Passées, les saisons ... trop vite d'ailleurs ! Une succession de kaléidoscopes, tantôt verts, tantôt gris, tantôt blancs, mais tous teintés de la même nostalgie du temps qui n'est plus...
En ai-je perdu du temps, à vouloir me glisser dans tous les interstices de la vie qui me file entre les doigts, me raidit les muscles et me blanchit la barbe tel Sisyphe implorant Zeus au soir d'une vie dont la fin n'aura pas de fin...
En ai-je usé, des espadrilles à deux sous, espérant qu'elles me mèneraient vers la gloire, la félicité et la renommée ... elles m'ont oublié, ignoré tant elles étaient fébriles à entourer ceux qui brillaient de mille feux...
En ai-je poussé des rochers sur les pentes abruptes qui parsèment les années et les décades de mon involontaire destinée...
Lente décadence, sublime déliquescence ... le résumé d'une vie qui s'écoule lentement mais surement, au rythme d'un coeur fatigué...
La joie d'avoir aimé et d'avoir été aimé est un baume léger qui éloigne l'oubli qui me poursuit ... mais il guette au détour d'une peine, dans les recoins d'une solitude exacerbée et dans les regards de ceux qui me jugent...
La Mort n'est pas une épée de Damoclès prête à me pourfendre ... elle est le phare vers qui je navigue au jugé, l'étoile qui me guide lorsque la lumière me fait défaut et la compagne qui m'attend, plus sûrement que n'importe quelle compagne...
Voguant vers elle, les fluctuations du temps n'ont plus guère d'importance, les limites sont dépassées et l'infini vous apparaît dans un vide absolu ... vous y entrez, et vous devenez l'absolu ... vous êtes l'absolu...
Souvent, j'ai essayé d'expliquer à mes enfants quelle pouvait bien être la consistance d'une vie, l'utilité de ce passage furtif dans un monde qui ne vous attend pas et qui parfois vous vomit ...
Jamais je n'ai su trouver les mots justes, les phrases qui sonnent la vérité ou la bonne tonalité ...
Alors, simplement, je me tais ... je touche leurs mains ... j'effleure leurs visages... et dans leurs yeux, je vois poindre l'azur ... la douceur d'une journée de printemps ... la tiédeur d'une nuit d'été... et l'amour qui doucement me submerge et me réchauffe...