décue d'un trop petit serment,
C'est un
risque certain, etes-vous prêt ami?
Nicoël
Recteur, quel est mon choix? Continuer ne puis!
Et ne suis point de ceux, solitaires esthètes
qui à l'action préfèrent une bonne bougie
au centre d'un pentacle de malédiction.
Je préfère d'un coup leur éclater le nez,
voir leur sang...
Le recteur
... Je connais vos prédispositions.
Et j'hésitais d'abord à votre rôle actuel,
le trouvant bien petit pour un aussi cruel.
Mais...
Nicoël
...Je sais, mon ami, je fus un peu poltron,
je voulus doucement commencer le
voyage
qui devait faire de moi un maître en carnage.
J'eus tort, je le reconnais, et je fus bien trop sage
Je paye maintenant ces vieilles hésitations.
Qu'elles meurent et se fondent en ses noires légions
Que la terreur m'enrobe et me nourisse enfin,
Et qu'Elle crie de plaisir à mes sombres desseins
Quand je mettrais les doigts en Son large cocon
pour en extraire le sel du mal et du destin.
Le recteur
Nicoël, mon ami, je reconnais bien là,
le funeste démon que toujours tu seras.
Je t'inscris donc...
Nicoël
... Recteur, tu es le brillant éclat
qui nous guide toujours vers l'enfer le plus froid,
un démon je serais, malveillant et hostile,
et j'oublierais le pauvre lutin...
Le recteur
...Ainsi soit-il.
* Une déesse du mal. Mettez-y celle que vous voulez. Ca nous change de Lucifer, non?